« intelligence supérieure » ?
Ecrit par Jean-Paul Bourgès, 22 Jan 2016, 19 commentaires
A propos d’un certain nombre de responsables politiques, on lit dans les papiers qui leur sont consacrés … « qu’il est d’une intelligence supérieure … ».
Cette formule journalistique n’aurait guère d’importance, si elle n’était pas d’une part très fréquente et surtout assez étonnante compte-tenu des sottises souvent commises par ces individus « supérieurs ».
L’usage le plus récent, c’est dans le texte de Fabrice ARFI à propos de Jérôme CAHUZAC qu’on le trouve, dans une citation extraite du livre de Jean-Luc BARRÉ.
D’habitude je glisse à autre-chose sans y prêter trop d’attention, mais cette fois j’ai eu envie de réfléchir un petit moment à cette étrange formule.
Etrange formule, en effet, quand elle s’applique à un homme dont les mérites intellectuels antérieurs ne l’avaient conduit qu’à repiquer des cheveux sur des crânes dégarnis (Ce qui est à la portée d’intelligences courantes), et qui, rongé d’ambition, n’avait pas imaginé et compris que certains délits fiscaux ont de bonnes chances de ne pas rester éternellement cachés.
Mais alors qu’appelle-t-on « intelligence supérieure » chez un homme politique ? Ne serait-ce pas ce que, chez d’autres, on appellerait un culot et une arrogance hors du commun ?
On sait bien que, pour réussir en politique, il ne faut pas être supérieur aux autres, il faut juste amener les gens à le croire, puis à le propager … jusqu’à ce que cela prenne le statut de « vérité révélée ».
Hélas, nombreux sont les hommes politiques, réputés beaucoup plus intelligents que la moyenne, qui nous administrent surtout leurs insuffisances intellectuelles. Laissons Jérôme CAHUZAC trouver, grâce à son « intelligence supérieure », des fables un peu moins tirées par les cheveux pour expliquer l’origine, le lieu de conservation et la destination de ce qui apparaît comme le fruit pourri d’un individu corrompu.
L’important ce serait de cesser d’excuser des comportements scandaleux sur une appartenance d’individus à une caste mythique fondée sur une « intelligence supérieure » ni mesurée, ni démontrée.
Naguère être de sang-bleu faisait échapper à la loi commune. Désormais l’argent tient lieu de brevet de supériorité. Et nombre de politiques sont, ainsi, décorés de ce grand cordon de l’intelligentitude qui les sort de la boue commune. Alors que l’on pourrait s’attendre à ce que cela leur impose plus de morale publique … c’est, au contraire, un billet d’excuse qui leur est remis.
Serions-nous, collectivement, demandeurs de la création d’une caste supérieure auto-proclamée ?
J’en ai souvent l’impression … mais ai-je assez d’intelligence pour en parler ?
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Mais alors qu’appelle-t-on « intelligence supérieure » chez un homme politique ?
Si on sait que cette expression est employée par des journalistes dont la fonction naturelle est de cirer les pompes ministérielles, la réponse est inutile ! Arfi, qui n’est pas dans les plus serviles de journalistes, n’a fait qu’utiliser un tic d’écriture propre au métier.
Autre tic journalistique : l’obséquieux “n’a pas souhaité répondre” alors que “a refusé de répondre” serait plus juste ou, à défaut le factuel “n’a pas répondu”. Car, observez bien, c’est toujours un VIP qui dit ça de sa hauteur, jamais Mohamed, Babacar ou Dédé de Montmartre.
Oh ! je ne veux nullement critiquer particulièrement Fabrice ARFI qui n’est pas le plus aplati devant les politiques. Mais, justement, que même sous sa plume, ces poncifs soient véhiculés me semble montrer que l’idée d’une caste supérieure est installée dans les esprits. Et, de caste supérieure à l’exemption de respect des règles du vulgum pecus, il n’y a qu’un pas que beaucoup franchissent.
Je crois que ce qu’on appelle “intelligence” est notre faculté à trouver les moyens de réaliser nos désirs. Un désirant modeste trouvera des moyens dans les clous de la légalité. Un désirant moins modeste trouvera des moyens qui pourront se trouver hors de ces clous. Un désirant extrême fera voter des lois qui le mettront à l’abri. Je résume ainsi : le modeste, l’arrogant et le prince.
Le désir du roi fait la loi.
C’est une vision, mais quand le puissant se prend pour le roi et s’imagine plier les lois à son désir … ne redevient-il pas un imbécile … car ça ne marche jamais très longtemps ?
“le modeste, l’arrogant et le prince”.
Très jolie classification synthétique, Larbi… Je la complexifierais bien un tantinet, si vous acceptiez : d’abord il existe aussi des gens qui transgressent, mais sans aucune arrogance, par prudence justement (“Caute”, recommandait Spinoza).
