La Francesina qui rêvait de danser
Ecrit par Jean-Paul Bourgès, 24 Jan 2016, 4 commentaires
Il y a quelques mois, j’avais parlé du spectacle de Venera BATTIATO, qui nous faisait partager le mélange des cultures d’une famille sicilienne venue s’installer à Joeuf en Lorraine à l’époque où les hauts-fourneaux fumaient jour et nuit et avaient besoin de main d’œuvre ( https://blogs.mediapart.fr/jean-paul-bourges/blog/110415/dehors-c-etait-la-france-dedans-c-etait-la-sicile ). Italienne en France, on l’appelait “La Francesina” en Sicile … la petite Française.
Hier nous avons été voir son nouveau spectacle qui nous parle du rêve, né dans sa petite-enfance et qui persista jusqu’à l’âge adulte : devenir danseuse.
« La ballerina » nous conte donc un parcours marqué par la volonté de toute une famille, les parents et les trois filles dont Venera est la benjamine, de transformer l’abandon du soleil des pentes de l’Etna en une réussite sociale conquise par le dévouement incessant des parents et par le travail scolaire sérieux d’enfants douées.
Seule en scène, rythmant ces étapes d’une vie de lutte par des disques vinyles, qu’un électrophone Teppaz nous faisait revivre, Venera virevolte en mêlant l’Italien et le Français et nous la voyons ainsi grandir depuis la petite fille tournant parmi les adultes dans une salle municipale, à l’école primaire dans la cour de récréation, puis à l’adolescence avec les premières danses avec les garçons, jusqu’à l’audition pour l’admission au conservatoire national des Arts du Cirque du Mime et de la Danse à Paris … où elle eut l’éblouissement de lire son nom sur la liste des admises.
L’ensemble est abordé avec légèreté, sans pathos artificiel, comme il sied tout autant à ces insulaires Siciliennes qui cachent leur caractère passionné sous un fichu discret comme elles, qu’à ces Lorraines, rudes au travail, déterminées et réservées (Je sais de quoi je parle, maman était comme cela).
Elle nous conte l’escapade qui lui faisant, avec des copines, sécher le collège nécessita un changement d’établissement et l’amena dans une école privée où un professeur remarquable sut identifier son talent … qui lui valut un 20 à une dissertation sur l’amour à partir d’une phrase de Bérénice.
Alors que les tensions montent en France contre l’immigration et en nous rappelant les accès de violence contre « les Ritals » lors des premières vagues d’immigration qui venaient d’Italie, écoutons ainsi raconter autant comment la France s’est faite que, comment une fillette accéda à un rêve de devenir danseuse … et professeure de lettres.
Venera le rappelle très simplement : les parents souffrent et s’exposent aux dangers, au mépris, aux brimades … dans l’espoir que leurs enfants vivront mieux qu’eux. Ce fut le cas pour elle et ses sœurs. Ce sera le cas de ces enfants qui arrivent du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Asie … il y a plein de futures Venera parmi eux.
Si vous le pouvez allez donc la voir ( http://www.venera.fr ).
Jean-Paul BOURGЀS 24 janvier 2015
La photo est de Martine PLANET
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Mal placé pour le dire, mais l’avenir d’un pays tient aux apports des humbles de l’ailleurs. Les poétesses et les poètes font partie de l’ailleurs.
J’en suis persuadé.
Merci pour cet article !!Soirée pleine d’émotions en effet; Vénéra a reçu de ses parents la force ;la dignité , et la fierté… que nous donnent à voir tous ces emigrés fuyant la pauvreté, la dictature, la guerre…Mais qui se heurtent aux frontières d’un monde de plus en plus fermé et frileux…
Je n’ai eu le temps d’écrire cet article que tard en soirée (Je devais d’abord finir un dossier de demande de subvention pour mon association … mais nous sommes déjà lundi et j’ai fait tout ce que je voulais faire ! ! !).
Je ne connais VENERA que depuis quelques mois, mais j’adore ce qu’elle fait et la nature des messages qu’elle sait passer, autant par ses paroles que par son sourire et l’ensemble de sa gestuelle).