Au milieu du gué
Ecrit par Igor Babou, 4 Mai 2009, 0 commentaire
Après plusieurs mois d’actions, de manifestations, de grèves perlées, face à un stupéfiant autisme gouvernemental d’une part, et plusieurs mois d’indifférence voire de censure médiatique d’autre part, l’université est dans une posture délicate, entre une volonté de radicalisation et un certain désespoir conduisant à l’inaction et au fatalisme. Cependant, la radicalisation nous semble conduire automatiquement à la reproduction de rapports de force et de mépris insupportables à l’intérieur même du mouvement de contestation. Ainsi, si la radicalisation conduisait à refuser en bloc de prendre en compte la situation parfois dramatique des étudiants, en première année notamment, alors le mouvement de contestation serait incohérent avec les valeurs mêmes qu’il prétend défendre.
Plutôt que de prôner une radicalisation « classique » qui serait soit une sorte d’opération de communication (être visible à tout prix), soit une incapacité à penser l’université en dehors du vieux cadre marxiste des rapports de production (le blocage de l’outil de production sinon rien), on devrait plutôt chercher dans la spécificité de nos missions et de notre héritage une cohérence intellectuelle. Cela n’est évidemment pas facile, mais on sait déjà que la radicalisation « classique », aboutira à l’échec car notre ministère se fiche éperdument du devenir des étudiants et des enseignants chercheurs. Bien au contraire, on peut penser que cette radicalisation est très attendue pour justifier une reprise en main autoritaire.
Il serait donc urgent de reprendre sérieusement la discussion sur les formes d’action gênantes uniquement pour nos tutelles et non pour nos étudiants, pour lesquelles nous avions donné un certain nombre de pistes. Par exemple, pourquoi la grève administrative dans la recherche universitaire est-elle si difficile à voter en AG ? Pourquoi aucun mot d’ordre collectif n’a-t-il été lancé dans ce sens depuis le début de la contestation ? Même chose pour des actions aussi simples que la grève des signatures de nos articles ? Ces actions sont très difficiles à mener isolément. Tout se passe comme s’il était moins dangereux de compromettre les plus faibles (étudiants, personnels administratifs) que de « payer de sa personne ». Nous en sommes désormais au point où nous devons affronter nos contradictions, en espérant que cette exigence de cohérence soit ressentie également dans les milieux touchés par le même phénomène, notamment la culture et l’éducation.
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