Auriez-vous l’amabilité de cesser de polluer l’environnement médiatique ?
Ecrit par Underzevolkano, 6 Jan 2016, 17 commentaires
Depuis un mois la une de tous les journaux, de toutes les émissions supposées d’information, s’agrippe autour de la question de la déchéance de nationalité – jusqu’à l’écœurement.
Or cette question ne mérite même pas le débat d’une demi-heure.
a) Si la déchéance de nationalité s’applique aux seuls terroristes reconnus coupables, elle va concerner au maximum quinze personnes chaque année. Ceux d’entre eux qui seront restés vivants (allez, disons cinq) se contremoqueront de toute façon de la perdre, ayant déjà été condamnés à une longue peine incompressible.
b) Si cette déchéance de nationalité s’applique à de multiples présumés complices (individus les ayant transportés, logés, nourris ou approchés) alors elle parait singulièrement disproportionnée.
c) S’il s’agit toujours de « présumés complices » les peines de déchéance des droits civiques inscrites au code sont déjà largement dissuasives.
Messieurs Hollande, Valls, Sarkozy ou Juppé, Madame Le Pen and Co, vous aussi journaux et journalistes, auriez-vous donc l’amabilité de réserver vos déclarations, articles, tribunes et tables rondes aux véritables sujets d’intérêt général, que vous négligez trop – la question du travail en France, celle des dizaines de milliers de migrants échoués ou morts, celle de la préservation des services publics, celle de l’aide aux français en situation d’extrême précarité, celle de nos choix de politique étrangère, celle des institutions médicales, celle d’un traitement juste de la communauté rom, celle des actions en faveur de la culture, celle de notre contribution à l’apaisement des conflits armés internationaux, celle de la diminution des maladies nosocomiales, celle du fonctionnement des institutions européennes ?
Merci d’avance.
N.B. Cette contribution sera aussi publiée sur Médapart, signée du même pseudonyme.
Je suis, bien sûr, d’accord. Mais, pour moi et pour beaucoup de proches qui, jusqu’à présent, m’étaient apparus aussi Français que moi, il y aurait dorénavant une différence essentielle. Rien ne pourra jamais faire que, né Français, ayant vécu comme Français, je ne finisse mes jours en tant que Français … sauf décision de ma part de changer de nationalité. Pour eux, ils ne resteront Français qu’à condition de ne pas commettre des actes conduisant à les déchoir de leur nationalité.
Est-ce donc si glorieux d’être Français que seuls des “individus bien sous tout rapport” puissent le rester ?
Que seront donc, dans cette hypothèse, ceux qui, du fait de leurs parents, auront une “double nationalité” ? Ils ne seront que des “Français à l’essai”.
Nul n’est dupe de la totale inutilité de cette disposition que l’on veut même couler dans la Constitution. Elle ne sert à rien d’autre qu’à clouer le bec à la droite-extrême et à sa sœur, l’extrême-droite.
Venant d’un “gouvernement de gauche” il s’agit d’une honteuse forfaiture … il reste à espérer qu’elle portera malchance à ceux qui, oubliant leur rejet de ce projet lorsqu’ils étaient dans l’opposition, viennent de se rouler dans la fange.
Le billet que j’ai écrit sur Mediapart le jour de Noël indique pourquoi je m’indigne : https://blogs.mediapart.fr/jean-paul-bourges/blog/251215/qui-suis-je
On devrait tous demander à être débarrassés de notre nationalité française tant cette mesure heurte les valeurs qui ont fait la France. Car si c’est ça, être Français, alors il n’y a pas de quoi en être fier. Les révolutionnaires de 1789 doivent se retourner dans leur tombe… Il faudrait organiser une demande d’asile politique pour tous les gens que cette mesure révulse, dans un pays démocratique s’il en reste quelque part sur cette fichue planète.
On devrait tous demander à être débarrassés de notre nationalité française tant cette mesure heurte les valeurs qui ont fait la France
Bon édito de Siné là-dessus.
