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Surveiller et punir : Un dispositif scientifique de liquidation de la pensée déviante (Réponse à l’appel d’offre « Veille de l’opinion »)


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Voi­ci ma réponse à l’appel d’offre « Veille de l’opinion » du Minis­tère de l’Amour du Savoir et de la Libre Pensée

Pro­po­sé par :

Labo­ra­toire d’Ergonomie de la Connais­sance Pure (Uni­ver­si­té Auto­nome de l’Élysée, jan­vier 1984)

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Table des matières

  1. Objec­tifs. 4
  2. 1. Diag­nos­tic scien­ti­fique de la situa­tion poli­tique et morale fran­çaise. 4
  3. 2. Pro­blé­ma­tique : liqui­der la pen­sée déviante. 4
  4. 3. Approche : ration­nelle et par­ti­ci­pa­tive. 5
  5. Maté­riels et méthodes. 7
  6. 1. Iden­ti­fier la liste des thèmes stra­té­giques à liqui­der. 7
  7. 2. Iden­ti­fier et ana­ly­ser les sources stra­té­giques ou struc­tu­rant l’opinion.. 8
  8. 3. Repé­rer les lea­ders d’opinion, les lan­ceurs d’alerte et liqui­der leur poten­tiel d’influence et leur capa­ci­té à se consti­tuer en réseau : pro­po­si­tion de créa­tion d’une Agence Natio­nale de la Rai­son 8
  9. 4. Éli­mi­ner les sources des débats et sur­veiller leurs modes de pro­pa­ga­tion : du dis­po­si­tif Dar­koz Plus au concept de « Sur-pro­pa­ga­tion de l’approbation ». 9
  10. 5. Repé­rer les infor­ma­tions signi­fiantes (en par­ti­cu­lier les signaux faibles). 12
  11. Conclu­sion.. 15

 

Objectifs

1. Diag­nos­tic scien­ti­fique de la situa­tion poli­tique et morale française

La situa­tion morale et poli­tique fran­çaise est pré­oc­cu­pante. Les élé­ments anar­cho-auto­nomes se mul­ti­plient dans nos uni­ver­si­tés tan­dis que les étran­gers n’attendent qu’un signe de fai­blesse de notre part pour s’installer dans nos entre­prises livrées depuis trop long­temps à des syn­di­cats mani­pu­lés par l’Anti-France.

Dans les cam­pagnes, d’odieux quar­te­rons éco­lo­gistes détruisent le pro­duit des patients efforts de la recherche fon­da­men­tale sou­te­nue par la indus­trie géné­tique fran­çaise. Au cœur de nos villes, les foyers d’agitation sont nom­breux : des étu­diants mani­pu­lés par des grou­pus­cules d’extrême gauche, aidés par des ensei­gnants abu­sant du droit de grève et ayant per­du le sens des valeurs morale de la France qui aime le Tra­vail, res­pecte la Famille et défend la Patrie, s’arment et menacent la bonne san­té éco­no­mique et le moral des ménages. Les peuples du sud, issus d’aires géo­gra­phiques sur­peu­plées et sou­mises à un cli­mat cani­cu­laire peu pro­pice à l’émergence de la Rai­son Uni­ver­selle, n’ayant jamais réus­si à entrer dans l’Histoire de la Civi­li­sa­tion que l’Occident a écrite pour eux avec tant de géné­ro­si­té depuis dix siècles, menacent d’attenter à nos inté­rêts éco­no­miques en envoyant en masse leurs res­sor­tis­sants en direc­tion de nos fron­tières. De dan­ge­reux mal­fai­teurs se cachent dans des hôpi­taux psy­chia­triques avec la com­pli­ci­té de méde­cins droits-de‑l’hommistes.

L’heure est donc grave, et l’État, pre­nant la pleine mesure de ses res­pon­sa­bi­li­tés, sou­haite agir effi­ca­ce­ment pour le confort et la sécu­ri­té de tous. C’est pour­quoi nous nous réjouis­sons que le Minis­tère de l’Amour du Savoir et de la Libre Pen­sée, dans sa grande bien­veillance et mani­fes­tant ain­si la supré­ma­tie de la Rai­son, nous donne l’opportunité de contri­buer à l’effort de redres­se­ment des valeurs morales du pays, Conscients du devoir qui est le notre de ser­vir la Patrie et l’Ordre Moral qui la fonde, nous enten­dons nous sou­mettre avec abné­ga­tion à cet appel.

