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Une réponse de chercheurs précaires a Mr. Trautmann (Sauvons La Recherche)


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Appel à vous : J’ouvre ce blog aux intel­los pré­caires, ouvriers du savoir, aux non-titu­laires-en-attente-de-mieux, aux titu­laires-qui-sont-pas­sés-par-là, aux esclaves des man­da­rins, aux Lupen de « l’intelligence ».

Je sou­haite rele­ver la tête, recueillir des témoi­gnages, pour créer un dia­logue, éla­bo­rer un réseau de soli­da­ri­té, pour dépas­ser la concur­rence de cha­cun contre cha­cun, cette gué­rilla idéo­lo­gique indi­vi­duelle qui ne mène nulle part…

http://precairedusavoir.over-blog.com/


Sau­vons la recherche nous a appel­lé à la res­cousse jeu­di 19 juin à 8h 30 pour sau­ver le CNRS et “pour un monde meilleur” 

tant qu’à faire… 

Que puis-je faire pour défendre l’enseignement et la recherche le 19 juin ?

SLR pro­pose les actions sui­vantes, j’expose mon point de vue.

Venir (dès 8h) par­ti­ci­per au blo­cage du CA du CNRS à Paris.

Je vais y aller, et deman­der aux pré­sents com­bien sont titu­laires, com­bien sont pré­caires, ha non ! Demain matin je sur­veille des exa­mens pour l’éducation natio­nale (il faut bien vivre).

Inci­ter le direc­teur de mon labo­ra­toire ou/et de mon UFR à orga­ni­ser une réunion pour dis­cu­ter et pré­pa­rer le 19 juin : les condi­tions posées et la por­tée de la grève administrative ;

(rire) Je suis sus­pect pour le moins depuis mes sor­ties sur SLR, il y a 4 ans. à l’époque mon direc­teur de labo à démis­sion­né, puis réin­té­gré son poste, tran­quille. Quant à moi et mes co-dis­ciples nous sommes tou­jours aus­si pré­caires. Ah oui, ce direc­teur fait indé­nia­ble­ment par­tie des mandarins…

Affi­cher l’appel sur la porte de mon bureau ;

C’est une bonne idée, mais au fait il est où ? Pour­tant c’est ma cin­quième année d’enseignement à l’université je devrais le savoir où qu’il est ce bureau…

Dif­fu­ser l’appel dans mes réseaux ;

Hi Hi, tiens je vais l’envoyer à ma mai­ling-list de cher­cheurs pré­caires et autres tra­vailleurs du savoir et artistes… pour­quoi pas chez Kalai ?

Dif­fu­ser l’appel des médaillés du CNRS et en contac­ter de nouveaux 

medai

Oula… pas beau­coup de médaillés CNRS dans mon car­net d’adresses, c’est donc pour ça que je n’y suis pas recru­té… Je me refuse à y croire.

M’informer sur l’ANR ;

Quant je pro­pose un pro­jet de recherche à l’ANR c’est pour croû­ter pas pour ache­ter une mai­son secon­daire, je les connais bien… Quoi il y aurait des membres de SLR à l’ANR ? impossible !

ou le finan­ce­ment de la recherche :

Je sais bien, je tra­vaille dans des locaux où les pla­fonds risquent de tomber…

le bud­get de la recherche (4 pages + annexes) ;

Faible ou éle­vé je reste un esclave inter­mit­tent, j’ai pas vrai­ment le temps de lire ça 

le cré­dit impôt-recherche (2 pages) ;
Moins d’impôts, plus de fon­da­tions et de mécé­nat, il fau­dra pleu­rer auprès d’un prince pour avoir quelques miettes, c’est déjà le cas, mais en plus il faut cirer des pompes man­da­ri­nales, pas le temps de lire non plus et je dois finir cet article, il faut sou­mettre (nos articles) avant les départs en vacances car nos “pairs” qui nous exper­tisent en toute indé­pen­dance et qui partent en vacances eux…

par­don pour l’accent populiste…

Bon j’y retourne,

Pour que cela soit clair, je suis tota­le­ment oppo­sé à ces « réformes ». Mais je suis trop pré­caire pour lut­ter avec SLR demain matin…

Si SLR orga­nise un rdv de pré­caires sans titu­laires, j’y serais…

Suite a ce texte : “SLR t’appelle…” Mr Traut­mann a répondu :

Bon­jour

J’ai mis votre texte sur le site.

Je com­prends votre amer­tume, mais je ne crois pas qu’opposer pré­caires et titu­laires puisse appor­ter la moindre solution.

La soli­da­ri­té, oui (même si elle est, hélas, bien rare). La divi­sion, non.

