La trajectoire empruntant le capitalisme n’a pas changée, elle vise toujours l’accumulation du capital grâce à l’extraction de la plus-value, et ceci, en infiltrant ses mécanismes de plus en plus profondément dans toutes les sphères de la vie privée. Ainsi, en regardant la période suivant l’après-guerre jusqu’à la révolution technologique le degré d’infiltration du capitalisme était inférieur et l’extraction de la plus-value se faisait autour de l’objet. Durant les trente glorieuses le marketing, l’outil redoutable du capitalisme, fonctionnait à travers une rhétorique du « je suis ce que j’ai ». L’après-guerre était une période d’utopie, durant laquelle les effets néfastes du capitalisme se dissimulaient aisément au sein de l’espoir d’un avenir meilleur et l’accumulation du capital se faisait grâce à un mécanisme visant à satisfaire et à créer de nouveaux besoins. C’est une période d’espoir durant laquelle on croit que tout est possible, alors comment imaginer à cette période que les nouveaux modes de consommation auraient des répercussions critiques sur l’avenir de l’humanité ?
Je soutiens l’hypothèse que nous vivons les conséquences d’une accumulation de choix plus ou moins rationnels et réfléchis qui depuis les cinq cents dernières années (de la fin du moyen-âge jusqu’à aujourd’hui) durant lesquels les mécanismes du capitalisme se sont construits et diffusés dans toutes les sphères de notre société, tout en suivant une logique de l’accumulation massive de capital qui a mené à la situation critique face à laquelle nous retrouvons confronté : alors qu’une crise écologique majeure aux conséquences possiblement irréversibles se produit, les politiques et leurs décisions s’articulent autour de la crise sociale (qui est en mon sens l’effet secondaire de la redistribution inégalitaires des richesses) et plus précisément sur des questions relatives aux frontières et aux valeurs nationales.
Tout comme la science démystifia la religion durant le siècle dernier, il est à mon avis nécessaire aujourd’hui que la nature mène à la déconstruction des frontières et des barrières idéologiques qui empêchent l’unification des peuples. Déconstruction des frontières qui ne nécessite pas la déconstruction des nations mais la remise en question d’un système de nations âgé qui peine à s’adapter aux problématiques actuelles.
Malheureusement les politiques ne vont pas dans cette direction. Pire, la paix n’est pas abordée comme une réponse à la crise sociale, notamment suite aux récents attentats à Paris le 13 novembre dernier, suite auxquels une chasse à l’ennemi (re)commença. Une recherche de l’ennemi invisible. La quasi création d’un ennemi malléable à souhait. Tourné d’une manière, où nous devenons tous l’ennemi de quelqu’un. L’ennemi devient l’autre, celui qui ne nous ressemble pas et qu’on ne cherche pas à comprendre. Il importe seulement qu’il soit identifiable et qu’on puisse imaginer le combattre et l’éradiquer.
La situation en devient tragique et le peuple en vient à se battre contre lui-même en associant des masques de prédateurs à des différences culturelles. Comment est-ce possible ? Et comment est-ce possible que des jeunes adultes décident de se sacrifier au nom d’une idéologie qui leur était si lointaine souvent que peu d’années avant de passer à l’acte ? N’est-ce pas le même procès qui mène à la montée de l’extrême droite qui, dans un sens, est aussi une branche d’une idéologie ?
Le capitalisme a évolué de manière à ce que le peuple ne voit plus la raison pour laquelle il lutte. Il ne voit plus le système conduisant la collectivité vers son aliénisation tout en détruisant le socle sur lequel elle repose : la nature.
Il en devient extrêmement difficile d’identifier les enjeux de la lutte sociale du fait que les mécanismes du capitalisme se sont infiltrés dans toutes nos pratiques. C’est ce que j’appellerai la commercialisation de la pratique. La même logique qui visait a créer de la valeur ajoutée aux objets s’est introduite dans notre vie de tous les jours et d’autant plus à travers les réseaux sociaux sur lesquels nous nous créons et nous développons en tant que produit basés sur des critères mis en valeurs par l’idéologie du consumérisme.
Alors que nous pensons lutter pour une cause x, celle-ci est rapidement, voire instantanément une nouvelle brèche dans laquelle le capitalisme instaurera ses règles et en tirera le maximum de profit qu’il est possible de générer.