2. Pro­blé­ma­tique : liqui­der la pen­sée déviante

Si le pays est en dan­ger, c’est aus­si parce qu’au sein de son sys­tème d’enseignement supé­rieur et de recherche se sont déve­lop­pés les germes de la déca­dence qui ont conduit au désordre actuel. Il est donc urgent d’établir un diag­nos­tic clair de la situa­tion afin d’agir avec force pour res­tau­rer l’autorité de l’État en butte aux attaques inces­santes de grou­pus­cules d’intellectuels dont l’objectif n’est que trop évident. Tel le soleil s’élevant au des­sus de l’horizon par un matin calme avant la bataille, notre Chef Suprême, vaillam­ment aidé de ses glo­rieux Ministres, nous montre le che­min d’une Révo­lu­tion Natio­nale que nous sou­tien­drons avec enthou­siasme en nous appuyant sur les don­nées de la science. Armés des faits incon­tes­tables que nous four­nissent l’analyse sta­tis­tique de cor­pus de don­nées et grâce au tra­vail des cher­cheurs d’excellence regrou­pés dans les labo­ra­toires dis­ci­pli­nés par l’Agence Natio­nale de la Recherche, nous avons éla­bo­ré une pro­blé­ma­tique claire : sur­veiller et punir afin de liqui­der la pen­sée déviante qui gan­grène l’université et la recherche. Il est temps en effet de faire le ménage, et d’en finir avec un intel­lec­tua­lisme vain et néga­tif. La seule pen­sée qui compte est celle de notre Chef bien aimé. Ain­si nous ferons adve­nir une Science Pure et un Ensei­gne­ment Supé­rieur Régé­né­ré qui dure­ra mille ans.

3. Approche : ration­nelle et participative

L’approche mise en œuvre com­bi­ne­ra l’efficacité des tech­no­lo­gies de la Rai­son (bases de don­nées infor­ma­ti­sées, indi­ca­teurs, grilles, etc.) et l’ouverture citoyenne aux démarches par­ti­ci­pa­tives : cha­cun sera appe­lé à contri­buer en s’appropriant les moyens mis à sa dis­po­si­tion par les meilleurs spé­cia­listes pour par­ti­ci­per aux veilles d’opinion, dans une démarche non plus des­cen­dante mais « bot­tom up », des citoyens ordi­naires vers les labo­ra­toires et les centres d’information. Cette démarche per­met­tra d’éviter que n’importe quel intel­lec­tuel ou pseu­do savant s’arroge le droit d’occuper des places publiques pour émettre des avis qui ne concernent que lui.

 

Matériels et méthodes

1. Iden­ti­fier la liste des thèmes stra­té­giques à liquider

Les thèmes stra­té­giques qu’il est urgent de sur­veiller et de dénon­cer aux ser­vices char­gés de leur liqui­da­tion sont faciles à iden­ti­fier. Nous avons éta­bli des listes. En effet, nul n’ignore que la liste est un outil essen­tiel à la bonne ges­tion d’un État ration­nel et bien orga­ni­sé pla­ni­fiant la res­tau­ra­tion de l’Ordre Intérieur.

Voi­ci donc une pre­mière liste, éta­blie par les cher­cheurs de nos labo­ra­toires. Nous y adjoi­gnons une défi­ni­tion ain­si qu’un indi­ca­teur de niveau de dan­ge­ro­si­té pour la Nation. D’autres listes sui­vront : nos agents aiment les listes autant qu’ils aiment leur Chef.

Nom

Défi­ni­tion

Niveau de dangerosité

Mar­xisme

Secte russe

Extrême : à liqui­der d’urgence.

Phi­lo­so­phie

Secte grecque

Extrême : à liqui­der d’urgence.

