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Marseille, capitale culturelle sans les sciences ? Pour un sursaut de la communauté éducative en faveur de la culture scientifique et technique abandonnée.


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Cet article a été publié dans une ver­sion courte dans Mar­seille Heb­do (le 26.12.07). Son auteur, Sophie Deshayes, le publie dans sa ver­sion ori­gi­nale sur Indis­ci­pline. Nous fai­sons figu­rer un com­mu­ni­qué de presse de l’Assemblée Géné­rale de l’association natio­nale La Réunion des CCSTI, en com­plé­ment d’information.

article_marseillehebdoNous n’irons plus à l’Agora des sciences sur la Cane­bière. Mar­seille — 2ième ville de France — n’a donc plus de CCSTI.

En France, le réseau des Centres de Culture Scien­ti­fique Tech­nique et Indus­trielle (CCSTI) est un dis­po­si­tif édu­ca­tif et citoyen de por­tée natio­nale, sou­te­nu par le Minis­tère de la Recherche et fédé­ré par une asso­cia­tion assu­rant la cohé­rence et la per­ti­nence du dis­po­si­tif à l’échelle du ter­ri­toire. A l’heure de la décen­tra­li­sa­tion cultu­relle, ce sont les ins­tances régio­nales qui sont char­gées d’assumer les pré­ro­ga­tives réga­liennes de l’Etat en matière d’éducation à la culture scien­ti­fique et technique.

A Mar­seille, le CCSTI est pour­tant mort dans la qua­si indif­fé­rence géné­rale : les mar­seillais – et en par­ti­cu­lier les jeunes mar­seillais n’auraient-ils pas les mêmes besoins qu’ailleurs ?

Depuis sa créa­tion en 1985, son enra­ci­ne­ment dans des locaux trop confi­den­tiels et exi­gus rue Syla­belle, à son ins­tal­la­tion sur la Cane­bière pour un pro­jet enfin redi­men­sion­né en Ago­ra des Sciences, le CCSTI de Mar­seille a su prou­ver la per­ti­nence de son exis­tence. Ne serait-ce qu’à l’égard des enfants et des jeunes qu’il tou­chait, en par­ti­cu­lier dans le cadre de visites sco­laires mais pas seule­ment puisqu’il n’était pas rare que cer­tains y reviennent en famille et que d’autres poussent la porte en curieux ou en fami­liers de lieux fré­quen­tés à chaque nou­velle exposition.

Pour assu­rer sa mis­sion de ser­vice public –et ce dans le cadre d’un contrat de plan Etat Région – le CCSTI de Mar­seille avait judi­cieu­se­ment misé sur le rayon­ne­ment de la culture scien­ti­fique et tech­nique en libre accès et aux yeux de tous. La Cane­bière, à l’endroit même où les gens sont et vont, sur le che­min du tra­vail, de l’école, des maga­sins, à por­tée des flâ­neurs et oisifs du quar­tier, celui du centre ville de Mar­seille qui n’est pas des plus riches. Ce bel empla­ce­ment est deve­nu très convoi­té : sur la Cane­bière, les tra­vaux du tram­way sont main­te­nant ter­mi­nés – l’équipe du CCSTI aura elle aus­si subi le chan­tier, confiante en un envi­ron­ne­ment à terme renou­ve­lé – mais la Région y entend main­te­nant affi­cher sa pré­sence d’une tout autre manière. Fini l’Agora des Sciences, l’espace rebap­ti­sé « 61 La Cane­bière » devient l’agence Régio­nale de com­mu­ni­ca­tion ins­ti­tu­tion­nelle. Espace avec pignon sur rue et vitrines : c’est bien le rêve de tout bon publi­ci­taire qui aujourd’hui paie cher l’affichage public (même si Decaux se débrouille ici comme ailleurs pour vendre de l’espace pro­mo­tion­nel à des tarifs avan­ta­geux). Voyez : « La Région inves­tit ici », et sur le plan cultu­rel, elle va jusqu’à orga­ni­ser de magni­fiques expo­si­tions : en ce moment même “César — Lucien Clergue — Niki de Saint-Phalle”. Bien qu’il n’y ait pas « de lien de tra­vail direct entre ces 3 artistes », ils ont cepen­dant en com­mun d’être des « proac­tifs » en matière de com­mu­ni­ca­tion régio­nale : ces trois artistes exaltent « la force de Pro­vence-Alpes-Côte d’Azur : sa lumière, ses cou­leurs, ses formes, sa diver­si­té et son éner­gie (…) », nous dit-on. La Gale­rie du Conseil Régio­nal située Porte d’Aix n’accueille-t-elle pas déjà ce type de mani­fes­ta­tion ? Cer­taines de qua­li­té d’ailleurs, et il n’y a évi­dem­ment pas lieu de revi­si­ter le débat pué­ril qui oppo­se­rait culture scien­ti­fique et culture artis­tique. Mais la culture scien­ti­fique et tech­nique dans tout ça ? L’éveil des plus jeunes au champ des savoirs et méthodes scien­ti­fiques, aux tech­niques, aux inven­tions, inno­va­tions, aux risques et enjeux de notre science en société ?

