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Nous appelons à reconstruire les masters de médiation culturelle
21 février 2014 Initiatives
Je suis professeur des universités en Sciences de l'information et de la communication.

Je travaille sur les relations entre nature, savoirs et sociétés, sur la patrimonialisation de l'environnement, sur les discours à propos de sciences, ainsi que sur la communication dans les institutions du savoir et de la culture. Au plan théorique, je me situe à l'articulation du champ de l'ethnologie et de la sémiotique des discours.

Sinon, dans la "vraie vie", je fais aussi plein d'autres choses tout à fait contre productives et pas scientifiques du tout... mais ça, c'est pour la vraie vie !
Igor Babou
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Voi­ci un appel à pétition :

Nous appe­lons à recons­truire les mas­ters de média­tion culturelle

Nous venons d’apprendre que la média­tion cultu­relle vient d’être effa­cée de la liste des diplômes uni­ver­si­taires. D’un coup d’un seul ce sont 20 ans de tra­vaux liant étroi­te­ment citoyens, artistes, pro­fes­sion­nels et uni­ver­si­taires qui dis­pa­raissent. 20 ans d’une bataille qui a réus­si à ins­crire les publics au cœur de l’action cultu­relle. 20 ans d’efforts pour récon­ci­lier les théo­ries et les pra­tiques por­tées par l’Education popu­laire et celles des professionnels

de la culture. Pas seule­ment de la culture ins­ti­tuée et défen­due par le minis­tère du même nom, mais la culture au sens large, celle por­tée par les citoyens, le monde asso­cia­tif, les ama­teurs qui œuvraient tous ensemble à ce que chaque culture soit recon­nue, tra­vaillée appropriée.

La média­tion a su trou­ver sa place aus­si bien dans la recon­nais­sance de cur­sus diplô­mants que dans les cadres d’emploi tant des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales que de l’Etat. Aux côtés des artistes, des admi­nis­tra­teurs, des conser­va­teurs, des char­gés de com­mu­ni­ca­tion, les pro­fes­sion­nels de la média­tion sont deve­nus ces spé­cia­listes des popu­la­tions visées par le pro­jet de démo­cra­ti­sa­tion cultu­relle. Nous avons réus­si à faire recon­naître qu’il était essen­tiel pour toute ins­ti­tu­tion patri­mo­niale et de créa­tion (musées d’art, de sciences, d’histoire et de socié­té, monu­ments his­to­riques, biblio­thèques, archives, centres d’art, centres de culture scien­ti­fique et tech­nique, centres d’architecture et d’urbanisme, théâtres, centres cho­ré­gra­phiques, orchestres, etc.) que des pro­fes­sion­nels accom­pagnent les publics dans leurs démarches d’appropriation.

Ce n’était pas simple ! Nous avions consta­té que la démo­cra­ti­sa­tion cultu­relle ne pou­vait être lais­sée aux pro­duc­teurs des œuvres, des créa­tions, des savoirs, car ceux-là ont déjà fort à faire pour inven­ter, cher­cher, créer. Nous savions aus­si qu’il ne s’agissait pas seule­ment de com­mu­ni­ca­tion ni de mar­ke­ting et qu’il fal­lait veiller à ne pas assi­mi­ler les œuvres à des « pro­duits » com­mer­ciaux. Nous savions qu’il y allait de la jus­tice et de l’égalité entre tous si l’on vou­lait évi­ter que seuls ceux qui étaient déjà dotés d’un fort capi­tal cultu­rel se sentent concer­nés par les arts, les savoirs scien­ti­fiques et la culture. Nous avons vou­lu for­mer des spé­cia­listes qui auraient pour tâche d’intéresser les per­sonnes à ce que pro­dui­saient les artistes et les cher­cheurs. Nous avons inven­té et déve­lop­pé la « média­tion cultu­relle », un ensemble de métiers qui tra­vaillent à dimi­nuer l’écart entre les publics et les œuvres, qui font cet indis­pen­sable tra­vail de trans­mis­sion. Ce tra­vail ne relève pas seule­ment de l’école mais de toutes les ins­ti­tu­tions de culture, petites et grandes, qui maillent le ter­ri­toire natio­nal et aujourd’hui le ter­ri­toire imma­té­riel de l’Internet.