Socio­lo­gie

Grou­pus­cule anarchosyndicaliste

Extrême : à liqui­der d’urgence

His­toire

Syn­di­cat du passé

Impor­tant : légi­fé­rer sur. La seule his­toire accep­table est celle écrite par notre Chef.

Édu­ca­tion

Fan­tasme archaïque

Impor­tant : à trai­ter avant l’entrée à la maternelle.

Com­mu­ni­ca­tion

Dis­po­si­tif technique

Impor­tant : à sur­veiller. La seule com­mu­ni­ca­tion accep­table est la com­mu­ni­ca­tion poli­tique de notre Chef.

Éco­no­mie

Doc­trine marxiste

Extrême : à démarxiser.

Bien com­mun

Idéo­lo­gie surannée

Impor­tant : à liquider.

Ser­vice public

Lieu d’aisance

A trai­ter au Kärsher.

Étu­diant

Espèce en voie de disparition

A liqui­der s’il n’adhère pas aux idées de notre Chef.

Pro­fes­seur

Fonc­tion­naire soumis

A éva­luer pério­di­que­ment. En cas de non adhé­sion aux idées de notre Chef, à liquider.

Pen­sée

Lubie mono­ma­niaque

A inter­dire.

Cri­tique

Can­cer du cerveau

Extrême : à liqui­der d’urgence.

Liber­té

Concept rela­tif

Impor­tant : à rem­pla­cer par « libre échange »

Ques­tion

Phrase inutile

Extrême : à interdire.

Inter­net

Câble élec­trique

Extrême : à cou­per en cas d’urgence. Rem­pla­cer par la télévision.

Uni­ver­si­té

Bâti­ment encombrant

Extrême : à détruire et à rem­pla­cer par des agences d’innovation sous contrat avec les entreprises.

Recherche

Moteur de l’économie

Extrême : y inter­dire tout ques­tion­ne­ment. La seule recherche accep­table est celle dic­tée aux entre­prises par notre Chef.

Doc­to­rat

Tas de papier sans intérêt

A brû­ler.

Diplôme

Tas de papier sans intérêt

A brû­ler sauf les diplômes de l’École Supé­rieure de Com­merce et de l’École Natio­nale d’Administration.

Livre

Sert à caler les pieds du lit de notre Chef bien aimé

A brû­ler. Ne gar­der que les livres de notre Chef pré­fa­cés par Gian­fran­co Finni.

2. Iden­ti­fier et ana­ly­ser les sources stra­té­giques ou struc­tu­rant l’opinion

Une seule source d’information a la légi­ti­mi­té de struc­tu­rer une opi­nion posi­tive et éclai­rée. Cette source bien aimée, nous la connais­sons par cœur, car c’est la Parole Sacrée de notre Chef, trans­mise quo­ti­dien­ne­ment par la Télé­vi­sion. Toutes les autres sources sont cor­rom­pues, il est de notre devoir de les éliminer.

C’est pour­quoi nous pré­co­ni­sons une solu­tion simple et radi­cale : inter­dire tout autre média que la Télé­vi­sion. Mieux, nous sug­gé­rons de regrou­per les forces média­tiques télé­vi­suelles exis­tantes dans un seul et unique orga­nisme afin de lui don­ner une plus grande lisi­bi­li­té tant au plan inté­rieur qu’à l’international. Une réforme struc­tu­relle de l’audiovisuel s’impose donc : il s’agira de cou­per les branches pour­ries, et de réunir les acteurs zélés de la trans­mis­sion cor­recte de la parole d’airain de notre Chef en un seul lieu, qui sera mis à dis­po­si­tion des jour­na­listes par le ser­vice de com­mu­ni­ca­tion de l’armée. Ce lieu, pla­cé sous la bien­veillante sur­veillance d’un Comi­té de Salut Natio­nal Mili­taire aura à cœur de don­ner l’image posi­tive que nos conci­toyens sont en droit d’exiger aujourd’hui de leurs minis­tères, en par­ti­cu­lier du Glo­rieux Minis­tère de l’Enseignement Supé­rieur et de la Recherche Nationale.

