Le mythe de « la ligne MAGINOT »
Ecrit par Jean-Paul Bourgès, 14 Jan 2016, 1 commentaire
Le 14 janvier 1930, le Ministre de la Guerre, André MAGINOT fit voter par la Chambre des Députés une loi prévoyant la construction d’une ligne de défense sur la frontière nord et orientale de la France, autrement dit de la Manche jusqu’à la Suisse. Papa y travailla en y installant des dispositifs de communication et il portait sur son béret un fier macaron qui proclamait : « On ne passe pas ».
On sait ce qu’il en advint, d’autant que la ligne n’avait pas pu se continuer jusqu’à La Manche et que les panzers allemands surent traverser allègrement les Ardennes.
Si j’évoque cela, c’est parce que j’ai l’impression que, dans nos comportements politiques et quotidiens nous semblons souvent être à la recherche d’une nouvelle ligne MAGINOT à construire. Evidemment, aujourd’hui, on n’en est plus vraiment au stade des casemates en béton hérissées de canons tournés vers l’Allemagne et la notion de défense doit s’adapter à un monde virtuel.
On a connu, principalement au XIXème siècle, une France conquérante et colonisatrice traduite par ces cartes du monde où le rose était présent sur tous les continents (Je ne vante pas le colonialisme en évoquant cela, mais ces politiques manifestaient une grande audace). On a connu une France ouverte sur le monde où Paris, ville lumière, était le lieu majeur des arts, des sciences et des lettres ce qui se traduisait par un caractère extrêmement cosmopolite. On assiste désormais à des soubresauts, hélas guerriers, où l’on est allé mettre la pagaille en Libye, protéger au Mali nos intérêts pour l’uranium du Niger voisin et où l’on croit faire peur à Daesh et à Bachar El ASSAD en Syrie, tout en fermant les yeux sur la présence des Iraniens sur le terrain.
Beaucoup de discours, aussi bien de droite que de gauche, parlent désormais uniquement en terme de protection, de repli sur soi … tandis que nos pratiques quotidiennes sont faites principalement d’imitation et d’obéissance à des concepts extérieurs à nos traditions.
L’un des sujets typiques est, par exemple, celui du modèle social. Nombreux sont ceux, principalement à droite mais aussi dans les cercles du pouvoir (Ce qui illustre nettement leur abandon de la gauche), qui ne prononcent ces mots qu’avec un air dégoûté et honteux de celui qui voudrait pouvoir dissimuler une tare. Se livrer au règles du marché, tout faire pour baisser le coût du travail … ça c’est moderne … alors que ce qui a sauvé les Français d’une débâcle bien pire dans les années de crise dont nous ne sommes pas encore sortis, c’est ce fameux « modèle social ».
Mais un autre aspect est encore plus préoccupant. Si l’on adopte la logique capitaliste et le modèle néo-libéral, un pays doit toujours produire plus et à des coûts plus bas. Ce qui garantit cela de la façon la plus certaine, c’est l’arrivée de travailleurs étrangers qui, contrairement à ce que racontent certains, bénéficient peu de prestations sociales et exercent une pression contribuant à la baisse des salaires. Les Allemands l’ont parfaitement compris et cela se traduit par leur accueil, en 2015, d’un million de migrants et réfugiés. En France le discours politique mais aussi les textes d’écrivains ou de philosophes sont dominés par un barrage à mettre à l’arrivée des étrangers qui est qualifiée d’inondation, d’invasion et même de « grand remplacement ». Je ne crois pas que ce soit pour préserver les travailleurs français ou éviter d’exploiter les immigrés … c’est par peur du lendemain et fuite devant l’investissement.
Sommes-nous donc tellement dans une situation de doute de nous-même que nous ne trouvions pas d’autre voie que celle de la protection tous azimuts contre les vents extérieurs … sauf le vent d’ouest qui est pourtant dans notre pays le vent des tempêtes et des dégâts ?
L’entente franco-allemande qui fut pendant presque cinquante ans la pierre angulaire n’a plus aucune consistance autre que des accords partiels, circonstanciels et dans des postures d’alignement contraint de la France.
L’ensemble des pays européens ne sont plus jamais évoqués que comme des lâcheurs et éventuellement des mauvais exemples à ne pas suivre.
Nous sommes fâchés avec la Russie, regardés avec méfiance par la Chine, ignorés par le Japon.
Quel pays africain nous fait confiance ?
Quant à la politique intérieure elle est encore plus marquée par des attitudes mortifères avec une jeunesse dont il apparaît que le niveau scolaire régresse et que nul ne semble considérer comme adapté aux possibles emplois de demain. Notre agriculture part en quenouille. Il ne nous reste qu’une petite partie de notre industrie. Notre administration, autrefois réputée pour son intégrité, se montre sensible à la corruption, ce qui impose de nombreux contrôles tatillons pour en limiter les débordements.
Ne nous reste-t-il vraiment plus qu’à nous enfermer de tous côtés derrière d’illusoires lignes MAGINOT ?
Battons-nous contre ceux qui nous disent que nous n’avons plus d’avenir. Ne laissons pas les chantres du repli nous conduire à adopter des attitudes déclinistes et suicidaires. Rappelons-nous que c’est toujours après des effondrements que les remontées ont été les plus rapides. Nous le devons à nos enfants, petits-enfants et aux suivants que nous ne verrons pas.
Jean-Paul BOURGЀS 14 janvier 2016
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(Petit troll : voir ma question au troquet)