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Surveiller et punir : Un dispositif scientifique de liquidation de la pensée déviante (Réponse à l’appel d’offre « Veille de l’opinion »)
24 février 2009 Récits et témoignages
Je suis professeur des universités en Sciences de l'information et de la communication.

Je travaille sur les relations entre nature, savoirs et sociétés, sur la patrimonialisation de l'environnement, sur les discours à propos de sciences, ainsi que sur la communication dans les institutions du savoir et de la culture. Au plan théorique, je me situe à l'articulation du champ de l'ethnologie et de la sémiotique des discours.

Sinon, dans la "vraie vie", je fais aussi plein d'autres choses tout à fait contre productives et pas scientifiques du tout... mais ça, c'est pour la vraie vie !
Igor Babou
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Voi­ci ma réponse à l’appel d’offre « Veille de l’opinion » du Minis­tère de l’Amour du Savoir et de la Libre Pensée

Pro­po­sé par :

Labo­ra­toire d’Ergonomie de la Connais­sance Pure (Uni­ver­si­té Auto­nome de l’Élysée, jan­vier 1984)

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Table des matières

  1. Objec­tifs. 4
  2. 1. Diag­nos­tic scien­ti­fique de la situa­tion poli­tique et morale fran­çaise. 4
  3. 2. Pro­blé­ma­tique : liqui­der la pen­sée déviante. 4
  4. 3. Approche : ration­nelle et par­ti­ci­pa­tive. 5
  5. Maté­riels et méthodes. 7
  6. 1. Iden­ti­fier la liste des thèmes stra­té­giques à liqui­der. 7
  7. 2. Iden­ti­fier et ana­ly­ser les sources stra­té­giques ou struc­tu­rant l’opinion.. 8
  8. 3. Repé­rer les lea­ders d’opinion, les lan­ceurs d’alerte et liqui­der leur poten­tiel d’influence et leur capa­ci­té à se consti­tuer en réseau : pro­po­si­tion de créa­tion d’une Agence Natio­nale de la Rai­son 8
  9. 4. Éli­mi­ner les sources des débats et sur­veiller leurs modes de pro­pa­ga­tion : du dis­po­si­tif Dar­koz Plus au concept de « Sur-pro­pa­ga­tion de l’approbation ». 9
  10. 5. Repé­rer les infor­ma­tions signi­fiantes (en par­ti­cu­lier les signaux faibles). 12
  11. Conclu­sion.. 15

 

Objectifs

1. Diag­nos­tic scien­ti­fique de la situa­tion poli­tique et morale française

La situa­tion morale et poli­tique fran­çaise est pré­oc­cu­pante. Les élé­ments anar­cho-auto­nomes se mul­ti­plient dans nos uni­ver­si­tés tan­dis que les étran­gers n’attendent qu’un signe de fai­blesse de notre part pour s’installer dans nos entre­prises livrées depuis trop long­temps à des syn­di­cats mani­pu­lés par l’Anti-France.

Dans les cam­pagnes, d’odieux quar­te­rons éco­lo­gistes détruisent le pro­duit des patients efforts de la recherche fon­da­men­tale sou­te­nue par la indus­trie géné­tique fran­çaise. Au cœur de nos villes, les foyers d’agitation sont nom­breux : des étu­diants mani­pu­lés par des grou­pus­cules d’extrême gauche, aidés par des ensei­gnants abu­sant du droit de grève et ayant per­du le sens des valeurs morale de la France qui aime le Tra­vail, res­pecte la Famille et défend la Patrie, s’arment et menacent la bonne san­té éco­no­mique et le moral des ménages. Les peuples du sud, issus d’aires géo­gra­phiques sur­peu­plées et sou­mises à un cli­mat cani­cu­laire peu pro­pice à l’émergence de la Rai­son Uni­ver­selle, n’ayant jamais réus­si à entrer dans l’Histoire de la Civi­li­sa­tion que l’Occident a écrite pour eux avec tant de géné­ro­si­té depuis dix siècles, menacent d’attenter à nos inté­rêts éco­no­miques en envoyant en masse leurs res­sor­tis­sants en direc­tion de nos fron­tières. De dan­ge­reux mal­fai­teurs se cachent dans des hôpi­taux psy­chia­triques avec la com­pli­ci­té de méde­cins droits-de‑l’hommistes.