3. Repé­rer les lea­ders d’opinion, les lan­ceurs d’alerte et liqui­der leur poten­tiel d’influence et leur capa­ci­té à se consti­tuer en réseau : pro­po­si­tion de créa­tion d’une Agence Natio­nale de la Raison

Un lea­der fort, un peuple uni, une dyna­mique par­ti­ci­pa­tive : tel est l’objectif pour lequel il nous faut une feuille de route claire. C’est pour­quoi, plus qu’une acti­vi­té de sui­vi des dis­cours à pro­pos du Minis­tère, nous pro­po­sons une Bri­gade d’Intervention Rapide char­gée d’une part de la col­lecte par­ti­ci­pa­tive des infor­ma­tions et des opi­nions des citoyens et d’autre part de l’élimination des lan­ceurs d’alerte, ces pré­ten­tieux qui s’arrogent le droit de dic­ter aux autres ce qu’il faut pen­ser. Si nous devons agir dans un monde incer­tain, fai­sons-le armés de cer­ti­tudes : nous avons la Rai­son de notre côté ! Nous sug­gé­rons donc hum­ble­ment à notre Minis­tère et à son Chef de bap­ti­ser cette bri­gade d’intervention de la manière sui­vante : Agence Natio­nale de la Raison.

Sous com­man­de­ment mili­taire, l’Agence Natio­nale de la Rai­son aura pour charge de repé­rer, grâce à un sys­tème d’appels d’offres judi­cieu­se­ment adap­té, les thèmes dégé­né­rés qui sub­sis­te­raient encore au sein de l’Enseignement Supé­rieur et de la Recherche Natio­nale. Le prin­cipe stra­té­gique de cette démarche est simple : uti­li­sons la liste des thèmes dégé­né­rés pré­sen­tée plus haut et dédui­sons-en une série d’appels d’offre dégé­né­rés. En paral­lèle, l’Agence Natio­nale de la Rai­son, sous contrôle du Gou­ver­ne­ment Mili­taire de la Région de Vichy, rédi­ge­ra la série des thèmes fon­da­teurs de la Science Pure et Effi­cace. Grâce à cet ingé­nieux stra­ta­gème, l’Agence Natio­nale de la Rai­son amé­na­ge­ra un dis­po­si­tif de tri sélec­tif : d’un côté, les déchets de la pen­sée qui opè­re­raient encore dans nos ins­ti­tu­tions, de l’autre les com­bat­tants de l’Union pour un Monde Pluraliste.

4. Éli­mi­ner les sources des débats et sur­veiller leurs modes de pro­pa­ga­tion : du dis­po­si­tif Dar­koz Plus au concept de « Sur-pro­pa­ga­tion de l’approbation »

Un seul débat doit sub­sis­ter dans l’université et la recherche : approu­vons-nous vigou­reu­se­ment ou approu­vons-nous avec vigueur les posi­tions défen­dues par notre Chef et relayés par ses Ministres ? En consé­quence, le Minis­tère encou­rage le débat par­ti­ci­pa­tif concer­nant cette pro­blé­ma­tique mor­pho­syn­taxique, qui don­ne­ra en outre lieu à de pas­sion­nantes confé­rences de lin­guistes et dic­tion­na­ristes autour de l’étymologie du concept d’« appro­ba­tion ». La réunion du peuple et des savants se fera sur des enjeux de pré­ci­sions et d’intensité cog­ni­tive, et non sur les bru­meux déve­lop­pe­ments qui ont enva­hi les bibliothèques.