Pour moi, on devrait réserver cette déchéance aux seuls exilés fiscaux. Comme Jauni Hallidée, qui va commettre un attentat contre la musique à Paris. Et transformer Cabu dans sa caisse en ventilateur, lui qui vomissait ce chanteur surfait.
Pour moi, on devrait cesser de parler d’exilés fiscaux : ça vous a un petit air rebelle, façon Victor Hugo à Guernesey. Osons le mot : déserteurs fiscaux.
Mais, de tout temps, les psychopathes qui gouvernent ont voulu minimiser leur saloperies : “qui vole un œuf vole un bœuf” imposant dans nos esprits une similitude de gravité entre un Cahuzac et le fraudeur du métro.
Salut Igor,
c’était, en effet, dans un contexte très différent, une décision similaire qu’avait prise le roi du Danemark, lorsque les troupes d’occupation allemande avait demandé le port de l’étoile jaune aux juifs danois ou vivants au Danemark. Il était sorti le lendemain en portant lui-même l’étoile jaune, et avait demandé à ses concitoyens d’en faire autant. Mesure assez bien suivie, pour ce que j’en sais.
J’en suis écoeurée de cette histoire, car il s’agit encore de s’entendre sur ce que signifie “vraiment” binational. Je le suis pour ma part et, de plus, née à l’étranger (c’est à dire dans aucun des deux pays dont j’ai la nationalité). Mais comme mes deux “patries” sont européennes, que le pays où je suis née l’est aussi, personne ne va me menacer, où me chercher des ennuis. Donc, honni soit qui mal y pense, mais on lit clairement l’implicite informulable dans cette pathétique histoire. Par conséquent, pour ma part, je serais assez d’accord avec ta proposition : qu’on la demande tous cette déchéance nationale, il n’y a effectivement plus de raison de se proclamer fier d’être français. Tous les principes égalitaires étant ici balayés d’un revers… de manche pétainiste.
Oui, l’attitude du roi du Danemark avait été exemplaire, elle. Pousser les logiques absurdes à leur terme pour en démontrer l’absurdité, ou la malfaisance, est une forme de contestation que j’aime bien. Si un mouvement se dessinait de demande de déchéance de nationalité pour cause de honte de l’avoir, cette nationalité française à l’heure de la stigmatisation politicienne des plus démunis ou des binationaux, j’en serais ! Peut-être suffit-il de lancer l’idée ?
Bonjour.
Les polémiques sur l’inessentiel sont l’activité préférée des gouvernants, quels qu’ils soient : pendant qu’on regarde la lune qu’ils nous désignent, on ne regarde pas ailleurs. Mais en ce qui me concerne, binational qui n’envisage pas de fermer ma gueule, ça m’inquiète qu’on puisse m’envoyer en Algérie parce que j’aurais mis en danger la république par mes vociférations.
Le gouvernement algérien envisage une déchéance de nationalité pour les malfaiteurs binationaux nés et éduqués en France, au titre que ceux-ci auront été mal élevés et que l’Algérie n’est pas une poubelle. Le berger à la bergère. Marrant, non ?
Le gouvernement algérien envisage une déchéance de nationalité pour les malfaiteurs binationaux nés et éduqués en France, au titre que ceux-ci auront été mal élevés et que l’Algérie n’est pas une poubelle. Le berger à la bergère. Marrant, non ?
Non : génial ! Pas mieux pour ridiculiser le Général Hollande et ses troupes de godillots !
Cette question est lancinante… et désagréablement politicienne, puisque déconnectée des problèmes que Hollande prétend traiter… Il veut brouter l’herbe sous les pieds des Le Pen et Sarkozy …
Pourtant, il s’agit de la constitution ! Et la peine introduite dans notre droit crée des milliers de citoyens juridiquement nférieurs aux autres.… Elle concerne donc bien au-delà des individus dont vous évaluez à la louche le nombre… Elle est aussi un message de suspicion envers tous ces citoyens mis sous statut pénal à part… Donc oui, ce truc est une pollution… Il faut que ses promoteurs y renoncent au plus vite! D’ici là, il faut les combattre obstinément et partout.