L’heure est donc grave, et l’État, pre­nant la pleine mesure de ses res­pon­sa­bi­li­tés, sou­haite agir effi­ca­ce­ment pour le confort et la sécu­ri­té de tous. C’est pour­quoi nous nous réjouis­sons que le Minis­tère de l’Amour du Savoir et de la Libre Pen­sée, dans sa grande bien­veillance et mani­fes­tant ain­si la supré­ma­tie de la Rai­son, nous donne l’opportunité de contri­buer à l’effort de redres­se­ment des valeurs morales du pays, Conscients du devoir qui est le notre de ser­vir la Patrie et l’Ordre Moral qui la fonde, nous enten­dons nous sou­mettre avec abné­ga­tion à cet appel.

2. Pro­blé­ma­tique : liqui­der la pen­sée déviante

Si le pays est en dan­ger, c’est aus­si parce qu’au sein de son sys­tème d’enseignement supé­rieur et de recherche se sont déve­lop­pés les germes de la déca­dence qui ont conduit au désordre actuel. Il est donc urgent d’établir un diag­nos­tic clair de la situa­tion afin d’agir avec force pour res­tau­rer l’autorité de l’État en butte aux attaques inces­santes de grou­pus­cules d’intellectuels dont l’objectif n’est que trop évident. Tel le soleil s’élevant au des­sus de l’horizon par un matin calme avant la bataille, notre Chef Suprême, vaillam­ment aidé de ses glo­rieux Ministres, nous montre le che­min d’une Révo­lu­tion Natio­nale que nous sou­tien­drons avec enthou­siasme en nous appuyant sur les don­nées de la science. Armés des faits incon­tes­tables que nous four­nissent l’analyse sta­tis­tique de cor­pus de don­nées et grâce au tra­vail des cher­cheurs d’excellence regrou­pés dans les labo­ra­toires dis­ci­pli­nés par l’Agence Natio­nale de la Recherche, nous avons éla­bo­ré une pro­blé­ma­tique claire : sur­veiller et punir afin de liqui­der la pen­sée déviante qui gan­grène l’université et la recherche. Il est temps en effet de faire le ménage, et d’en finir avec un intel­lec­tua­lisme vain et néga­tif. La seule pen­sée qui compte est celle de notre Chef bien aimé. Ain­si nous ferons adve­nir une Science Pure et un Ensei­gne­ment Supé­rieur Régé­né­ré qui dure­ra mille ans.

3. Approche : ration­nelle et participative

L’approche mise en œuvre com­bi­ne­ra l’efficacité des tech­no­lo­gies de la Rai­son (bases de don­nées infor­ma­ti­sées, indi­ca­teurs, grilles, etc.) et l’ouverture citoyenne aux démarches par­ti­ci­pa­tives : cha­cun sera appe­lé à contri­buer en s’appropriant les moyens mis à sa dis­po­si­tion par les meilleurs spé­cia­listes pour par­ti­ci­per aux veilles d’opinion, dans une démarche non plus des­cen­dante mais « bot­tom up », des citoyens ordi­naires vers les labo­ra­toires et les centres d’information. Cette démarche per­met­tra d’éviter que n’importe quel intel­lec­tuel ou pseu­do savant s’arroge le droit d’occuper des places publiques pour émettre des avis qui ne concernent que lui.

 

Matériels et méthodes

1. Iden­ti­fier la liste des thèmes stra­té­giques à liquider

Les thèmes stra­té­giques qu’il est urgent de sur­veiller et de dénon­cer aux ser­vices char­gés de leur liqui­da­tion sont faciles à iden­ti­fier. Nous avons éta­bli des listes. En effet, nul n’ignore que la liste est un outil essen­tiel à la bonne ges­tion d’un État ration­nel et bien orga­ni­sé pla­ni­fiant la res­tau­ra­tion de l’Ordre Intérieur.

