NAVIRE NIGHT : LA NUIT BLANCHE DE L’UNIVERSITÉ (Lyon, 8 avril 2009 de 18h30 à 08h00)
Ecrit par Igor Babou, 8 Avr 2009, 5 commentaires
LA NUIT BLANCHE DE L’UNIVERSITÉ
Université Lumière Lyon 2‑Université de Lyon
mercredi 8 avril (19h00) / jeudi 9 avril (08h00)
Grand Amphi
« Rien dans le jour.
Les mouvements du Navire Night devraient témoigner d’autres mouvements qui se produiraient ailleurs et qui seraient de nature différente. »
(Marguerite Duras, Le Navire Night)
« — Oui, mais il faut parier. Cela n’est pas volontaire, vous êtes embarqués. »
(Blaise Pascal, Pensées)
Déclaration d’intention
Un vaste plan de réformes gouvernemental met en cause les principes fondamentaux et la nature même de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce plan réformiste menace plus largement le sort de l’Éducation nationale dans son ensemble, de l’école maternelle jusqu’à l’université. Plus largement encore, il conduit à un démantèlement des services publics de la République française. Les communautés concernées, loin d’un supposé « immobilisme », sont les premières à se préoccuper sans cesse d’une refonte dynamique de leurs structures. Mais elles s’opposent de façon massive à la révision des politiques publiques par le gouvernement actuel. Elles dénoncent en globalité et en détail un réformisme mal venu, portant atteinte de façon systématique aux structures et, plus profondément, aux valeurs du bien public.
Un front commun sans précédent, un « mouvement », rend ainsi solidaires des tendances très diverses parmi les personnels de l’enseignement, de la recherche, de l’administration, parmi les étudiants. Des initiatives comme l’Appel de la Sorbonne, un grand nombre d’organisations y contribuent (syndicats, Sauvons l’université, Sauvons la recherche, sociétés savantes, collectifs et comités non apparentés…). La mobilisation universitaire, déclenchée à l’échelle nationale le 2 février 2009, est d’une rare ampleur, et s’avère durable. Elle converge désormais avec les luttes de plusieurs autres secteurs menacés au sein de l’Éducation, de la Fonction publique (notamment culture, santé, justice…), ainsi que du secteur privé. Dans un contexte général de crise de société néolibérale, le mouvement qui s’amplifie, d’ores et déjà historique, n’est pas seulement de protestation : il est de réflexion constructive. C’est en faveur de ce mouvement que nous parions.
Selon le mot d’ordre initial : « Le 2 février, l’université et la recherche s’arrêtent », l’interruption de services publics par usage du droit de grève a été malheureusement rendue nécessaire, faute de concertation préalable puis de négociations véritables avec les ministères concernés. Le principe adopté est celui d’une grève présentielle et active. Au contraire d’un délaissement de la vie universitaire, celle-ci implique de poursuivre des missions de formation et de recherche sous des formes alternatives, dans les murs et hors les murs de l’Université ; elle comporte également un souci d’information citoyenne, explicitant les diverses réformes articulées entre elles, montrant leurs conséquences au long terme. Aussi l’interruption est-elle une continuation critique. Une prolifération d’actions soutient la persévérance d’un mouvement caractérisé par sa détermination, son originalité, sa vitalité.
De nombreuses personnes de l’Université Lumière Lyon 2, réunies en collectif, souhaitent manifester ce mouvement à l’intérieur de l’institution, avec l’accord de son Président. « La Nuit blanche de l’Université » voudrait marquer un temps fort de la mobilisation, en symbolisant l’endurance et la ténacité d’une résistance indispensable, face à l’obscurantisme des réformes en cours, des logiques qui les sous-tendent, du mépris et de la méconnaissance affichés aux plus hauts rangs de l’État. Des fonctionnaires de l’État entendent ainsi faire part de leur volonté à soutenir des actes de veille, de vigilance, de discernement, et à poursuivre leur travail malgré des conditions de plus en plus précaires. Les activités qui risqueraient de ne plus voir le jour si les réformes s’appliquaient, si leur fondement idéologique s’instaurait, en viennent pour l’heure à chercher un recours dans la nuit.
La Nuit blanche, accueillie par l’Université Lumière Lyon 2, fait appel aux personnes mobilisées, à titre individuel et selon leur établissement ou organisme de rattachement à l’échelle de la région. Cette manifestation inter-sites se veut également interdisciplinaire, afin de multiplier et de recouper les compétences. La conjoncture réclamant à la fois des modes d’action et un surcroît de réflexion, il s’agit de bénéficier des outils d’analyse de la communauté scientifique. Cette manifestation souhaite encore s’ouvrir sur la Cité, concernée de fait par le sort des services publics. Comme circonstance symbolique et pratique, la nuit demeure disponible dans les emplois du temps ; elle est propice au décloisonnement des institutions, à l’expression d’une transversalité disciplinaire, ainsi que d’une égalité citoyenne ; elle est de nature à favoriser une humanité des relations, de manière civique.