Le pire dans cette lamentable campagne de communication est qu’elle ne change rien en pratique. Actuellement, le mot “nationalité” n’apparait dans la constitution que pour préciser que les conditions de possession, acquisition ou perte de la nationalité doivent être déterminées par la loi. Il n’y a aucune restriction constitutionnelle: jusqu’à présent, la déchéance de nationalité n’était pas interdite par la constitution, désormais, ce sera autorisé.… Autrement dit, le seul objectif est bien de polluer l’espace médiatique, de renforcer la suspicion envers l’autre potentiellement responsable de nos maux, et puis c’est tout. Beaucoup de bruit juste pour le bruit.
Rebonsoir,
Vous êtes trois à avoir relevé que le pseudo-débat sur la déchéance de nationalité française a ouvert la voie pour d’autres Etats à envisager le même types de mesure, sur des genres de délits de plus en plus larges…
C’est bien le signe, semble-t-il, que ce pseudo-débat qui envahit l’espace de discussion public est malsain.
La question sur laquelle il nous faut des idées c’est donc peut-être : comment aider, à notre modeste niveau, au redéveloppement d’échanges producteurs, discursifs, élaboratifs, sur de vrais sujets de société.
Toutes suggestions ou témoignages sur des expériences significatives réelles (même fort modestes) seraient dès lors bienvenues…
Amicalement.
Oulah… My bad, il aurait fallu écrire “toutes suggestions ou témoignages […] seraient dès lors bienvenus”. J’aime sans doute trop le genre féminin 🙂
On te pardonne … mais c’est bien parce que c’est toi !
J’aime bien que le masculin l’emporte sur le féminin. Comme dit ma chienne Roxy (quel nom ridicule ) : “Les femmes au boulot, les hommes au bistrot !”. Bon ! un témoignage :
Avant une représentation, nous animons souvent des ateliers en direction de publics variés. ces ateliers s’appellent “École du regard” et s’appuient sur la danse et le mouvement. Cette fois, c’était dans un collège, deux heures par jour pendant cinq jours. Un garçon, treize ans, déclare que “la danse, c’est bon pour les filles et les…”. L’intervenante arrête tout, fait s’asseoir tout le monde en cercle et démarre un débat sur cette sortie. Houleux, le débat. Le garçon reste sur ses positions, mais au cours de l’atelier, il fait des propositions de plus en plus intéressantes, de plus en plus spontanées. Le lendemain de la fin de l’atelier, représentation du spectacle devant, entr’autres, les participants à l’atelier. Le lundi suivant, retour au collège et compte-rendu avec la participation des danseuses et danseurs. Un danseur mentionne son homosexualité, l’audience pouffe, brouhaha. Le garçon prend péniblement la parole et dit : “L’important, dans la vie, c’est qu’on aime quelqu’un ! “.
Eh oui, Larbi, tant qu’il y a de la vie … il reste de l’espoir ! (Il me semble que ça vaut bien “les femmes au boulot, les hommes au bistrot”).
//Un garçon, treize ans, déclare que “la danse, c’est bon pour les filles et les…”//
Lui et ses pareils, hélas nombreux, seraient stupéfaits s’ils allaient en Ukraine. Il y a quinze ans, notre lycée avait été reçu par un « gymnasium » qui nous avait accueilli avec un gala donné par les élèves : musiciens, chanteurs, danseurs… aussi bien filles que garçons, aussi bien dans classique que folk que jazz, et les garçons n’avaient pas vraiment l’air de souffrir. Le mépris des filles et la peur de l’homosexualité,c’est quelque chose très dans l’air – malsain – du temps.
Voyant (même mal) ce qui se passe en Ukraine, c’est pas un bon point pour la danse.