Voi­ci donc une pre­mière liste, éta­blie par les cher­cheurs de nos labo­ra­toires. Nous y adjoi­gnons une défi­ni­tion ain­si qu’un indi­ca­teur de niveau de dan­ge­ro­si­té pour la Nation. D’autres listes sui­vront : nos agents aiment les listes autant qu’ils aiment leur Chef.

Nom

Défi­ni­tion

Niveau de dangerosité

Mar­xisme

Secte russe

Extrême : à liqui­der d’urgence.

Phi­lo­so­phie

Secte grecque

Extrême : à liqui­der d’urgence.

Socio­lo­gie

Grou­pus­cule anarchosyndicaliste

Extrême : à liqui­der d’urgence

His­toire

Syn­di­cat du passé

Impor­tant : légi­fé­rer sur. La seule his­toire accep­table est celle écrite par notre Chef.

Édu­ca­tion

Fan­tasme archaïque

Impor­tant : à trai­ter avant l’entrée à la maternelle.

Com­mu­ni­ca­tion

Dis­po­si­tif technique

Impor­tant : à sur­veiller. La seule com­mu­ni­ca­tion accep­table est la com­mu­ni­ca­tion poli­tique de notre Chef.

Éco­no­mie

Doc­trine marxiste

Extrême : à démarxiser.

Bien com­mun

Idéo­lo­gie surannée

Impor­tant : à liquider.

Ser­vice public

Lieu d’aisance

A trai­ter au Kärsher.

Étu­diant

Espèce en voie de disparition

A liqui­der s’il n’adhère pas aux idées de notre Chef.

Pro­fes­seur

Fonc­tion­naire soumis

A éva­luer pério­di­que­ment. En cas de non adhé­sion aux idées de notre Chef, à liquider.

Pen­sée

Lubie mono­ma­niaque

A inter­dire.

Cri­tique

Can­cer du cerveau

Extrême : à liqui­der d’urgence.

Liber­té

Concept rela­tif

Impor­tant : à rem­pla­cer par « libre échange »

Ques­tion

Phrase inutile

Extrême : à interdire.

Inter­net

Câble élec­trique

Extrême : à cou­per en cas d’urgence. Rem­pla­cer par la télévision.

Uni­ver­si­té

Bâti­ment encombrant

Extrême : à détruire et à rem­pla­cer par des agences d’innovation sous contrat avec les entreprises.

Recherche

Moteur de l’économie

Extrême : y inter­dire tout ques­tion­ne­ment. La seule recherche accep­table est celle dic­tée aux entre­prises par notre Chef.

Doc­to­rat

Tas de papier sans intérêt

A brû­ler.

Diplôme

Tas de papier sans intérêt

A brû­ler sauf les diplômes de l’École Supé­rieure de Com­merce et de l’École Natio­nale d’Administration.

Livre

Sert à caler les pieds du lit de notre Chef bien aimé

A brû­ler. Ne gar­der que les livres de notre Chef pré­fa­cés par Gian­fran­co Finni.

2. Iden­ti­fier et ana­ly­ser les sources stra­té­giques ou struc­tu­rant l’opinion

Une seule source d’information a la légi­ti­mi­té de struc­tu­rer une opi­nion posi­tive et éclai­rée. Cette source bien aimée, nous la connais­sons par cœur, car c’est la Parole Sacrée de notre Chef, trans­mise quo­ti­dien­ne­ment par la Télé­vi­sion. Toutes les autres sources sont cor­rom­pues, il est de notre devoir de les éliminer.

C’est pour­quoi nous pré­co­ni­sons une solu­tion simple et radi­cale : inter­dire tout autre média que la Télé­vi­sion. Mieux, nous sug­gé­rons de regrou­per les forces média­tiques télé­vi­suelles exis­tantes dans un seul et unique orga­nisme afin de lui don­ner une plus grande lisi­bi­li­té tant au plan inté­rieur qu’à l’international. Une réforme struc­tu­relle de l’audiovisuel s’impose donc : il s’agira de cou­per les branches pour­ries, et de réunir les acteurs zélés de la trans­mis­sion cor­recte de la parole d’airain de notre Chef en un seul lieu, qui sera mis à dis­po­si­tion des jour­na­listes par le ser­vice de com­mu­ni­ca­tion de l’armée. Ce lieu, pla­cé sous la bien­veillante sur­veillance d’un Comi­té de Salut Natio­nal Mili­taire aura à cœur de don­ner l’image posi­tive que nos conci­toyens sont en droit d’exiger aujourd’hui de leurs minis­tères, en par­ti­cu­lier du Glo­rieux Minis­tère de l’Enseignement Supé­rieur et de la Recherche Nationale.