Les règles du débat public uni­ver­si­taire étant ain­si fixées, il ne reste plus qu’à sur­veiller leurs modes de pro­pa­ga­tion. Mais la sur­veillance, en dépit de ses suc­cès his­to­riques attes­tés, consti­tue une réponse trop timide face aux défis aux­quels notre Chef nous invite à faire face. C’est pour­quoi, conscients des res­pon­sa­bi­li­tés qui sont les nôtres, et anti­ci­pant avec humi­li­té une pen­sée que notre Minis­tère a déjà for­mu­lée en son for inté­rieur mais qu’il lui plaît de nous voir devi­ner afin de mettre à l’épreuve notre pers­pi­ca­ci­té et notre capa­ci­té à la démarche par­ti­ci­pa­tive, nous nous per­met­tons de sug­gé­rer ceci : puisque d’une part nous aurons, grâce à l’Agence Natio­nale de la Rai­son, trié le bon grain uni­ver­si­taire de l’ivraie cri­tique, et puisque d’autre part nous avons défi­ni que seul le débat sur les moda­li­tés énon­cia­tives de l’approbation vigou­reuse de la parole de notre Chef devait sub­sis­ter, pour­quoi ne pas fusion­ner le concept de « sur­veillance » avec celui de « pro­pa­ga­tion » ? En effet, rien ne serait plus simple que d’installer dans chaque amphi­théâtre uni­ver­si­taire, dans chaque salle de cours, dans chaque lieu de sémi­naire ou de col­loque, bref dans chaque lieu où ris­que­rait de s’instaurer un débat cri­tique et une réflexion dégé­né­rée, un télé­vi­seur dif­fu­sant en conti­nu la Parole Sacrée de la Véri­té Vraie pro­fé­rée par notre Chef ? De plus, il est aujourd’hui tech­ni­que­ment fort simple de doter ces télé­vi­seurs de camé­ras digi­tales reliées à un dis­po­si­tif de sui­vi de regard et d’enregistrement du mou­ve­ment des lèvres et des regards. Grâce à ce dis­po­si­tif, nous serons en mesure tout à la fois d’informer régu­liè­re­ment les uni­ver­si­taires et cher­cheurs des réformes en cours et de la mise à jour régu­lière des thèmes de dis­cus­sion auto­ri­sés par l’Agence Natio­nale de la Rai­son, et d’évaluer en temps réel la récep­tion de cette infor­ma­tion. En effet, grâce à la Gram­ma­to­lo­gie Appro­ba­trice Consen­suelle du Regard mise au point par le Pro­fes­seur Von Bouygues du Labo­ra­toire d’Approbation Construc­ti­viste de Paris, il est pos­sible de véri­fier le degré d’attention visuelle avec lequel un indi­vi­du regarde un télé­vi­seur [1] . En fonc­tion de ce degré d’attention, diverses réponses peuvent être déclen­chées. Par exemple, le Labo­ra­toire d’Universalisation de l’Approbation et des Nano­tech­no­lo­gies au Ser­vice de la Cap­ta­tion de l’Attention du Public de L’Université Auto­nome Pri­vée de l’Élysée II, vient de mettre au point une puce RFID qui, une fois gref­fée dans le cer­veau de chaque uni­ver­si­taire ou de chaque cher­cheur, est capable de pro­duire une décharge élec­trique ciblée sur les neu­rones res­pon­sables dans le cer­veau humain, de l’approbation due au dis­cours d’autorité [2] . En paral­lèle, le pro­fes­seur Dar­koz a théo­ri­sé un sys­tème de sui­vi du mou­ve­ment des lèvres qui per­met de recons­ti­tuer avec une pro­ba­bi­li­té de 95,7 % le conte­nu d’un dis­cours énon­cé à voix basse et ne pou­vant pas être cap­té par des moyens conven­tion­nels de ren­sei­gne­ment [3] . Grâce à ce dis­po­si­tif, déjà com­mer­cia­li­sé en Chine, en Syrie et en Iran et appe­lé « Dar­koz Plus », nous sommes cer­tains de pou­voir réagir en temps réel dans tous les cas où un indi­vi­du sou­met­trait, par exemple à son voi­sin, une cri­tique ou un doute quant à la Véra­ci­té et au Bien Fon­dé de la Parole Sacrée de nos Chefs et de leurs Glo­rieux Ministères.