L’époque est ain­si, où l’on peut tout dire et faire son contraire : déplo­rer la crise des voca­tions scien­ti­fiques en France, le risque d’appauvrissement éco­no­mique et cultu­rel qu’un recul de la culture scien­ti­fique et tech­nique engendre et dans le même temps aban­don­ner les mis­sions de ser­vice public d’éducation et de dif­fu­sion des sciences. Celles-ci sont bien ins­crites aux pro­grammes sco­laires pour­tant et les ensei­gnants sont som­més d’utiliser toutes les res­sources péda­go­giques dont un état moderne dis­pose : manuels, docu­ments audio­vi­suels, sites Inter­net, kits ou mal­lettes péda­go­giques, musées et expositions …

A Mar­seille, il en man­que­ra une, et d’excellence puisque la charte des CCSTI est fon­dée sur 30 ans d’expériences et d’innovations dans le champ de la vul­ga­ri­sa­tion scien­ti­fique né du mou­ve­ment de l’éducation popu­laire des années 70. Dans le sillage de la Cité des sciences de la Vil­lette dont l’envergure appelle de larges dota­tions publiques, les CCSTI ont pour voca­tion d’essaimer en région où la culture scien­ti­fique et tech­nique a aus­si des réso­nances plus locales. Ins­truire, ren­sei­gner et ques­tion­ner les choix scien­ti­fiques et tech­niques aux mains de déci­deurs locaux sont-elles des mis­sions à nou­veau ins­crites dans le nou­veau plan de Com’ du « 61 La Cane­bière » ? La logique de l’événementiel per­met­tra-t-elle le temps de la réflexion ?

Depuis de nom­breuses années, écoles, col­lèges et lycées tra­vaillent avec les CCSTI : lieux res­sources, lieu d’acculturation aux sciences et tech­niques, pour les enfants et aus­si leurs ensei­gnants citoyens qui tous n’ont pas la science infuse. La dis­pa­ri­tion de l’Agora des Sciences concerne tout autant la com­mu­nau­té édu­ca­tive que la com­mu­nau­té cultu­relle : c’est ensemble, édu­ca­teurs des nou­velles géné­ra­tions que nous devrions d’urgence réagir pour exi­ger le main­tien d’un niveau com­mun d’accès à la culture pour tous, d’une éga­li­té de moyens péda­go­giques cultu­rels qui souffrent de cruelles carences à Mar­seille peut-être plus qu’ailleurs. Fau­dra-t-il attendre un flyer annon­çant l’offre pri­vée de for­ma­tion du type « sou­tien sco­laire : ate­liers scien­ti­fiques, de la mater­nelle à la ter­mi­nale » ven­due à des parents légi­ti­me­ment sou­cieux que leurs enfants ne passent pas à côté, avec de beaux slo­gans du type : « payez leur le meilleur : parce que le goût des sciences s’apprend » ?