3. Repé­rer les lea­ders d’opinion, les lan­ceurs d’alerte et liqui­der leur poten­tiel d’influence et leur capa­ci­té à se consti­tuer en réseau : pro­po­si­tion de créa­tion d’une Agence Natio­nale de la Raison

Un lea­der fort, un peuple uni, une dyna­mique par­ti­ci­pa­tive : tel est l’objectif pour lequel il nous faut une feuille de route claire. C’est pour­quoi, plus qu’une acti­vi­té de sui­vi des dis­cours à pro­pos du Minis­tère, nous pro­po­sons une Bri­gade d’Intervention Rapide char­gée d’une part de la col­lecte par­ti­ci­pa­tive des infor­ma­tions et des opi­nions des citoyens et d’autre part de l’élimination des lan­ceurs d’alerte, ces pré­ten­tieux qui s’arrogent le droit de dic­ter aux autres ce qu’il faut pen­ser. Si nous devons agir dans un monde incer­tain, fai­sons-le armés de cer­ti­tudes : nous avons la Rai­son de notre côté ! Nous sug­gé­rons donc hum­ble­ment à notre Minis­tère et à son Chef de bap­ti­ser cette bri­gade d’intervention de la manière sui­vante : Agence Natio­nale de la Raison.

Sous com­man­de­ment mili­taire, l’Agence Natio­nale de la Rai­son aura pour charge de repé­rer, grâce à un sys­tème d’appels d’offres judi­cieu­se­ment adap­té, les thèmes dégé­né­rés qui sub­sis­te­raient encore au sein de l’Enseignement Supé­rieur et de la Recherche Natio­nale. Le prin­cipe stra­té­gique de cette démarche est simple : uti­li­sons la liste des thèmes dégé­né­rés pré­sen­tée plus haut et dédui­sons-en une série d’appels d’offre dégé­né­rés. En paral­lèle, l’Agence Natio­nale de la Rai­son, sous contrôle du Gou­ver­ne­ment Mili­taire de la Région de Vichy, rédi­ge­ra la série des thèmes fon­da­teurs de la Science Pure et Effi­cace. Grâce à cet ingé­nieux stra­ta­gème, l’Agence Natio­nale de la Rai­son amé­na­ge­ra un dis­po­si­tif de tri sélec­tif : d’un côté, les déchets de la pen­sée qui opè­re­raient encore dans nos ins­ti­tu­tions, de l’autre les com­bat­tants de l’Union pour un Monde Pluraliste.

4. Éli­mi­ner les sources des débats et sur­veiller leurs modes de pro­pa­ga­tion : du dis­po­si­tif Dar­koz Plus au concept de « Sur-pro­pa­ga­tion de l’approbation »

Un seul débat doit sub­sis­ter dans l’université et la recherche : approu­vons-nous vigou­reu­se­ment ou approu­vons-nous avec vigueur les posi­tions défen­dues par notre Chef et relayés par ses Ministres ? En consé­quence, le Minis­tère encou­rage le débat par­ti­ci­pa­tif concer­nant cette pro­blé­ma­tique mor­pho­syn­taxique, qui don­ne­ra en outre lieu à de pas­sion­nantes confé­rences de lin­guistes et dic­tion­na­ristes autour de l’étymologie du concept d’« appro­ba­tion ». La réunion du peuple et des savants se fera sur des enjeux de pré­ci­sions et d’intensité cog­ni­tive, et non sur les bru­meux déve­lop­pe­ments qui ont enva­hi les bibliothèques.

