Les cris du marché/les deux poissonniers
Ecrit par Olivier Jean-Marie CHANTRAINE, 23 Jan 2016, 9 commentaires
Avec un clin d’oeil à Clément Janequin (“Les cris de Paris”) et un autre à Bertolt Brecht qui, dans “L’achat du cuivre” défendait l’idée que le dramaturge ait à s’intéresser au théâtre tel qu’il existe dans la vie ordinaire, tel qu’il est pratiqué sans souci de spectacle pour le spectacle, je vous invite à découvrir ces dialogues, notés au marché:
Le marché
1 – La fiancée
Le premier poissonnier (à son collègue) :
T’as vu la dame qui arrive ?
Elle vient toutes les semaines.
Et à la fin on va se marier.
(à la dame) Oui, c’est pas la peine de rougir, tout ‘ façon on va s’marier quand même.
Moi ça m’ dérange pas.
(à son collègue) Bon, c’est pas tout çà, tu la sers ma fiancée !
La dame : Vous pouvez toujours rêver !
Le deuxième poissonnier : Laissez, il rêve tout debout, il dit n’importe quoi
La dame : Oui, mais lui il est gentil.
Le premier poissonnier : Ah tu vois, on fait un métier, il faut parler aux gens.
A la semaine prochaine, ma chérie !
Le deuxième poissonnier : Et si Monsieur y est là ?
Le premier poissonnier : Ca me dérange pas moi ?
Sa dame elle dit que je peux rêver.
Moi je rêve lui il fait.
On fait comme Obama.
2 – Les deux messieurs
Le deuxième poissonnier (au suivant de la file) :
On sert Monsieur ?
Le Monsieur (désignant le client en cours de service) :
Non, je suis ensemble avec Monsieur.
Le premier poissonnier :
Ces Messieurs sont ensemble ?
Ça fait longtemps ?
Et ça marche bien ?
Non, bien sûr.
Mais : c’est pas grave, c’est toujours comme ça !
Le deuxième poissonnier :
Laissez tomber, il rêve tout debout, il dit n’importe quoi
Le premier Monsieur : On a bien vu.
Le deuxième Monsieur : Et vous vendez aussi du poisson ?
Le premier poissionnier : Oui, on vend du poisson à deux.
Il veut pas le dire mais ça fait longtemps, nous aussi…
Le premier Monsieur : Et çà marche bien ?
Le premier poissonnier : Vous m’avez pas répondu, alors moi non plus je réponds pas.
De toute façon je suis déjà fiancé.
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J’adore … ça vaut les “brèves de comptoir” ! Merci.
Le coup de “ma chérie”, un épicier de par ici le faisait à toutes ses clientes.
Ce qui ne l’avait pas empêché de renvoyer au bout de la queue une “grande” dame du pays qui prétendait brûler la politesse à toutes les femmes des ouvriers de son mari.
Liberté de parole, égalitarisme … obscénités à fleur de mots … le marché est encore souvent un espace ironique, politique et culturel un peu autre… Une enclave, ou une parenthèse par rapport au monde du travail et à l’espace domestique. Ce n’est pas vrai partout… ni jamais totalement vrai, évidemment… Sur l’un des marchés des environs, les commerçants se sont plaints que le “ticket” ne soit pas assez cher… En effet cela leur amenant à proximité les étals de quantité de fainéant, qui étaient là “juste pour dire qu’ils travaillaient, alors qu’ils ne foutaient rien”. Sur un autre, le maire (“les Républicains, comme de juste”) fait de temps en temps des “actions de communication” …
Mais globalement, sur le marché, on parle librement, on prend le temps et l’égalité est mis en espace, … tout en évitant “ce qui fâche” …
On a pourtant bien du plaisir à acheter “l’avocat moins cher qu’au Palais”…
La dame dont vous parlez est fort différente des bourgeoises de Lille … qui savent que ce genre d’inconduite leur vaudrait d’être traitées de haut et mise à l’écart de toutes les conversations pour quelques semaines…
Olivier, dans les régions de “vraie” tradition bourgeoise, “la grande bourgeoise” se garde bien d’afficher son statut. De ce point de vue, entre autre, Lille et Lyon se ressemblent beaucoup. A Lyon les appartements les plus splendides sont discrètement accessibles derrières des portes presque pouilleuses. La richesse ne s’affiche pas, à Lyon. Elle se fait discrète.
Un peu de gêne (et parfois de honte) au coin des lèvres, vite essuyée d’un coin du mouchoir de baptiste. Car on sait se tenir.
Ni gêne, ni encore moins de honte. Mais, contre les odeurs un mouchoir de baptiste légèrement imprégné d’un parfume discret … ça le fait !
A te lire, je m’aperçois que j’ai écrit “baptiste”. C’est pas ça du tout ! Ne pas confondre le mouchoir de batiste, très classe, avec le mouchoir de Baptiste (mon copain), très crasse. J’ai honte.
La femme du patron d’une usine de sacs dans laquelle je travaillais m’a demandé “Ce n’est pas trop dur votre travail ‚” s’attendant à ce que je lui réponde non. J’ai répondu ” Oh ! si madame, c’est très très dur !”. Elle est devenue rose, elle est partie en se retournant sur moi plusieurs fois, elle a sorti son mouchoir et elle s’est essuyé les lèvres.
Et j’ai recopié baptiste … sans hésitation !
Tu es un coquin s’amusant à mettre mal à l’aise les bonnes dames ! A moins que ta prestance musculeuse ait eu un effet aphrodisiaque sur la dame ?
Comment as-tu deviné de quelles lèvres… Mais c’est vrai que j’étais pas mal quand j’étais jeune. Comment l’as-tu su ?