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La loi Falloux est rétablie par décret : Le fait du Prince contre la République laïque !


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FÉDÉRATION NATIONALE DE LA LIBRE PENSÉE
Membre de l’Union Inter­na­tio­nale Huma­niste et Laïque (IHEU)
10/12 rue des Fos­sés-Saint-Jacques 75005 PARIS
Tél : 01 46 34 21 50 — Fax : 01 46 34 21 84
Cour­riel : « libre.pensee@wanadoo.fr »

- COMMUNIQUÉ -

La loi Fal­loux est réta­blie par décret :
Le fait du Prince contre la Répu­blique laïque !

Immé­dia­te­ment, après avoir épu­ré de sa com­po­sante clé­ri­cale, le conseil supé­rieur de l’Instruction publique en votant la loi du 27 février 1880, la majo­ri­té répu­bli­caine issue des élec­tions des 14 et 28 octobre 1877 et le ministre Jules Fer­ry por­taient un nou­veau coup à la loi Fal­loux du 15 mars 1850 modi­fiée par celle du 12 juillet 1875, adop­tées l’une et l’autre par des assem­blées monar­chistes. Confiée depuis cinq ans à des jurys mixtes com­pre­nant des membres du cler­gé, la col­la­tion des grades uni­ver­si­taires reve­nait désor­mais à l’Etat et à lui seul, confor­mé­ment à la loi du 18 mars 1880. Jules Fer­ry avait rai­son de dire, lors la pre­mière séance du conseil supé­rieur laï­ci­sé, que l’Université deve­nait « un corps vivant, orga­ni­sé et libre. » Ce prin­cipe émi­nem­ment répu­bli­cain a été sans cesse réaf­fir­mé depuis. L’alinéa pre­mier de l’article L. 613–1 du code de l’éducation, dans sa ver­sion issue de la loi de moder­ni­sa­tion sociale du 17 jan­vier 2002 actuel­le­ment en vigueur, dis­pose que « L’Etat a le mono­pole de la col­la­tion des grades et titres universitaires. »

Après d’autres, ce pilier de la Répu­blique vient d’être abat­tu, au moment même où une série de « contre-réformes », éga­le­ment adop­tées par décret, contre l’avis de l’ensemble de la com­mu­nau­té uni­ver­si­taire, menacent de des­truc­tion l’université fran­çaise publique et laïque et tout son sys­tème de for­ma­tion non mar­chand. Par l’effet d’un décret simple, la loi Fal­loux est par­tiel­le­ment réta­blie. Après en avoir été pri­vée pen­dant cent vingt-neuf ans, la secte romaine retrouve le pou­voir d’intervenir dans la col­la­tion des grades uni­ver­si­taires. C’est intolérable.

Par un décret du 16 avril 2009, le pré­sident de la Répu­blique vient, en effet, de publier l’accord de Paris du 18 décembre 2008 par lequel la France et le Saint-Siège ont enten­du décli­ner au plan bila­té­ral le pro­ces­sus de Bologne ini­tié par la conven­tion du 11 avril 1997 sur la recon­nais­sance des qua­li­fi­ca­tions rela­tives à l’enseignement supé­rieur dans la région « Europe », rati­fiée le 18 sep­tembre 2000. L’une et l’autre acceptent de recon­naître mutuel­le­ment « des périodes d’études, des grades et des diplômes de l’enseignement supé­rieur déli­vrés sous l’autorité com­pé­tente de l’une des Parties ».

Pour la Répu­blique fran­çaise, il s’agit bien sûr des « grades et diplômes déli­vrés sous l’autorité de l’Etat par les éta­blis­se­ments d’enseignement supé­rieur ». Pour le Saint-Siège sont concer­nés ceux attri­bués par « les Uni­ver­si­tés catho­liques, les Facul­tés ecclé­sias­tiques et les éta­blis­se­ments d’enseignement supé­rieur dûment habi­li­tés par le Saint Siège » Le pro­to­cole addi­tion­nel à l’accord de Paris pré­cise qu’entrent en par­ti­cu­lier dans le champ d’application de ce der­nier les diplômes ecclé­sias­tiques de doc­to­rat (niveau doc­to­rat), de licence (niveau « mas­ter ») et de bac­ca­lau­réat (niveau licence) obte­nus dans les facul­tés ecclé­sias­tiques qui, selon la consti­tu­tion apos­to­lique Sapien­sa chris­tia­na de 1979, ont notam­ment pour objet de for­mer des cher­cheurs, des pro­fes­seurs d’u­ni­ver­si­tés et de sémi­naires, des chan­ce­liers, des membres de tri­bu­naux ecclé­sias­tiques et d’autres titu­laires d’of­fices, des conseillers d’é­vêques et de supé­rieurs religieux.

La rati­fi­ca­tion, par décret de l’accord du 18 décembre 2008, consti­tue au sur­plus un coup de force juri­dique inac­cep­table. Il ne s’agit pas de la simple recon­nais­sance mutuelle des diplômes déli­vrés par les sys­tèmes légaux d’enseignement supé­rieur de deux États liés par une conven­tion inter­na­tio­nale. Au mépris de la laï­ci­té, l’accord de Paris conduit, en effet, la Répu­blique fran­çaise à légi­ti­mer des titres uni­ver­si­taires attri­bués par des éta­blis­se­ments d’enseignement supé­rieur catho­liques sur son ter­ri­toire, ou sur le ter­ri­toire d’autres États ne les recon­nais­sant pas néces­sai­re­ment. Il ouvre ain­si une brèche dans le mono­pole de la col­la­tion par l’Etat, des grades uni­ver­si­taires, ins­ti­tuée par la loi du 18 mars 1880.

Dans ces condi­tions, il appar­te­nait au gou­ver­ne­ment de sai­sir le Par­le­ment d’un pro­jet de loi de rati­fi­ca­tion de l’accord de Paris en appli­ca­tion de l’article 53 de la Consti­tu­tion du 4 octobre 1958 et non au pré­sident de la Répu­blique de prendre un décret pour le faire entrer en vigueur. En l’espèce, l’accord de Paris modi­fie bien impli­ci­te­ment mais néces­sai­re­ment « des dis­po­si­tions de nature légis­la­tive ». La voie sui­vie évi­tait la dis­cus­sion du réta­blis­se­ment par­tiel de la loi Fal­loux devant la repré­sen­ta­tion nationale.

Face à cette atteinte à la Répu­blique et à la laï­ci­té, la Libre Pen­sée exige l’abrogation du décret du 16 avril 2009 et la rup­ture des rela­tions diplo­ma­tiques avec le Vati­can. En consé­quence, la Libre Pen­sée informe qu’elle dépose immé­dia­te­ment un recours pour excès de pou­voir auprès du Conseil d’É­tat pour deman­der l’annulation de ce coup de force contre la laï­ci­té républicaine.

Paris, le 28 avril 2009

Igor Babou
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