Journée libre pour la gratitude et la tristesse, contre le retour à l’anormal
Ecrit par Joëlle Le Marec, 20 Mai 2020, 1 commentaire
Le déconfinement a commencé mais quelque chose d’essentiel est en train de manquer. Nous avons ressenti collectivement notre fragilité et nous avons éprouvé, toutes et tous, la reconnaissance due à celles et ceux qui ont pris soin de nos vies pendant toute la période du confinement.
Cette dette partagée a rendu tolérable l’écart insupportable entre celles et ceux dont le rôle était de rester confiné.e.s pour éviter la propagation du Covid 19, et celles et ceux qui s’exposaient pour soigner et maintenir les vies en danger. Elle rendait également désirable et nécessaire la perspective, après le danger, d’une place centrale au souci d’autrui, enfin reconnu, essentiel, pour aller vers une société structurée par les interdépendances.
Nous avons applaudi en sachant bien que cela n’était pas suffisant, car nous projetions dans ce geste un début d’autre chose, un soutien plus engagé dans les luttes menées depuis des mois par les personnels de l’hôpital public qui se sont retrouvés face à des situations insupportables.
Nous avons lu et écouté les chiffres quotidiens, nombre de cas, nombre de victimes, en essayant de réparer le gouffre entre ce qui était une donnée statistique pour les uns et une perte irrémédiable pour les autres, privé de contacts avec leurs proches.
Pendant des semaines, des milliers de personnes ont pris des risques pour les autres, elles n’ont pas été protégées ou si peu. Pendant des semaines des dizaines de milliers de personnes sont mortes, elles ont été privées d’hommage, de funérailles. Ce sont les soignant.e.s qui ont assumé les derniers moments, ce sont elles et eux qui les ont vu mourir.
Les applaudissements se raréfient, le nombre de cas diminue en dépit du nombre toujours très élevé de victimes. Les discours politiques et médiatiques se sont déportés vers la reprise des activités. Nous sortons dans les rues, nous travaillons, le management sort de son trou. Nous nous retrouvons mais nous sommes privés de liberté.
Une inquiétude sourde, vive, collective, nous travaille. Nous sommes tenaillés par l’indignité d’une indifférence possible à ce qui aura été vécu si différemment par les un.e.s et es autres, d’un oubli rapide du nécessaire partage de la dette, des dons, du chagrin, des pertes.
Beaucoup d’entre nous sont parents et/ou enfants de soignants. Certains ont perdu des parents, des proches, des amis. Nous sommes tous collectivement les proches de ceux qui ont pris soin de nous, et nous avons tous perdu collectivement les milliers victimes dont les noms et les visages ne sont pratiquement jamais apparus dans nos médias.
Toute société vivante chérit ses jeunes prend soin de ses aînés, pleure ses morts. Nous ne pouvons supporter de voir à ce point abimés les principes d’une société décente. Mais les rares rassemblements sont interdits et réprimés dans la violence par la police.
Nous exigeons de la part de notre gouvernement qu’il en finisse avec la démagogie et la brutalité infligée l’hôpital public, qu’il reconnaisse sa dette à l’égard de la population qui a fait face, qu’il garantisse des conditions de travail et d’étude décentes, un minimum de respect face à l’ampleur de ce qui est fait et subi.
Nous exigeons également de pouvoir nous réunir, toutes celles et tous ceux qui le souhaitent, lors d’une journée d’expression collective de notre gratitude, de notre tristesse, de nos aspirations. Nous souhaitons que cette journée soit l’occasion, enfin, de reconnaître et éprouver l’importance majeure des solidarités qui nous font vivre.
Nous demandons aussi à la justice qu’elle veille sur la population, la protège, fasse droit aux demandes de justice et à celles et ceux qui se tournent vers elle, rétablisse le sens des responsabilités, fasse respecter les libertés.
Ton texte date de mai… Je le lis en septembre…
Entretemps, l’attitude du gouvernement et du monarque ne s’est guère améliorée…
C’est que ce n’est pas d’eux qu’il faut attendre quelque chose, mais de nous…