La Nuit blanche de l’Université propose un cycle de conférences scientifiques en continu, traitant de manière accessible des objets d’étude qui sont en résonance sur la conjoncture. Elle permet également une mise en valeur des formes originales de mobilisation exercées dans l’espace public, notamment à l’initiative des étudiants, et laisse une large part au débat suscité. Si une tradition universitaire peut suggérer une ligne générale d’intervention, cette tradition est celle de « l’université critique », collégiale, indépendante et démocratique, qui contraste fortement avec les desseins d’une université « entrepreneuriale » ou « managériale ». Par cet événement fédérateur, nous espérons contribuer au véritable sens de « l’autonomie » des universités et de la recherche.
Programme
Horaires : 18h30 au soir / 8h00 au matin.
Conférences-débats et performances (20 mn)
Accueil (18h30/19h00, Cour d’honneur)
Comité d’Action étudiant (Lyon 1, Lyon 2, Lyon III, IEP, ENS) : Fanfare de l’Institut d’Études Politiques
Ouverture de la nuit (19h00/19h15, Grand Amphi)
Représentation de la Présidence
Hugues de Chanay, Agnès Fontvieille-Cordani, Bruno Gelas (Université Lumière Lyon 2, Faculté LESLA)
Séquence 1 (19h15/20h30), Grand Amphi)
Bernard Lahire (ENS-LSH Lyon, Sociologie, Directeur du GRS (UMR 50 CNRS) : « L’anti-intellectualisme d’État et “le plaisir de la connaissance” ».
Sarah Al Matary (ENS-LSH Lyon, Lettres) : « Anti-intellectualisme et identité nationale : les racines du discours sarkozien sur l’éducation ».
René Roussillon (Université Lumière Lyon 2, Institut de Psychologie, psychologie clinique et psychopathologie, Centre de recherche CRPPC) : « Clinique de la créativité humaine ».
débat
Séquence 2 (20h30/21h45, Grand Amphi)
Spyros Franguiadakis (Université Lumière Lyon 2, Faculté d’Anthropologie et de Sociologie/Modys-CNRS) : « La nuit des réfugiés… Demande d’asile et politique de l’(in)hospitalité ».
Valérie Haas (Université Lumière Lyon 2, Institut de Psychologie, Psychologie sociale, EA GRePS) : « Vichy : retour aux sources ? ».
Mathilde Philip-Gay (Université Jean Moulin Lyon III, Faculté de Droit, Droit public) : « La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ».
débat
Séquence 3 (21h45/22h15, Grand hall, Salon Hirondelle)
Comité d’Action étudiant (Lyon 1, Lyon 2, Lyon III, IEP, ENS) : chorale de Musicologie.
Pierre Saby (Université Lumière Lyon 2, Faculté LESLA, Musicologie), Doyen de la Faculté LESLA : « Chansons avec accompagnement instrumental ».
Séquence 4 (22h15/23h30, Grand Amphi)
Hugues de Chanay, Frédérique Gayraud et Catherine Kerbrat-Orecchioni (Université Lumière Lyon 2, Faculté LESLA, Sciences du langage, DDL, ICAR-CNRS Lyon 2) : Atelier d’analyse du discours politique : « Qui veut noyer son chien… Stratégie nationale pour la recherche et l’Innovation & autres discours».
Jean-Christophe Pitavy (Université Jean Monnet de Saint-Etienne, Faculté Arts, Lettres, Langues, Sciences du langage, équipe ParLAnCES et CIEREC) : « Essai de Bling-blinguistique : le discours du 22 janvier ou la forêt qui cache les arbres ».
Viviane Leroux Vernay, Sophie Chauveau et Patrick Rozenblatt (Université Lyon 2, Sociologie) : « Attention au travail ».
débat
Séquence 5 (23h30/00h45, Grand Amphi)
Delphine Kolesnik (ENS-LSH Lyon, Philosophie, CERFI) et Michèle Rosellini (ENS-LSH, Lettres et Arts, CERFI) : « Des arts d’être despote » : « La tyrannie comme désir de domination universel hors de son ordre. L’apport de Pascal à la réflexion sur la mobilisation » (D. Kolesnik) ; « Exercice du pouvoir et usage des savoirs : actualité des Fables de La Fontaine » (M. Rosellini).
Fabienne Boissiéras (Université Jean Moulin Lyon 3, Lettres) : « Fonctionnement du mot “D’accord” dans le champ conversationnel contemporain ».
débat
Séquence 6 (00h45/01h15, Grand hall)
Jean Duchamp (Université Lumière Lyon 2, Faculté LESLA, Musicologie) et collectif étudiant : Ensemble Res facta : « Danses de la Renaissance revues pour la circonstance ».
Séquence 7 (01h15/02h30, Grand Amphi)
Jacques Gerstenkorn (Université Lumière Lyon 2, Faculté LESLA, Arts du spectacle), Vice-Président chargé de la culture : « La scène médiatique et la fabrique de l’opinion : poisons et contrepoisons d’Avril ».
Franck Rebillard (Université Lumière Lyon 2, Institut de communication, ICOM/Elico) : « Pluralisme de l’information et propriété des médias ».
