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Complément sur la “glottophobie”.


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Cela me désole un peu que le papier de pré­sen­ta­tion que j’ai pro­po­sé, du livre de Blan­chet,  puisse paraître “éso­té­rique”. Pour cor­ri­ger ce défaut, je dirais que le petit livre sur la « Glot­to­pho­bie » est une ana­lyse de la dis­cri­mi­na­tion par les pra­tiques lan­ga­gières et un com­bat contre cette discrimination.

En bon socio­logue, Blan­chet, ne se contente pas d’une ana­lyse « neutre », il montre aus­si l’importance sociale d’une lutte contre la glot­to­pho­bie, c’est-à-dire à la fois une résis­tance aux poli­tiques inéga­li­taires et dis­cri­mi­na­toires pré­tex­tant et uti­li­sant les dif­fé­rences lin­guis­tiques, et une valo­ri­sa­tion volon­taire des com­pé­tences lin­guis­tiques de tous les locuteurs.

Il montre quelques repères impor­tants pour une approche à la fois scien­ti­fique et huma­niste de la ques­tion langagière :

  • décons­truc­tion du mythe d’une supé­rio­ri­té de la langue « stan­dard » , qui n’est en fait rien d’autre qu’un ins­tru­ment de dis­tinc­tion pour les pri­vi­lé­giés de la dis­tinc­tion sco­laire, socio­cul­tu­relle. Concer­nant les normes de la langue écrite, par exemple, Blan­chet renou­velle l’observation de John Gum­perz que la maî­trise de cer­tains codes et manières de faire à l’écrit sert de préa­lable à l’embauche pour d’innombrables fonc­tions, métiers et tâches sala­riés où dans la pra­tique ces manières de faire ne seront jamais mises en oeuvre. Ain­si une norme arti­fi­cielle (dont l’observation des pra­tiques in situ montre clai­re­ment qu’au delà de la « sélec­tion » elle n’est plus res­pec­tée, mais au contraire adap­tée, enri­chie, autant com­plexi­fiée que sim­pli­fiée selon les néces­si­tés de la pra­tique) sert à pro­mou­voir une mino­ri­té sans réfé­rence à la réa­li­té des capa­ci­tés des uns et des autres
  • néces­si­té d’une connais­sance de la réa­li­té plu­ra­liste des pra­tiques lan­ga­gières dans la socié­té contem­po­raine. Ain­si nombre d’enfants sont confron­tés à l’ignorance par les ins­ti­tu­tions et les ensei­gnants de leurs com­pé­tences lin­guis­tiques riches et com­plexes. Ils sont sou­vent plu­ri­lingues et capables de bas­cu­ler en vir­tuose d’un usage à l’autre, et au lieu de recon­naître et valo­ri­ser cette com­pé­tence (qu’on peine à don­ner à beau­coup dans l’apprentissage de l’anglais stan­dard, par exemple…) on réprime toute trace de leur richesse lin­guis­tique dans la pra­tique du mono­lin­guisme scolaire.
  • Néces­si­té de par­tir des com­pé­tences lin­guis­tiques réelles des locu­teurs, enfants ou adultes, et non d’une incom­pé­tence arbi­trai­re­ment rap­por­tée à une langue stan­dard, au demeu­rant elle-même géné­ra­le­ment mal connue de ses « défenseurs »…
  • Prise de conscience du carac­tère mino­ri­taire et peu per­for­mant, à l’échelle inter­na­tio­nale et mon­diale, des pseu­do-élites monolingues.
  • Valo­ri­sa­tion de la varia­tion lin­guis­tique et lan­ga­gière sur un même ter­ri­toire. Varia­tion pro­pice à l’expression de réa­li­tés et vécus diver­si­fiés, socia­le­ment et cultu­rel­le­ment riches et concrètes.
  • Décons­truc­tion du mythe de la langue pure et ori­gi­nelle et au contraire valo­ri­sa­tion des apports allogènes
  • Décons­truc­tion du rat­ta­che­ment mythique entre langue et ter­ri­toire, et valo­ri­sa­tion au contraire de la dyna­mique lan­ga­gière propre de per­sonnes his­to­ri­que­ment situées et mobiles
  • -Décons­truc­tion du mythe selon lequel l’uniformité d’expression serait utile à une com­mu­ni­ca­tion plus effi­cace et trans­pa­rente, alors qu’elle ne ferait que cen­su­rer et affa­dir une grande par­tie de la réa­li­té sociale et culturelle

J’espère par cette deuxième note, aus­si rapide que la pre­mière avoir mieux mon­tré en quoi ce petit livre me semble d’un grand inté­rêt poli­tique et, insé­pa­ra­ble­ment, scientifique.

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