C’est pour­quoi, armés de ces faits posi­tifs et de ces modèles com­por­te­men­taux, nous avons éla­bo­ré le concept de « sur-pro­pa­ga­tion de l’approbation » en com­bi­nant les apports de la sur­veillance et de la pro­pa­ga­tion et en les met­tant au ser­vice de l’approbation. Le sché­ma sui­vant modé­lise, en le sim­pli­fiant, les dif­fé­rentes phases de ce concept :

approuve

Figure 1 : les phases du concept de « sur-pro­pa­ga­tion de l’approbation »

La figure A indique la zone du sujet à conqué­rir : son cer­veau, et sa volon­té. En B, nous mon­trons clai­re­ment que le sujet a main­te­nant un objec­tif cog­ni­tif défi­ni : fer­mer les yeux et obéir aveu­glé­ment à la Parole Vraie de notre Chef et de son Minis­tère. En C, nous mon­trons com­ment l’apparent para­doxe d’une sou­mis­sion aveugle à la Parole Sacrée peut se réa­li­ser dans un contexte d’attention sou­te­nue à l’image télé­vi­suelle : grâce à l’implant RFID des pro­fes­seurs Brün­ni et Dar­koz. En D, nous voyons l’objectif que nous nous sommes fixés : un sou­rire joyeux orne main­te­nant le visage réjoui du sujet, trans­por­té d’admiration devant l’expression de la Rai­son Gou­ver­ne­men­tale. En E, F et G, nous indi­quons quelques une des atti­tudes typi­que­ment dégé­né­rées que le dis­po­si­tif Dar­koz Plus per­met de repérer.

La figure sui­vante per­met de consta­ter que notre dis­po­si­tif fonc­tionne même lorsque le sujet récal­ci­trant cligne de l’œil, atti­tude mani­fes­te­ment régres­sive et dégé­né­rée, expres­sion d’un humour dou­teux qu’un État civi­li­sé ne sau­rait admettre de la part de ses fonctionnaires :

obey

Figure 2 : Grâce à Dar­koz Plus et au concept de « sur-pro­pa­ga­tion de l’approbation », les sujets récal­ci­trants cessent de récalcitrer

En effet, en situa­tion expé­ri­men­tale, grâce à Dar­koz Plus et au concept de « sur-pro­pa­ga­tion de l’approbation », le sujet dégé­né­ré ten­tant de résis­ter à la Parole Vraie de notre Chef (figu­ré à l’extrême droite du sché­ma, car là est sa place) en fer­mant son œil gauche, finit par recon­naître la supré­ma­tie de la Rai­son Gou­ver­ne­men­tale. On le voit en effet lever le doigt droit, mon­trant ain­si qu’il va suivre la bonne direc­tion indi­quée par notre Chef, direc­tion qui consiste à pen­ser droit et à suivre les ordres au doigt et à l’œil.

5. Repé­rer les infor­ma­tions signi­fiantes (en par­ti­cu­lier les signaux faibles)

Les signaux fai­ble­ment signi­fiants consti­tuent un défi scien­ti­fique d’importance majeure pour tout dis­po­si­tif de sur­veillance géné­ra­li­sé de la pen­sée. D’où l’enjeu déjà poin­té plus haut d’établir comme seul thème de débat accep­table la dis­pute entre « approu­ver vigou­reu­se­ment » et « approu­ver avec vigueur » les direc­tives de notre Chef bien aimé. Ce dis­po­si­tif de régu­la­tion du débat public uni­ver­si­taire, s’il est implé­men­té avec force, per­met­tra alors de dis­cri­mi­ner avec finesse le niveau d’insignifiance de l’expression des uni­ver­si­taires et des cher­cheurs, atten­du qu’un État pla­ni­fiant cor­rec­te­ment des réformes d’envergures ne sau­rait attendre d’autres niveaux d’expression de la part de ses fonc­tion­naires qu’un niveau très éle­vé d’insignifiance de leur part. Autre­ment dit, plus les cher­cheurs et les uni­ver­si­taires fran­çais pren­dront la parole avec insi­gni­fiance, moins ils trans­met­tront d’informations sus­cep­tibles d’égarer sur le che­min d’une pen­sée cri­tique les chères têtes blondes dont notre Nation a besoin. L’objectif à atteindre est donc celui d’une Tolé­rance Zéro à la signi­fiance : les uni­ver­si­taires et les cher­cheurs doivent pro­duire des signaux par­fai­te­ment désa­m­bigüi­sés, c’est çà dire tota­le­ment insi­gni­fiants. Ce n’est qu’à ce prix que nous conquer­rons la pre­mière place au Clas­se­ment de Shan­ghai qui récom­pense les for­ma­tions les plus insi­gni­fiantes de la Planète.

