Si vous l’osez, venez, sortez de vos étangs,
Vos marais, votre boue où vous faites des bulles
Ces deux vers, tirés du poème de Jean Genêt “Le condamnè à mort” ont été explosifs pour mon adolescence. J’ai environ 69 ans. En 1962, nous sortions de la guerre d’Algérie, tout me semblait injuste, injustifié. Avec quelques copains maghrébins, nous avions monté une troupe de théâtre et nous jouions des classiques français et quelques contemporains. Un moyen de canaliser notre colère, notre incompréhension. Un soir, nous avons joué un texte de Maupassant que j’avais adapté : “La Tombe”. Si vous ne le connaissez pas, le voilà :
http://maupassant.free.fr/cadre.php?page=oeuvre
Je voulais que nous jouions ce texte pour qu’il nous serve de thérapie face à la mort. Chacun d’entre nous avait perdu un ou plusieurs proches dans le conflit, ou dans des accidents d’aciérie ou de mine de charbon. La mort d’un proche ne nous causait pas plus d’émotion qu’une paire de galoches foutues. Acquérir la possibilité d’un chagrin durable me semblait un bon moyen pour nous “humaniser”. Je ne sais toujours pas si c’est vrai pour tout le monde, mais pour certains d’entre nous, ce texte a eu du bon.
L’épilogue est fort attristant. Certains d’entre nous étaient entrés au collège, cinquième et quatrième, et nous avions invité leur professeur de français. En sortant de la représentation ce pédagogue m’a dit : “De la belle littérature française mal digérée !”. J’avais quitté l’école trois ans auparavant, le jour de mes quatorze ans. Je ne le regrette pas, ça m’a laissé le temps de m’instruire. Mais comment élever ses enfants de façon à ce qu’elles/ils se sentent chez eux ?
En sortant de la représentation ce pédagogue m’a dit : “De la belle littérature française mal digérée !”. J’avais quitté l’école trois ans auparavant, le jour de mes quatorze ans.
Vous aviez donc 17 ans et n’étiez pas son élève. Lui aviez-vous répondu ?