Les règles du débat public uni­ver­si­taire étant ain­si fixées, il ne reste plus qu’à sur­veiller leurs modes de pro­pa­ga­tion. Mais la sur­veillance, en dépit de ses suc­cès his­to­riques attes­tés, consti­tue une réponse trop timide face aux défis aux­quels notre Chef nous invite à faire face. C’est pour­quoi, conscients des res­pon­sa­bi­li­tés qui sont les nôtres, et anti­ci­pant avec humi­li­té une pen­sée que notre Minis­tère a déjà for­mu­lée en son for inté­rieur mais qu’il lui plaît de nous voir devi­ner afin de mettre à l’épreuve notre pers­pi­ca­ci­té et notre capa­ci­té à la démarche par­ti­ci­pa­tive, nous nous per­met­tons de sug­gé­rer ceci : puisque d’une part nous aurons, grâce à l’Agence Natio­nale de la Rai­son, trié le bon grain uni­ver­si­taire de l’ivraie cri­tique, et puisque d’autre part nous avons défi­ni que seul le débat sur les moda­li­tés énon­cia­tives de l’approbation vigou­reuse de la parole de notre Chef devait sub­sis­ter, pour­quoi ne pas fusion­ner le concept de « sur­veillance » avec celui de « pro­pa­ga­tion » ? En effet, rien ne serait plus simple que d’installer dans chaque amphi­théâtre uni­ver­si­taire, dans chaque salle de cours, dans chaque lieu de sémi­naire ou de col­loque, bref dans chaque lieu où ris­que­rait de s’instaurer un débat cri­tique et une réflexion dégé­né­rée, un télé­vi­seur dif­fu­sant en conti­nu la Parole Sacrée de la Véri­té Vraie pro­fé­rée par notre Chef ? De plus, il est aujourd’hui tech­ni­que­ment fort simple de doter ces télé­vi­seurs de camé­ras digi­tales reliées à un dis­po­si­tif de sui­vi de regard et d’enregistrement du mou­ve­ment des lèvres et des regards. Grâce à ce dis­po­si­tif, nous serons en mesure tout à la fois d’informer régu­liè­re­ment les uni­ver­si­taires et cher­cheurs des réformes en cours et de la mise à jour régu­lière des thèmes de dis­cus­sion auto­ri­sés par l’Agence Natio­nale de la Rai­son, et d’évaluer en temps réel la récep­tion de cette infor­ma­tion. En effet, grâce à la Gram­ma­to­lo­gie Appro­ba­trice Consen­suelle du Regard mise au point par le Pro­fes­seur Von Bouygues du Labo­ra­toire d’Approbation Construc­ti­viste de Paris, il est pos­sible de véri­fier le degré d’attention visuelle avec lequel un indi­vi­du regarde un télé­vi­seur [1] . En fonc­tion de ce degré d’attention, diverses réponses peuvent être déclen­chées. Par exemple, le Labo­ra­toire d’Universalisation de l’Approbation et des Nano­tech­no­lo­gies au Ser­vice de la Cap­ta­tion de l’Attention du Public de L’Université Auto­nome Pri­vée de l’Élysée II, vient de mettre au point une puce RFID qui, une fois gref­fée dans le cer­veau de chaque uni­ver­si­taire ou de chaque cher­cheur, est capable de pro­duire une décharge élec­trique ciblée sur les neu­rones res­pon­sables dans le cer­veau humain, de l’approbation due au dis­cours d’autorité [2] . En paral­lèle, le pro­fes­seur Dar­koz a théo­ri­sé un sys­tème de sui­vi du mou­ve­ment des lèvres qui per­met de recons­ti­tuer avec une pro­ba­bi­li­té de 95,7 % le conte­nu d’un dis­cours énon­cé à voix basse et ne pou­vant pas être cap­té par des moyens conven­tion­nels de ren­sei­gne­ment [3] . Grâce à ce dis­po­si­tif, déjà com­mer­cia­li­sé en Chine, en Syrie et en Iran et appe­lé « Dar­koz Plus », nous sommes cer­tains de pou­voir réagir en temps réel dans tous les cas où un indi­vi­du sou­met­trait, par exemple à son voi­sin, une cri­tique ou un doute quant à la Véra­ci­té et au Bien Fon­dé de la Parole Sacrée de nos Chefs et de leurs Glo­rieux Ministères.