Le labo­ra­toire de Neu­ro­lo­gie Cog­ni­tive Posi­tive de l’Université Auto­nome de l’Élysée I a éla­bo­ré ces der­nières années une gram­ma­to­lo­gie des atti­tudes atten­dues des fonc­tion­naires insi­gni­fiants. Un léger trans­fert concep­tuel au champ de l’enseignement supé­rieur sera néces­saire pour que chaque uni­ver­si­taire et chaque cher­cheur devienne, à terme, aus­si insi­gni­fiant que pos­sible. Mieux, nous ne cache­rons pas notre ambi­tion, notre rêve, et nos espoirs : un uni­ver­si­taire tota­le­ment insignifiant !

La figure sui­vant montre un niveau d’expression de l’insignifiance chez un fonc­tion­naire sor­ti de l’École Natio­nale d’Administration :

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Figure 3 : fonc­tion­naire servile

Notez, dans la figure 3, com­ment le fonc­tion­naire exprime son insi­gni­fiance à l’aide d’une séman­tique simple : dos légè­re­ment incli­né vers son Chef en signe de sou­mis­sion, et mains à l’horizontale dans un léger signe d’apaisement. C’est ain­si que nous sou­hai­tons voir se com­por­ter les cher­cheur et les uni­ver­si­taires dorénavant.

La figure sui­vante montre à quel degré d’insignifiance on peut arri­ver par des méthodes de sug­ges­tion appuyées sur les récentes avan­cées de l’innovation en matière de nano­tech­no­lo­gies. La figure 4 montre en effet l’activité d’un cher­cheur en sciences humaines et sociales dans son labo­ra­toire après la greffe dans son cer­veau de la puce nano-optique « Bel­locks VI ». Son pied gauche décrit une courbe d’environ 3 cen­ti­mètres vers l’intérieur du corps, de manière à bien indi­quer à son supé­rieur hié­rar­chique qu’il n’a pas l’intention de fuir aux États-Unis ni de suivre la piste d’une pen­sée cri­tique dégé­né­rée : s’il s’avançait sur ce che­min dan­ge­reux, il ne pour­rait que tom­ber. Ensuite, comme on le voit bien sur la figure, il frotte ses ongles contre sa che­mise de haut en bas en décri­vant un léger arc de cercle d’une cir­con­fé­rence de 5 cen­ti­mètres. Il exprime ain­si l’insignifiance à la fois de son tra­vail, de sa pro­duc­tion, et de ses attentes en matière sala­riale, répon­dant par­fai­te­ment au pro­gramme implé­men­té dans la puce Bel­locks VI à la demande de l’Agence Natio­nale de la Raison.

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Figure 4 : expres­sion de l’insignifiance sou­mise de la part d’un chercheur

Nous signa­lons au lec­teur que ce cher­cheur, depuis sa greffe, a vu l’insignifiance de sa pro­duc­tion scien­ti­fique saluée par l’augmentation de son Fac­teur H d’un ½ point. De même, son mas­ter « Ges­tion inno­vante des connais­sances au pro­fit des entre­prises » a été indexé par l’Université de Shan­ghai et a été saluée comme « suf­fi­sam­ment insi­gni­fiant pour être oublié » par le Rec­teur de l’Académie de l’Élysée, Madame Wal­ky­rie Détresse.

Conclusion

L’analyse atten­due des prin­ci­paux argu­ments, des cri­tiques et des ten­dances, à par­tir du cor­pus défi­ni, tous les canaux étant pris en compte, don­ne­ra lieu à des notes de syn­thèse (rap­port quo­ti­dien, note de syn­thèse heb­do­ma­daire, car­to­gra­phie com­men­tée des acteurs et débats en présence).

