“Scepticisme” ou idéologie raciste d’état?
Ecrit par Olivier Jean-Marie CHANTRAINE, 11 Oct 2016, 0 commentaire
« Scepticisme » ?… , racisme, racialisme et dogmatismes sont-ils des scepticismes ?
Le papier, titré « L’aveuglement migratoire de l’Europe centrale », de Jean-Baptiste Chastan (le Monde, 10.10.2016 à 6h39 et 12h13) est bien étrange.
Le titre est bizarre … Qu’est ce qu’un « aveuglement migratoire »… Probablement la formulation est-elle un écho inconscient de la tragédie d’Œdipe, parricide incestueux condamné à l’errance avec les yeux crevés… Mais ce dont parle l’article, c’est de l’hostilité de l’opinion publique et surtout des gouvernements contre « les migrants », dans les pays européens ayant appartenu au Pacte de Varsovie.
L’article appelle ces pays tantôt « Pays d’Europe issus de l’ancien bloc soviétique » (comme si ces pays n’avaient pas existé avant la deuxième guerre mondiale!.) ou, plus prudemment « la région » (ce qui évite tout effort de définition ou d’analyse historique), ou encore « l’ancienne » ou … « la nouvelle Europe », la syntaxe de l’article ne permettant pas de repérer qui est selon l’auteur « ancien » ou « nouveau », de Prague ou Rome, Budapest ou Bruxelles…
Il s’agit en fait des Hongrois, des Slovaques et des Tchèques, et de leurs gouvernements, qui proclament que « l’islam n’a pas de place chez eux » et que « les migrants sont un poison ». Auxquels s’ajouteraient les citoyens des Länder de « l’ex-RDA » (l’Allemagne occidentale n’est pas citée, malgré les revers électoraux infligés par l’extrême-droite raciste à Madame Merkel…)
L’article identifie ces discours, et l’idéologie qu’ils expriment à de la xénophobie, en termes sociologiques, ou de « l’incitation à la haine raciale », pour dire à peu près la même chose en termes juridiques. Sur ce point on ne peut que le suivre. Il s’agit bien d’une xénophobie d’état, coupée à une idéologie dominante xénophobe.
La suite de l’article cherche des raisons socio-démographiques en Pologne, en Bulgarie, en Roumanie … Pays dont il ne parlait pas plus haut… La démographie de la Pologne explique-t-elle l’idéologie des Tchèques ? L’émigration des jeunes roumains vide-t-elle les rues de Budapest?
Cette errance lexicale et conceptuelle renvoie probablement à l’hypothèse que tout cela serait du à la permanence de l’idéologie « soviétique », dans « cette région », s’opposant à celle du monde « libre », « ici ».
Sottise pourtant qu’une telle hypothèse. La droite xénophobe des pays dont il est question est l’héritière ici des idéologies pangermaniques et panslaves antérieures à l’Union Soviétique et au Pacte de Varsovie. Cette droite s’est ralliée à l’Europe capitaliste, notamment en voulant contribuer à l’affirmation haut et fort de la nature chrétienne de cette Europe. Sur ce point ils sont beaucoup plus des héritiers du pangermanisme et du panslavisme que de l’Union Soviétique…
Plus curieusement encore, l’article désigne cette xénophobie populiste d’état comme un « scepticisme », dans un paragraphe généralisant ce caractère cognitif au vaste ensemble géographique indistinct qui fait sa référence, fondant ce qui n’est qu’un préjugé stéréotypé :
« Ce message pourrait s’appliquer à l’ensemble des pays d’Europe issus de l’ancien bloc communiste, tant le scepticisme face à l’immigration est un trait commun partagé dans la région. Avec le rejet de l’homosexualité, c’est un des rares sujets de société qui séparent encore les valeurs de la « nouvelle Europe » de « l’ancienne ».
Où est-il allé chercher ce terme de « scepticisme » ? Sans doute dans une déclinaison incluant les termes « climatoscepticisme » et « euroscepticisme», opposant dans les discours médiatiques courants ceux qui croient et ce qui ne croient pas aux « vérités » soutenues par les oligarchies médiatique, politique et experte… A l’instar de Monsieur Hollande qui naguère condamnait, pérorant devant les académiciens, tout doute quant aux vérités officielles comme une ignorance à combattre.
On semblerait donc se trouver dans une configuration opposant les tenants d’une vérité officielle, d’un dogme à ceux d’un discours populaire de bon sens résistant .
Mais le terme scepticisme n’est pas pertinent pour parler de la xénophobie dans les pays européens gouvernés à l’extrême droite, puisqu’il s’agit là de l’idéologie d’état et de l’idéologie dominante…
Appeler cela du « scepticisme » nous fera sans doute bientôt glisser à l’idée que l’on serait ici devant des « décomplexés » et qu’ils mériteraient d’être « dédiabolisés » …
Il est vrai qu’il y a trois jours, pour « questionner » Monsieur Juppé sur l’immigration Antenne 2 recruta Monsieur Ménard… Maire lepéniste de Béziers.
L’idéologie raciste et racialiste mérite-t-elle d’être définie comme un « scepticisme » ?
On ne peut accepter une telle catégorisation. Les pays concernés retrouvent plutôt là une foi irraisonnée et intégriste dans des valeurs d’intolérance religieuse et un imaginaire de pureté ethnique. Valeurs qui ont conduit l’Europe il y a quelques décennies sur la voie du fascisme.
C’est donc de foi, d’intégrisme, de racisme, de xénophobie, d’extrême-droite qu’il faut parler ici, et non de scepticisme.
De quoi renforcer notre scepticisme sur l’Europe que nous « construisons » avec ces états-là!
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