C’est pour­quoi, armés de ces faits posi­tifs et de ces modèles com­por­te­men­taux, nous avons éla­bo­ré le concept de « sur-pro­pa­ga­tion de l’approbation » en com­bi­nant les apports de la sur­veillance et de la pro­pa­ga­tion et en les met­tant au ser­vice de l’approbation. Le sché­ma sui­vant modé­lise, en le sim­pli­fiant, les dif­fé­rentes phases de ce concept :

approuve

Figure 1 : les phases du concept de « sur-pro­pa­ga­tion de l’approbation »

La figure A indique la zone du sujet à conqué­rir : son cer­veau, et sa volon­té. En B, nous mon­trons clai­re­ment que le sujet a main­te­nant un objec­tif cog­ni­tif défi­ni : fer­mer les yeux et obéir aveu­glé­ment à la Parole Vraie de notre Chef et de son Minis­tère. En C, nous mon­trons com­ment l’apparent para­doxe d’une sou­mis­sion aveugle à la Parole Sacrée peut se réa­li­ser dans un contexte d’attention sou­te­nue à l’image télé­vi­suelle : grâce à l’implant RFID des pro­fes­seurs Brün­ni et Dar­koz. En D, nous voyons l’objectif que nous nous sommes fixés : un sou­rire joyeux orne main­te­nant le visage réjoui du sujet, trans­por­té d’admiration devant l’expression de la Rai­son Gou­ver­ne­men­tale. En E, F et G, nous indi­quons quelques une des atti­tudes typi­que­ment dégé­né­rées que le dis­po­si­tif Dar­koz Plus per­met de repérer.

La figure sui­vante per­met de consta­ter que notre dis­po­si­tif fonc­tionne même lorsque le sujet récal­ci­trant cligne de l’œil, atti­tude mani­fes­te­ment régres­sive et dégé­né­rée, expres­sion d’un humour dou­teux qu’un État civi­li­sé ne sau­rait admettre de la part de ses fonctionnaires :

obey

Figure 2 : Grâce à Dar­koz Plus et au concept de « sur-pro­pa­ga­tion de l’approbation », les sujets récal­ci­trants cessent de récalcitrer

En effet, en situa­tion expé­ri­men­tale, grâce à Dar­koz Plus et au concept de « sur-pro­pa­ga­tion de l’approbation », le sujet dégé­né­ré ten­tant de résis­ter à la Parole Vraie de notre Chef (figu­ré à l’extrême droite du sché­ma, car là est sa place) en fer­mant son œil gauche, finit par recon­naître la supré­ma­tie de la Rai­son Gou­ver­ne­men­tale. On le voit en effet lever le doigt droit, mon­trant ain­si qu’il va suivre la bonne direc­tion indi­quée par notre Chef, direc­tion qui consiste à pen­ser droit et à suivre les ordres au doigt et à l’œil.

5. Repé­rer les infor­ma­tions signi­fiantes (en par­ti­cu­lier les signaux faibles)

Les signaux fai­ble­ment signi­fiants consti­tuent un défi scien­ti­fique d’importance majeure pour tout dis­po­si­tif de sur­veillance géné­ra­li­sé de la pen­sée. D’où l’enjeu déjà poin­té plus haut d’établir comme seul thème de débat accep­table la dis­pute entre « approu­ver vigou­reu­se­ment » et « approu­ver avec vigueur » les direc­tives de notre Chef bien aimé. Ce dis­po­si­tif de régu­la­tion du débat public uni­ver­si­taire, s’il est implé­men­té avec force, per­met­tra alors de dis­cri­mi­ner avec finesse le niveau d’insignifiance de l’expression des uni­ver­si­taires et des cher­cheurs, atten­du qu’un État pla­ni­fiant cor­rec­te­ment des réformes d’envergures ne sau­rait attendre d’autres niveaux d’expression de la part de ses fonc­tion­naires qu’un niveau très éle­vé d’insignifiance de leur part. Autre­ment dit, plus les cher­cheurs et les uni­ver­si­taires fran­çais pren­dront la parole avec insi­gni­fiance, moins ils trans­met­tront d’informations sus­cep­tibles d’égarer sur le che­min d’une pen­sée cri­tique les chères têtes blondes dont notre Nation a besoin. L’objectif à atteindre est donc celui d’une Tolé­rance Zéro à la signi­fiance : les uni­ver­si­taires et les cher­cheurs doivent pro­duire des signaux par­fai­te­ment désa­m­bigüi­sés, c’est çà dire tota­le­ment insi­gni­fiants. Ce n’est qu’à ce prix que nous conquer­rons la pre­mière place au Clas­se­ment de Shan­ghai qui récom­pense les for­ma­tions les plus insi­gni­fiantes de la Planète.