Plus par­ti­cu­liè­re­ment en matière de veille Inter­net, l’analyse per­met­tra un sui­vi pré­cis de l’évolution de l’opinion inter­naute et des argu­ments émer­gents relayés et com­men­tés sur ce canal.

Clé de voûte du dis­po­si­tif de veille, le pas­sage en « mode alerte » vise­ra à trans­mettre sys­té­ma­ti­que­ment les infor­ma­tions stra­té­giques ou les signaux faibles sus­cep­tibles de mon­ter de manière inha­bi­tuel­le­ment accé­lé­rée. Les notes de veille pour­ront por­ter ou sur l’ensemble des canaux (média tra­di­tion­nels et Inter­net for­mel et infor­mel) ou être limi­tées à l’internet.

Les vidéos, péti­tions en ligne, appels à démis­sion, seront sui­vis avec une atten­tion par­ti­cu­lière et signa­lées en temps réel.

L’université va bien, tout va bien. La lutte est ter­mi­née. L’université a rem­por­té la vic­toire sur elle-même. Elle aime son ministère.


[1] Von Bouygues, H. Prin­cipes et méthodes pour mesu­rer l’attention télé­vi­suelle d’un sujet moyen au dis­cours de véri­té de notre Chef. Paris : Presse Uni­ver­si­taires de l’Élysée, 2008.

[2] Brün­ni, Karl. Usages sécu­ri­taires des nano­tech­no­lo­gies dans le cadre de l’obtention de l’adhésion sans réserve au dis­cours d’autorité par élec­tro­sti­mu­la­tion du cer­veau : puces RFID et poli­tique. Revue Ély­séenne de sciences poli­tiques et nano­tech­no­lo­giques, Volume 152 n° 13, Juin 2008.

[3] Dar­koz, X. Sui­vi et enre­gis­tre­ment numé­rique de la parole silen­cieuse : une modé­li­sa­tion par des réseaux de neu­rones et la logique floue de l’obéissance requise de la part des fonc­tion­naires de l’État. Revue Fran­çaise de Sciences de Ges­tion Auto­ri­taire volume 7 n° 237, décembre 2008.

Igor Babou
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2 réponses “Surveiller et punir : Un dispositif scientifique de liquidation de la pensée déviante (Réponse à l’appel d’offre « Veille de l’opinion »)”

  1. François
    27 février 2009 à 17 h 18 min

    Je crains que votre cari­ca­ture ne manque son effet pour deux raisons : 

    1. D’a­bord parce que nous sommes trop avan­cés dans un sys­tème monar­chique pour que l’é­cart entre votre texte et la réa­li­té puisse sus­ci­ter le rire.

    2. Votre cari­ca­ture se réfère à un tota­li­ta­risme de type régime sovié­tique du siècle der­nier. Or aujourd’­hui nous sommes dans une socié­té de contrôle qui laisse en appa­rence plus de liber­té aux citoyens. Exemple : il n’est nul besoin que par un acte sou­ve­rain le roi de notre Répu­blique bana­nière sup­prime les chaînes de tv. La ser­vi­li­té des cour­ti­sans suf­fit à lui don­ner un contrôle sur l’en­semble des chaînes nationales.

    • Avatar photo 2 mars 2009 à 21 h 32 min

      Ce qui nous fait rire peut ne pas vous amu­ser : c’est votre (notre) droit. Évi­dem­ment, il y a le Pou­voir (avec un grand “P”) et les pou­voirs natu­ra­li­sés dans la ser­vi­li­té des cour­ti­sans, ou, pire — ver­sion fou­cal­dienne — dans les pra­tiques, les dis­po­si­tifs, le lan­gage, etc. Quoi qu’il en soit, il y a bien un com­man­di­taire de cet appel d’offre, qui offre de l’argent pour sur­veiller et punir : nous ne somme pas dans un pan­op­tique, mais bien face à un Pou­voir à grand “P” majus­cule. Ne pas cari­ca­tu­rer ces Pou­voirs serait lais­ser l’es­pace libre pour que s’ins­tallent les micro-pou­voirs et les linéa­ments de la ser­vi­li­té qui, déjà, nous enserrent.

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