Com­mu­ni­qué de presse

Assem­blée Géné­rale de l’association natio­nale La Réunion des CCSTI (Centres de Culture scien­ti­fique, tech­nique et indus­trielle) Le 30 Jan­vier 2008 à 18h CRDP – Salle Gas­sen­di – 31 Bd d’Athènes – 13001 Marseille

Pour­quoi faire dis­pa­raître le CCSTI de PACA ? (CCSTI – Ago­ra des Sciences)

L’association La Réunion des CCSTI, centres de sciences dont le réseau maille le ter­ri­toire natio­nal, orga­nise son Assem­blée géné­rale ordi­naire à Mar­seille, en sou­tien au CCS­TI-Ago­ra des Sciences, mena­cé de dis­pa­raître tota­le­ment à très brève échéance. Por­teur du pro­jet Ago­ra des Sciences et sou­te­nu dans le cadre du Contrat de Plan 2000–2006, le CCSTI Pro­vence-Médi­ter­ra­née change de nom fin 2002 et s’installe au 61 La Cane­bière, où, jusque mi-2007, dans le cadre de son acti­vi­té intra-muros, il a pro­po­sé aux publics (130 000 visi­teurs envi­ron) 10 « sai­sons cultu­relles » (expo­si­tions, ani­ma­tions, ren­contres…) autour des sciences et des tech­no­lo­gies. L’Agora des Sciences a fer­mé ses portes au public l’été der­nier et aujourd’hui, l’association, qui a dû licen­cier son per­son­nel, pour­suit, avec l’aide de quelques béné­voles, une acti­vi­té de dif­fu­sion d’expositions et de malles iti­né­rantes. Déten­teur d’un patri­moine impor­tant, maté­riel (expo­si­tions, équi­pe­ments d’exploitation et de pro­duc­tion muséo­gra­phiques) et imma­té­riel (savoir-faire, fichiers et contacts dans les réseaux régio­naux et natio­naux), payé par l’argent public, le CCSTI sou­haite recons­truire un nou­veau pro­jet asso­cia­tif et par­te­na­rial. Pour­tant, à l’heure où le Contrat de Pro­jet Etat-Région 2007–2013 pri­vi­lé­gie la mise en place d’une « agence » de coor­di­na­tion des struc­tures et d’évaluation de la Culture scien­ti­fique régio­nale, on peut s’interroger sur la péren­ni­té de mis­sions de « ser­vices aux publics » prises en charge jusqu’ici par le CCSTI, comme dans les autres régions : coor­di­na­tion régio­nale d’événements comme la Fête de la Science, pro­duc­tion et dif­fu­sion d’outils de média­tion valo­ri­sant la recherche « en train de se faire » dans notre région, accueil des publics, ani­ma­tions auprès des sco­laires, etc. Il est indis­pen­sable de conser­ver en PACA une struc­ture asso­cia­tive offrant une culture scien­ti­fique de qua­li­té et non par­ti­sane, un « car­re­four des par­te­na­riats » apte à tou­cher tous les publics et à contri­buer à éveiller les citoyens et futurs citoyens aux sciences dans la socié­té. C’est pour réaf­fir­mer cette néces­si­té, pour témoi­gner son sou­tien au CCSTI – Ago­ra des Sciences et l’aider à trou­ver une solu­tion, notam­ment pour pré­ser­ver et valo­ri­ser son patri­moine que le réseau natio­nal La Réunion des CCSTI abor­de­ra ce point dans le cadre de son Assem­blée Géné­rale annuelle à Mar­seille ce mer­cre­di 30 jan­vier à 18h.

Contacts : Louis Saint-Lèbe, pré­sident du CCS­TI-Ago­ra des Sciences : 06 07 42 93 27 Chris­tine Wel­ty, pré­si­dente de La Réunion des CCSTI : 06 60 75 76 33 Alain Tour­nier, tré­so­rier de La Réunion des CCSTI : 06 08 34 77 63

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