Cette fonc­tion s’est impo­sée au point que les musées ont recon­nu son uti­li­té en l’inscrivant dans la loi « Musées » de 2002. Alors que les besoins sont immenses, pour­quoi sup­pri­mer aujourd’­hui ces for­ma­tions qui savent pré­pa­rer les pro­fes­sion­nels, dans tous les champs dis­ci­pli­naires, aux enjeux et aux pra­tiques de trans­mis­sion infor­melle ? Com­ment faire abou­tir la réforme des rythmes sco­laires et l’instauration d’un par­cours d’éducation artis­tique et cultu­relle pour tous les élèves sans faire appel à ces pro­fes­sion­nels qui savent faire conver­ger les besoins de l’école et les res­sources des équi­pe­ments cultu­rels ? Faut-il ces­ser de for­mer des média­teurs alors que se mul­ti­plient les dis­po­si­tifs de sen­si­bi­li­sa­tion et de trans­mis­sion pour les­quelles les artistes ou les scien­ti­fiques ne sont nul­le­ment pré­pa­rés ? Va-t-on lais­ser seuls les ensei­gnants face à ces mis­sions, alors qu’ils ont pu consta­ter l’utilité et l’importance des savoir-faire de ces nou­veaux pro­fes­sion­nels ? Va-t-on pure­ment et sim­ple­ment aban­don­ner d’immenses ter­ri­toires dans les­quels n’existent que de petits équi­pe­ments cultu­rels aux moyens affai­blis par les res­tric­tions bud­gé­taires ? Où vont pou­voir se for­mer tous ces jeunes qui veulent mettre en place des pro­jets cultu­rels, auprès des publics « empê­chés » parce qu’ils sont dans des éta­blis­se­ments fer­més (l’hôpital, la pri­son), sont enfer­més dans la mala­die ou le han­di­cap ou parce qu’ils n’y ont jamais eu accès et n’ont pas de famille pour les y inciter?

Sans doute cette jeune pro­fes­sion, qui figu­rait sur la liste des « nou­veaux métiers, nou­veaux emplois » sou­te­nus par l’État en 1997 (autant dire au siècle der­nier) était-elle encore à pré­ci­ser dans ses misions, ses com­pé­tences, ses savoir-faire et ses réfé­rences (socio­lo­gie, his­toire de l’art, com­mu­ni­ca­tion, psy­cho­lo­gie sociale, etc.). Mais c’est pré­ci­sé­ment par cette ouver­ture, cette faible ins­ti­tu­tion­na­li­sa­tion qu’elle pou­vait affir­mer son rôle d’interface et d’attention pour tous les publics, d’intermédiaire efficace.

Plus encore, elle pré­fi­gure de nou­velles façons de trans­mettre, car elle a été le lieu où pou­vaient se construire de nou­velles pra­tiques de for­ma­tion, d’éducation, de sen­si­bi­li­sa­tion. Les lieux cultu­rels, petits et grands, non contrai­gnants, ouverts à tous, met­tant à la dis­po­si­tion de tous les savoirs et les pro­duc­tions de toutes les popu­la­tions (pen­sons aux éco­mu­sées ou aux orchestres ama­teurs) reposent sur ces com­pé­tences variées qu’il est indis­pen­sable de maî­tri­ser pour que fleu­rissent les pro­jets cultu­rels qui sont indis­pen­sables à la construc­tion de cha­cun, dans le sou­ci de l’autre.

Est-ce faute d’avoir pris conscience de l’importance de la média­tion cultu­relle que le minis­tère de l’enseignement supé­rieur a pris la déci­sion de sup­pri­mer ces diplômes ? Jusqu’où fal­lait-il sim­pli­fier ? Les pro­fes­sion­nels de la média­tion et les cher­cheurs ont-il pu se faire entendre ? C’est pour­quoi nous deman­dons tant au minis­tère de l’Enseignement supé­rieur qu’au minis­tère de la Culture de recons­truire les mas­tères de média­tion cultu­relle. La liste parue au Jour­nal Offi­ciel du 11 février 2014 page 2414 — texte n° 21 — Arrê­té du 4 février 2014 témoigne d’un repli sur les dis­ci­plines tra­di­tion­nelles, oublie des champs cultu­rels impor­tants (la pho­to­gra­phie et le desi­gn par exemple), et posi­tionne la média­tion du côté des sciences, en la mêlant à l’information. Or la média­tion n’est pas de l’information.

Si la média­tion cultu­relle reste absente des nomen­cla­tures de for­ma­tion, com­ment sera-t-il pos­sible de for­mer les pro­fes­sion­nels des ser­vices des publics dans les sec­teurs du patri­moine et de la créa­tion ? Com­ment seront for­més ceux qui mettent la science en culture ? Va-t-on assis­ter à un retour en arrière, avec des publics qui ne seront plus accueillis ? Oublie-t-on enfin que la qua­li­té des média­tions dans les ins­ti­tu­tions cultu­relles est pour beau­coup dans leur réus­site et dans leur rayon­ne­ment, auprès de nos conci­toyens et auprès d’un public plus loin­tain, celui des étran­gers qui viennent en France ?

Tous les pays déve­lop­pés ont de tels pro­fes­sion­nels, et ils sont sou­vent au même niveau de res­pon­sa­bi­li­té que les conser­va­teurs (les scien­ti­fiques) et les ges­tion­naires. C’est loin d’être le cas dans notre pays. En res­tau­rant les mas­tères pro­fes­sion­na­li­sant et de recherche à la média­tion cultu­relle, la France pour­rait affir­mer qu’elle ne renonce pas à mettre les publics et les popu­la­tions au centre du tra­vail des ins­ti­tu­tions cultu­relles. Elle don­ne­rait ain­si un conte­nu à l’affirmation tou­jours répé­tée et jamais concrète de la dimen­sion cultu­relle de sa démocratie.

 16 février 2014

Le site de la pétition :

http://www.avaaz.org/fr/petition/Ministre_de_la_culture_et_Ministre_des_enseignements_superieurs_Nous_appelons_a_reconstruire_les_masters_de_mediation_cu/?tqfVSab

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