Bien cor­dia­le­ment

Alain Traut­mann


La soli­di­té d’une chaîne dépend de son maillon le plus faible…

pyramide-socialeMr Traut­mann, j’ai grand res­pect pour votre tra­vail et pour votre action ; néan­moins je crois que vous ne com­pre­nez pas notre amer­tume. Notre, car nous sommes très nom­breux, à avoir mar­ché avec vous et à ne plus le faire.

Cela se sent très bien dans la mobi­li­sa­tion (et cela n’a pas échap­pé au pou­voir en place).

Vous ne pou­vez pas com­prendre ce que vous ne vivez pas (depuis et pour des années)…

L’impossibilité de vivre d’un tra­vail qui nous prend entiè­re­ment nos vies fami­liales et sociales.

La qua­si-impos­si­bi­li­té pour les femmes de faire des enfants serei­ne­ment avant d’être recru­tées. Je vous passe les his­toires sor­dides (sui­cides et autre) : inutile de faire pleu­rer dans les chaumières.

Pen­sez seule­ment, en tant que scien­ti­fique-devant-faire-ses-preuves (pen­dant 10 ans, par­fois plus) à l’obligation de don­ner la pater­ni­té de tra­vaux aux rois UBU des labos, se taire sur le pla­giat, la dés­in­for­ma­tion sur les risques sani­taires, la fraude scien­ti­fique, ou les mas­ca­rades scien­ti­fi­co-aca­dé­miques, l’obligation d’avaler toutes les cou­leuvres, ces humi­lia­tions en échange de médailles en chocolat.

Mon­sieur, par soli­da­ri­té, avez-vous déjà vécu de défraie­ments, de carte de pho­to­co­pies et de livres gratuits ?

Ima­gi­nez-vous seule­ment la peur que nous pou­vons res­sen­tir à vieillir dans ces condi­tions… ? Ce ne sont pas des invec­tives per­son­nelles, mais c’est notre réalité.

Ces choses et bien d’autres durent, vous les avez peut être connues en votre temps mais croyez nous, ce n’est pas une bohème ou une ini­tia­tion sur­tout quand ces situa­tions durent des années dans les condi­tions que nous vivons jour et nuit…

De l’intérêt “d’opposer” titu­laires et pré­caires : AUCUN, je suis bien d’accord avec vous.

Cepen­dant, vous en convien­drez que la plu­part des titu­laires acceptent que nous fas­sions le même tra­vail qu’eux (voire bien plus) pour des pro­messes, rien, et fina­le­ment si peu.

Cer­tains titu­laires ignorent ou feignent fran­che­ment d’ignorer qu’un grand nombre de pré­caires tra­vaille à ses côtés depuis des années.

Cer­tains « mili­tants » de la cause de la recherche sont des man­da­rins et se fichent éper­du­ment du sort de leurs petits thé­sards, ou post doc, ATER à mi-temps et autres inter­mit­tents de la recherche.

Nous sommes sous la coupe de ces gens qui laissent la sélec­tion aca­dé­mique se faire bonant malant sur concours d’allégeance à leur petite personne.

Les mou­ve­ments de cher­cheurs n’évoquent que très rare­ment et plu­tôt en fin de tract le sort des pré­caires, c’est un peu court après 4 ans…


En 2004, il y avait beau­coup de pré­caires dans la rue (jeunes et vieux). Nous avons mar­ché pour vous. Com­ment expli­quez vous aujourd’hui la qua­si-absence des pré­caires dans votre mouvement ?


Manque de soli­da­ri­té. Que s’est il pro­duit en 4 ans ? Com­bien par­mi ceux là sont encore en grande pré­ca­ri­té ? Nous sommes trop invi­sibles, inau­dibles, incon­sis­tants, trop mobiles d’un lieu et d’un espace du savoir à l’autre.

Aucun syn­di­cat ou asso si res­pec­table qu’ils puissent être ne nous défendra…

Alors nous venons sim­ple­ment vous rap­pe­ler ce hia­tus entre ce que vous prô­nez “pour la recherche” et la manière dont les titu­laires seniors admi­nistrent leurs labos depuis des années.

administrent

Suite à 2004, vous, nos chefs, avez accep­té des cré­dits de la nou­velle ANR. Com­bien de man­da­rins de toutes les démis­sions admi­nis­tra­tives et péti­tions de prin­cipe ont cap­té des places dans cette “chose” ? Com­bien se sont arran­gé entre amis pour faire mon­ter leurs car­rières indi­vi­duelles sur la base d’appels d’offre rédi­gés par des pré­caires ? Com­bien siègent au CNU ou à la CPU à present, ou servent d’experts ad-hoc au gou­ver­ne­ment ? Com­bien d’entre eux se sont res­tés silen­cieux face à la LRU, ont accep­té il y a quelques mois de par­ti­ci­per aux mas­ca­rades entre-soi, de la toute fraîche AERES ? Qui accepte le plan CAMPUS finan­cé par la pri­va­ti­sa­tion de EDF ? En somme, qui doit-on sau­ver : cer­tains de ceux qui nous oppriment ?