Le labo­ra­toire de Neu­ro­lo­gie Cog­ni­tive Posi­tive de l’Université Auto­nome de l’Élysée I a éla­bo­ré ces der­nières années une gram­ma­to­lo­gie des atti­tudes atten­dues des fonc­tion­naires insi­gni­fiants. Un léger trans­fert concep­tuel au champ de l’enseignement supé­rieur sera néces­saire pour que chaque uni­ver­si­taire et chaque cher­cheur devienne, à terme, aus­si insi­gni­fiant que pos­sible. Mieux, nous ne cache­rons pas notre ambi­tion, notre rêve, et nos espoirs : un uni­ver­si­taire tota­le­ment insignifiant !

La figure sui­vant montre un niveau d’expression de l’insignifiance chez un fonc­tion­naire sor­ti de l’École Natio­nale d’Administration :

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Figure 3 : fonc­tion­naire servile

Notez, dans la figure 3, com­ment le fonc­tion­naire exprime son insi­gni­fiance à l’aide d’une séman­tique simple : dos légè­re­ment incli­né vers son Chef en signe de sou­mis­sion, et mains à l’horizontale dans un léger signe d’apaisement. C’est ain­si que nous sou­hai­tons voir se com­por­ter les cher­cheur et les uni­ver­si­taires dorénavant.

La figure sui­vante montre à quel degré d’insignifiance on peut arri­ver par des méthodes de sug­ges­tion appuyées sur les récentes avan­cées de l’innovation en matière de nano­tech­no­lo­gies. La figure 4 montre en effet l’activité d’un cher­cheur en sciences humaines et sociales dans son labo­ra­toire après la greffe dans son cer­veau de la puce nano-optique « Bel­locks VI ». Son pied gauche décrit une courbe d’environ 3 cen­ti­mètres vers l’intérieur du corps, de manière à bien indi­quer à son supé­rieur hié­rar­chique qu’il n’a pas l’intention de fuir aux États-Unis ni de suivre la piste d’une pen­sée cri­tique dégé­né­rée : s’il s’avançait sur ce che­min dan­ge­reux, il ne pour­rait que tom­ber. Ensuite, comme on le voit bien sur la figure, il frotte ses ongles contre sa che­mise de haut en bas en décri­vant un léger arc de cercle d’une cir­con­fé­rence de 5 cen­ti­mètres. Il exprime ain­si l’insignifiance à la fois de son tra­vail, de sa pro­duc­tion, et de ses attentes en matière sala­riale, répon­dant par­fai­te­ment au pro­gramme implé­men­té dans la puce Bel­locks VI à la demande de l’Agence Natio­nale de la Raison.

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Figure 4 : expres­sion de l’insignifiance sou­mise de la part d’un chercheur

Nous signa­lons au lec­teur que ce cher­cheur, depuis sa greffe, a vu l’insignifiance de sa pro­duc­tion scien­ti­fique saluée par l’augmentation de son Fac­teur H d’un ½ point. De même, son mas­ter « Ges­tion inno­vante des connais­sances au pro­fit des entre­prises » a été indexé par l’Université de Shan­ghai et a été saluée comme « suf­fi­sam­ment insi­gni­fiant pour être oublié » par le Rec­teur de l’Académie de l’Élysée, Madame Wal­ky­rie Détresse.

