Lemmy is dead: le rock’n’roll en deuil
Ecrit par Igor Babou, 29 Déc 2015, 5 commentaires
J’apprends une nouvelle qui rentre sans doute assez peu dans les thèmes d’Indiscipline, mais dont je me permets de parler ici, car je crois que la musique a sa place dans nos réflexions : la mort, à 70 balais, du bassiste et chanteur Lemmy Kilmister. Bon, j’en vois qui ouvrent des yeux ronds en se demandant de qui il s’agit… Lemmy, c’était sans doute le dernier rocker encore en vie, avec Iggy Pop. Il avait fondé Mötörhead, un combo metal qui écumait les scènes du monde entier depuis la fin des années 70, et avant il avait joué dans Hawkwind, un groupe de rock psychédélique totalement barré. Et avant tout ça, il avait même été roady de Jimi Hendrix : le “roady”, c’est l’un des types, en général assez costaud, qui montent matériellement les scènes. Sans eux, aucun concert n’est possible : il faut bien une logistique à la musique, même si on l’oublie trop souvent. C’est dire si Lemmy était un vieux de la vieille. Et à une époque où l’industrie musicale et l’appât du gain amènent beaucoup de rock stars à se “calmer” pour produire des tubes sirupeux, marquetés pour entrer dans les formats insipides des radios et de la télévision, lui il continuait à faire un boucan du diable, à se fringuer comme un pirate psychédélique, et à boire sa bouteille de whisky par jour. Un rocker, donc, sale et débraillé. Dégueulasse comme je les adore : pas rangé des voitures, speed et défoncé, méprisant le bourgeois. Il avait joué dans un film potache intitulé “Eat the rich”, qui faisait l’apologie de la cuisine des riches… disons plutôt de la meilleure manière de cuisiner les riches 😉 Tout un tas de légendes lui collaient aux basques, forcément, à 70 ans, il avait derrière lui plus de 50 ans de frasques rock’n’rolliennes ! On disait par exemple que son groupe jouait si fort qu’une fois, il avait fait s’effondrer le plafond d’une salle de concert. Sa boulimie d’acide ou de speed faisait sans doute aussi partie de sa légende.
Je n’avais jamais eu l’occasion de le voir sur scène, mais dans ma culture punk, hostile par nature aux hippies, il faisait partie des anciens hippies qu’on respectait : car en dépit de ses cheveux longs, il était resté rock’n’roll, faisait une musique brutale, et fréquentait les boites punks. La légende disait même que c’était lui qui avait appris les trois seuls accords que Sid Vicious, le bassiste des Sex Pistols, était capable de jouer. Ça, ça suffisait à me le rendre sympathique : ne connaître que trois accords (les punks haïssaient la technique et l’érudition musicale, seule l’énergie comptait), et les avoir appris à Sid, mazette !
Le paradoxe, c’est que la mort de Lemmy ait été annoncée sur toutes les radios et dans la presse, alors que Mötörhead n’y était jamais programmé, ou alors pas aux heures de grande écoute. La machine à récupérer du capitalisme, et celle à pisser de la copie du journalisme, sont en marche : LibéNation et le Quotidien Vespéral des Marchés (Le Monde) en parlent, c’est dire… comme s’il y avait encore un esprit rock dans Libé ou dans Le Monde…
Aujourd’hui, le rock, le vrai, pas celui des radios ni des hit parades à la noix des télévisions et du marché de la musique, est en deuil. Mais comme on ne va pas faire dans le sentimentalisme, je vous laisse en musique avec quelques extraits musicaux. Lemmy, vous le reconnaîtrez facilement : c’est le grand escogriffe moustachu, à la voix éraillée et qui joue sur une Rickenbacker, la basse rock par excellence !
De temps en temps, il faudra que je fasse des chroniques musicales ici, tiens, histoire qu’on ait aussi un œil sur les musiques crades qui sentent la sueur et l’indiscipline : ne jamais se ranger des voitures, ça conserve… Et ne jamais ranger le rock’n’roll (ni ses avatars contemporains, du rap aux musiques électroniques) dans les boites à conserves du ministère de la culture : musiques dites “actuelles” et autres fariboles sémantiques tout juste bonnes à mettre les indisciplinés sur la voie de la chasse aux subventions et du marché de la musique.
- Université : Opération « Écrans noirs » du vendredi 13 au mardi 17 — 13 novembre 2020
- Tribune dans Le Monde : « Les libertés sont précisément foulées aux pieds lorsqu’on en appelle à la dénonciation d’études et de pensée » — 4 novembre 2020
- Pandémie et solidarités: associations et collectifs citoyens à bout de souffle sonnent l’alarme — 13 mai 2020
Les bourgeois cupides décanaillent tout. Même le rock
Ne jamais se ranger des voitures…Je garde le mot d’ordre. Oui fais nous des chroniques musicales! On pourrait apprendre encore bien plus de choses que trois accords grâce ton énorme culture, pratique et talent musicaux.
Il y a radio et radio …
cf: campuslille.com
Bonjour,
Je découvre le site, Igor Babou, parce qu’en fait, dans d’autres contrées, une abonnée, voyageuse aussi, se trouve supprimée de mes contacts là-bas …alors j’ai un peu cherché … Je retrouve ici d’autres personnes. Tiens! tiens !
En musique, certes, mes choix ne sont pas souvent rock ! mais si mes préférences n’indisposent pas trop … et modérément (oui, je le promets !), je propose de publier parmi vous … Musique et pas que …
Amitié.
N’hésitez pas à nous ramener de la musique de vos voyages en tout cas ! Si j’ai parlé de rock avec Mötörhead pour ce premier post musical, c’était en raison de l’actualité, mais toutes les orientations seront appréciées j’en suis sur.
Et bienvenue parmi nous !