Pire encore, cer­tains man­da­rins et autres oppor­tu­nistes à courte vue anti­cipent et se frottent les mains. Ils com­prennent très bien que les déro­ga­tions de droit pri­vé qui leur per­met­tront de créer de petites filiales bien juteuses, toutes prêtes à suivre les finan­ciers don­neurs d’ordres. Ces gens for­més sur dénier public par et pour le ser­vice public. Devons-nous encore leur ser­vir de marche-pied par solidarité ?

Alors je vous pose la ques­tion. Si demain le CNRS n’est pas déman­te­lé, l’université n’est pas pri­va­ti­sée, que l’enseignement secon­daire et pri­maire sont res­tau­rés, en somme que les enga­ge­ments réga­liens de l’états sont péren­ni­sés et res­pec­tés, pen­sez-vous que les titu­laires res­te­ront mobi­li­sés pour nous ? Non, car une par­tie de nos inté­rêts divergent, beau­coup de titu­laires dépendent du tra­vail gra­tuit des pré­caires, beau­coup de pré­caires connaissent les “petits arran­ge­ments” de leurs patrons titulaires.

Aus­si, les contrac­tuels le res­te­ront, profs auxi­liaires de rem­pla­ce­ment, pigistes de la recherche, les pré­caires de toute sorte conti­nue­ront à faire tam­pon. Nous n’en serons pas satis­fait, car jus­te­ment nous sommes soli­daires mais pas seule­ment des cher­cheurs. La soli­da­ri­té n’est pas à sens unique…

L’information doit sor­tir. On ne peut pas pré­tendre sau­ver la recherche sans s’occuper en prio­ri­té de cette honte qu’est l’académie (avec ses esclaves pour la cause, ses concours notoi­re­ment bidons au CNRS et dans les facs, l’exploitation dans les labos mais aus­si dans les média et la culture). On ne peut pas pré­tendre à don­ner des leçons de soli­da­ri­té et d’ouverture quand on accepte le culte de la concur­rence et l’hyper-spécialisation comme cre­do de for­ma­tion des cher­cheurs tout en péro­rant sur la col­la­bo­ra­tion et l’ouverture…

À moins que par soli­da­ri­té vous ne vous enga­giez clai­re­ment dans ce sens, en com­men­çant à cau­ser avec les pré­caires qui sont peut-être chez vos col­lègues, chez vos édi­teurs, chez les jour­na­listes qui viennent vous inter­ro­ger. En nous aidant à sor­tir de l’anonymat sans ris­quer de perdre le peu ou le pas grand chose néan­moins vital.

Concrè­te­ment, dans le sec­teur de la recherche par exemple :

chat-ungererPour­quoi ne pas inter­ve­nir pour les doc­teurs et doc­to­rants étran­gers en France qui connaissent des situa­tions incroyables. Il y a aus­si des sans papiers en troi­sième cycle. Alors, pour­quoi ne pas exi­ger la fin du décret n° 87–889 du 29 oct. 1987 qui inter­dit les postes tem­po­raires aux chô­meurs de troi­sième cycle ou doc­teurs de plus de 28 ans et les réserve aux titu­laires ou déjà en poste ? Vous savez que ces deux seules situa­tions entraînent des abus et injus­tices en cas­cades (usage de faux contrats de tra­vail, népo­tisme, mar­chan­dages des heures au noir avec des pré­caires, et là encore il y a bien à dire…).

En ce qui concerne les doc­to­rants, pour­quoi ne pas reven­di­quer (pas seule­ment en péti­tion) la fin du tra­vail au noir des doc­to­rants et post-doc­to­rants sous forme de libé­ra­li­tés (bourses) sans droits, sans sécu­ri­té sociale ?

En somme, pour­quoi ne pas com­men­cer par nous défendre en com­pre­nant bien que nos posi­tions de fai­blesse extrême vous affai­blissent tous comme le maillon de la chaîne…

C’est donc très regret­table mais nous devons vous impo­ser notre soli­da­ri­té et notre exis­tence pour exis­ter. Il ne s’agit pas seule­ment de nous, ni de nos amis. Tout cela va bien au-delà de la recherche et de l’académie, c’est de notre socié­té qu’il s’agit. Ces pro­blèmes nous concernent et nous touchent tous parce que les savoirs et les tech­no­lo­gies déter­minent les orien­ta­tions de la socié­té et en ali­mentent autant les pro­grès que les catastrophes.

Bien cor­dia­le­ment, Nous, pré­caires du/des savoir/s

PS J’ai éga­le­ment mis votre réponse sur le site…

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