Ensuite, quant à l’intelligence de Monsieur Cahuzac, nous sommes d’accord Jean-Paul, le type était surtout très niais. Il lui aurait suffi de prendre deux heures avant sa nomination comme Ministre pour faire rapatrier ses comptes en France, moyennant une légère taxation. Mais il s’est imaginé intouchable, et n’a même pas daigné “s’abaisser” à des précautions de bon sens…
Plus dure a été la chute 🙂
Donc au total “le modeste, le marginal séquent, l’arrogant efficace, l’arrogant se croyant tout puissant, et le prince” ?
Amicalement.
Complexifions, mais pas trop : mes trois neurones auraient du mal à suivre. ;-))
Avec tes trois neurones, tu es infiniment plus intelligent que l’ex qui n’en a qu’un. Avec trois neurones, ça fait déjà pas mal de liaisons … or c’est ce qui fonde l’intelligence. Tandis qu’avec un seul neurone, pas de connexion et donc pas d’intelligence du tout.
Je le trouve, moi aussi, très niais !
L’intelligence supérieure est un concept pour le moins étrange quand on parle de pouvoir. Il faudrait encore spécifier en quoi elle est supérieure : l’est-elle stratégiquement ? L’est-elle de pure manipulation d’un groupe, de masses ? Il s’agit bien de formes supérieures d’intelligence, mais elles sont limitées à un domaine précis. Pics de compétence, en somme. C’est un peu la classification de Pascal sur le semi-habile, l’habile, etc… et cela n’a, je crois, rien à voir avec la morale. On peut être très moral est parfaitement stupide, ou très intelligent et parfaitement inadapté aux conditions de vie en société. C’est aussi une question de désir, comme le rappelait Larbi. Le désir du pouvoir est un moteur puissant, comme le désir de posséder. D’une façon ou d’une autre, à un plus ou moins haut degré, ils finissent généralement par aboutir… à quelque chose. Doit-on pour autant considérer que ceux pour qui il n’aboutit pas sont stupides ? Ou bien plus simplement qu’ils n’en ont pas le désir ?
Je pense, moi aussi, que le pouvoir n’est qu’une affaire de désirs … où le désir le plus fort l’emporte. Mais cela n’induit rien quant à l’intelligence et les médias nous bassinent donc en nous vendant et vantant ces “intelligence supérieures” de types extrêmement ordinaires.
On n’est supérieur que si l’autre accepte (ou est contraint) d’être inférieur, ou d’en jouer le rôle, comme les courtisans.
Pas mieux !
La faiblesse de caractère des uns fabrique l’arrogance des autres … ou tout au moins en favorise l’épanouissement.
J’ai oublié de citer mon dada : les deux intelligences, la cérébrale et la sensible. Ouf ! ça va mieux !
Je pense que les psychopathes avides d’argent ou de pouvoir (et pourquoi pas les deux) ont un déficit de la sensible. Ce manque ne leur permet pas d’avoir des remords pour les conséquences de leur désir sur les autres.
J’ai remarqué que leur amour-propre est à éclipses : ils le ravalent lorsque celui-ci est un obstacle à la réalisation de ce que à quoi ils tiennent. Mais devant un “inférieur”, ils le dégainent à la Lucky Luke. Quels imbéciles ! Il faut voir leur sourire bien imité après déglutition d’une couleuvre de belle taille. Et c’est pour eux qu’on vote.
C’est un dada qu’à présent les sciences cognitives approuvent et même plébiscitent : on ne fait plus de test de QI, sans faire aussi un test de QE, aux dernières nouvelles d’un certain prof de psycho sociale de ma connaissance. Donc, et si tant est que ces “tests” qui me font un peu sourire quand même aient une quelconque valeur (ce dont je suis loin d’être convaincue) vous avez raison. Un déficit d’empathie ne conduit pas un être humain, fût-il doué de capacités intellectuelles ‑pour schématiser-remarquables en d’autres domaines, à être ce qu’il est d’abord, humain. Et c’est fort dommageable, pour lui et surtout pour les autres, même s’il possède une rolex à 40 ans. 🙂
J’ai eu une Rolex à 25 ans. Je dois dire, à ma décharge, que je l’avais volée.
Pour Christine ;: la Rolex n’est requise qu’à partir de 50 ans ! Jusque-là son absence est tolérée.
Pour Larbi : volée, reçue en cadeau ou vulgairement achetée, la possession d’une Rolex dès l’âge de 25 ans te classe d’emblée parmi les individus deux fois plus brillants que ceux qui portent habituellement une Rolex. Je t’ai, depuis longtemps, classé parmi les types d’exception … je n’avais pas identifié que cela découlait de cette Rolex.
Un plus : J’ai eu un Solex à 17 ans ! Je me classais d’emblée dans ceux qui vont pas vite.
Veinard ! Je n’ai jamais eu que les Solex que des copains me prêtaient !