Dominique Lagorgette (Université de Savoie/Institut Universitaire de France, Lettres) : « “Casse-toi, médiocre !” Les insultes en français, de La Chanson de Roland au journal de 20 heures ».
débat
Séquence 8 (02h30/03h00, Grand hall)
Anne Pellois (ENS-LSH Lyon, Etudes théâtrales), Julie Sermon (Université Lumière Lyon 2, Arts du spectacle) et collectif étudiant : lecture-spectacle : « Gênes 01 », d’après F. Paravidino.
Séquence 9 (03h00/04h15, Grand Amphi)
Igor Babou et Joelle Le Marec (ENS-LSH Lyon, Laboratoire Communication, Culture et Société/CNRS) : « Science et société ».
David Garibay (Université Lumière Lyon 2, Faculté de Droit et de Sciences politiques », UMR triangle Lyon 2/ENS/IEP) : « Réformes néolibérales en Amérique latine et marge de manœuvre des gouvernements de gauche ».
Marc Philippe (Université Claude Bernard Lyon 1, Écologie/Paléontologie) : « Écologie politique et scientifique ».
débat
Séquence 10 (04h15/05h30, Grand Amphi)
Hubert Hansen (Université Claude Bernard Lyon 1, Physique » : « Changement d’échelle pour une balade dans l’univers ».
Jocelyn Dupont (Université Lumière Lyon 2, Faculté LESLA, Lettres/Anglais) : « Le gothique, mode nocturne ».
Luc Vancheri (Université Lumière Lyon 2, Faculté LESLA, Arts du spectacle, Études cinématographiques) : « Les pensées du montage (Warburg, Benjamin, Bataille, Brecht) ».
débat
Séquence 11 (05h30/06h00, Grand hall)
Comité d’Action étudiant (Lyon 1, Lyon 2, Lyon III, IEP, ENS) : Petit déjeuner & « Formes ludiques et sérieuses ».
Séquence 12 (06h00/07h45)
Dominique Carlat (Université Lumière Lyon 2, Faculté LESLA, Lettres, Directeur de l’équipe Passage XX-XXI) : « De l’incompatibilité entre mépris et littérature ».
Mireille Losco (Université Lumière Lyon 2, Faculté LESLA, Arts du spectacle) : « Mieux vaut en rire ? ».
Hervé Micolet (Université Lumière Lyon 2, Faculté LESLA, Lettres, équipe Passages XX-XXI) : « Petite phénoménologie de ce qui arrive ».
Bérengère Durand (ENS-LSH Lyon/Université Paris IV-Sorbonne, Lettres) : « La nuit et le moment ».
débat
Fermeture de la nuit (7h45/8h00)
En permanence :
Igor Babou et Joelle Le Marec (ENS-LSH Lyon/CNRS) : « Science et société : regards de chercheurs » (auteurs scientifiques : Joëlle Le Marec et Igor Babou, Réalisation Luc Ronat, CNRS), film DVD.
Comité d’Action étudiant (Lyon 1, Lyon 2, Lyon III, IEP, ENS) : « Formes d’alerte ludiques et sérieuses ».
Service Culturel de l’Université Lumière Lyon 2 : L’Initiation, film de Boris Carré et François-Xavier Drouet (documentaire, 63mn).
Service Culturel de l’Université Lumière Lyon 2 : Le Navire Night, de Marguerite Duras, dans une mise en scène de l’auteur, Productions du Losange, 1979.
Stands de documentation détaillée sur les réformes en cours (Enseignement supérieur et recherche, Education nationale, Fonction publique).
Stands restauration et boissons non alcoolisées à prix libre.
Entrée libre.
Merci de tolérer une certaine latitude dans la programmation.
Les locaux ayant été ouverts à titre exceptionnel par l’Université Lumière Lyon 2, merci à tous de veiller au bon déroulement de la soirée.
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- Tribune dans Le Monde : « Les libertés sont précisément foulées aux pieds lorsqu’on en appelle à la dénonciation d’études et de pensée » — 4 novembre 2020
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Un très grand bravo à tous ceux qui se sont engagés (embarqués) pour que vive, cette nuit, l’université, notre université.
Merci aux organisateurs, à l’ensemble des orateurs et au public en effet : ce fut une nuit exceptionnelle ! L’université n’est jamais autant elle-même que quand elle joue la carte de la générosité et de l’inventivité. Un beau navire a traversé Lyon hier soir, et nous a tous transporté là où le savoir n’est pas une marchandise et où ses marins ne sont pas des entrepreneurs.
Merci beaucoup pour cette nuit de rève éveillé où “excellence”, “collégialité”, “créativité”, “union”, répondent avec force à “médiocrité”, “mépris”, “productivité”, “individualisme”, et combattent aujourd’hui pour l’université de demain.
Pour ceux qui n’auraient pas pu suivre cette Nuit Blanche de l’Université, ou pour ceux qui voudraient revoir et ré-écouter les conférences, l’ensemble des interventions est disponible en vidéo à cette adresse : http://podcast.univ-lyon2.fr/groups/nuitblanchealuniversite/weblog/
J’espère réellement qu’une nouvelle nuit sera organisée l’année prochaine et une autre l’année suivante et encore une nouvelle tous les ans !