Conclusion

L’analyse atten­due des prin­ci­paux argu­ments, des cri­tiques et des ten­dances, à par­tir du cor­pus défi­ni, tous les canaux étant pris en compte, don­ne­ra lieu à des notes de syn­thèse (rap­port quo­ti­dien, note de syn­thèse heb­do­ma­daire, car­to­gra­phie com­men­tée des acteurs et débats en présence).

Plus par­ti­cu­liè­re­ment en matière de veille Inter­net, l’analyse per­met­tra un sui­vi pré­cis de l’évolution de l’opinion inter­naute et des argu­ments émer­gents relayés et com­men­tés sur ce canal.

Clé de voûte du dis­po­si­tif de veille, le pas­sage en « mode alerte » vise­ra à trans­mettre sys­té­ma­ti­que­ment les infor­ma­tions stra­té­giques ou les signaux faibles sus­cep­tibles de mon­ter de manière inha­bi­tuel­le­ment accé­lé­rée. Les notes de veille pour­ront por­ter ou sur l’ensemble des canaux (média tra­di­tion­nels et Inter­net for­mel et infor­mel) ou être limi­tées à l’internet.

Les vidéos, péti­tions en ligne, appels à démis­sion, seront sui­vis avec une atten­tion par­ti­cu­lière et signa­lées en temps réel.

L’université va bien, tout va bien. La lutte est ter­mi­née. L’université a rem­por­té la vic­toire sur elle-même. Elle aime son ministère.


[1] Von Bouygues, H. Prin­cipes et méthodes pour mesu­rer l’attention télé­vi­suelle d’un sujet moyen au dis­cours de véri­té de notre Chef. Paris : Presse Uni­ver­si­taires de l’Élysée, 2008.

[2] Brün­ni, Karl. Usages sécu­ri­taires des nano­tech­no­lo­gies dans le cadre de l’obtention de l’adhésion sans réserve au dis­cours d’autorité par élec­tro­sti­mu­la­tion du cer­veau : puces RFID et poli­tique. Revue Ély­séenne de sciences poli­tiques et nano­tech­no­lo­giques, Volume 152 n° 13, Juin 2008.

[3] Dar­koz, X. Sui­vi et enre­gis­tre­ment numé­rique de la parole silen­cieuse : une modé­li­sa­tion par des réseaux de neu­rones et la logique floue de l’obéissance requise de la part des fonc­tion­naires de l’État. Revue Fran­çaise de Sciences de Ges­tion Auto­ri­taire volume 7 n° 237, décembre 2008.

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"2" Comments
  1. Je crains que votre cari­ca­ture ne manque son effet pour deux raisons : 

    1. D’a­bord parce que nous sommes trop avan­cés dans un sys­tème monar­chique pour que l’é­cart entre votre texte et la réa­li­té puisse sus­ci­ter le rire.

    2. Votre cari­ca­ture se réfère à un tota­li­ta­risme de type régime sovié­tique du siècle der­nier. Or aujourd’­hui nous sommes dans une socié­té de contrôle qui laisse en appa­rence plus de liber­té aux citoyens. Exemple : il n’est nul besoin que par un acte sou­ve­rain le roi de notre Répu­blique bana­nière sup­prime les chaînes de tv. La ser­vi­li­té des cour­ti­sans suf­fit à lui don­ner un contrôle sur l’en­semble des chaînes nationales.

    • Ce qui nous fait rire peut ne pas vous amu­ser : c’est votre (notre) droit. Évi­dem­ment, il y a le Pou­voir (avec un grand “P”) et les pou­voirs natu­ra­li­sés dans la ser­vi­li­té des cour­ti­sans, ou, pire — ver­sion fou­cal­dienne — dans les pra­tiques, les dis­po­si­tifs, le lan­gage, etc. Quoi qu’il en soit, il y a bien un com­man­di­taire de cet appel d’offre, qui offre de l’argent pour sur­veiller et punir : nous ne somme pas dans un pan­op­tique, mais bien face à un Pou­voir à grand “P” majus­cule. Ne pas cari­ca­tu­rer ces Pou­voirs serait lais­ser l’es­pace libre pour que s’ins­tallent les micro-pou­voirs et les linéa­ments de la ser­vi­li­té qui, déjà, nous enserrent.

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