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Défense des qualifications au CNU : amère victoire… face à une loi qui prolonge le démantèlement du service public
28 juin 2013 Réflexions et actions
Je suis professeur des universités en Sciences de l'information et de la communication.

Je travaille sur les relations entre nature, savoirs et sociétés, sur la patrimonialisation de l'environnement, sur les discours à propos de sciences, ainsi que sur la communication dans les institutions du savoir et de la culture. Au plan théorique, je me situe à l'articulation du champ de l'ethnologie et de la sémiotique des discours.

Sinon, dans la "vraie vie", je fais aussi plein d'autres choses tout à fait contre productives et pas scientifiques du tout... mais ça, c'est pour la vraie vie !
Igor Babou
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Un texte envoyé par Jérôme Valluy :
L’a­men­de­ment n°6 sup­pri­mant les qua­li­fi­ca­tions par éva­lua­tion des tra­vaux scien­ti­fiques et péda­go­giques au Conseil Natio­nal des Uni­ver­si­tés a été reti­ré, grâce à la mobi­li­sa­tion immé­diate de la com­mu­nau­té uni­ver­si­taire pour défendre cette forme d’é­va­lua­tion intel­li­gente ain­si que la cen­taine de dis­ci­plines scien­ti­fiques et péda­go­giques  repré­sen­tées au Conseil Natio­nal des Uni­ver­si­tés : 16 000 signa­tures de la péti­tion natio­nale en 48 heures, des dizaines de com­mu­ni­qués d’or­ga­ni­sa­tions syn­di­cales et d’ins­tances scien­ti­fiques. Vic­toire ! …est-ce une victoire ?
Amère vic­toire pour les étu­diant-e‑s et leurs familles pour qui, par ailleurs, cette loi LRU‑2 main­tient les orien­ta­tions délé­tères fixées par le gou­ver­ne­ment pré­cé­dent de déman­tè­le­ment du ser­vice public natio­nal d’en­sei­gne­ment supé­rieur. Les pro­messes élec­to­rales de pré­ser­va­tion bud­gé­taire du sec­teur de l’é­du­ca­tion natio­nale ne sont pas tenues dans le supé­rieur : sous le sub­ter­fuge de “l’au­to­no­mie” des dizaines d’u­ni­ver­si­tés sont mises en faillites par sous-dota­tion bud­gé­taire. Ce sont deux mil­lions d’é­tu­diant-e‑s et les familles les plus dépen­dantes du ser­vice public, qui sont vic­times de ces poli­tiques : vic­times des coupes dans l’offre de for­ma­tion et volumes horaires ensei­gnés ; vic­times pour leur accueil des restruc­tu­ra­tions de ser­vices admi­nis­tra­tifs et docu­men­taires ; vic­times pour leur enca­dre­ment péda­go­gique des gels de postes d’enseignants.
Amère vic­toire pour les ensei­gnants-cher­cheurs : il res­te­ra de cet épi­sode la trace d’une nou­velle attaque contre les sta­tuts natio­naux et contre une forme d’é­va­lua­tion intel­li­gente basée sur la com­pé­tence scien­ti­fique et péda­go­gique de celles et ceux qui l’exercent ain­si que sur le plu­ra­lisme que per­met leur élec­tion au scru­tin pro­por­tion­nel par l’en­semble des ensei­gnants-cher­cheurs, dans chaque dis­ci­pline scien­ti­fique et péda­go­gique, sur listes libre­ment consti­tuées. Après des années de pro­pa­gande poli­tique pour faire croire à la popu­la­tion que les ensei­gnants-cher­cheurs ne sont pas éva­lués… quelle éton­nante attaque poli­tique contre le seul sys­tème d’é­va­lua­tion qui vaille, des bio­lo­gistes par des bio­lo­gistes, des socio­logues par des socio­logues, des phar­ma­ciens par des phar­ma­ciens… et cela pour des cen­taines de dis­ci­plines qui ne peuvent être ain­si repré­sen­tées qu’au niveau national.
Amère vic­toire pour tous les fran­çais de plus en plus nom­breux à com­prendre ce que “auto­no­mie” & “régio­na­li­sa­tion” des uni­ver­si­tés signi­fie : déman­tè­le­ment du ser­vice public uni­ver­si­taire natio­nal par désen­ga­ge­ment finan­cier de l’État ; dilu­tion des res­pon­sa­bi­li­tés poli­tiques de ces mises en faillites entre de mul­tiples déci­deurs qui pour­ront se ren­voyer la balle ; subor­di­na­tion poli­tique crois­sante du fonc­tion­ne­ment des uni­ver­si­tés aux acteurs locaux, poli­ti­ciens et entre­prises ; ren­for­ce­ment des inéga­li­tés ter­ri­to­riales et sociales, pour la plus large par­tie de la popu­la­tion qui ne trou­ve­ra plus à proxi­mi­té les pos­si­bi­li­tés sou­hai­tées de for­ma­tion supé­rieure et devra renon­cer à ce niveau de for­ma­tion (les baisses d’ins­crip­tions sont déjà per­cep­tibles) ou assu­mer des coûts exor­bi­tants pour faire des études au loin.

Nous sommes arri­vés aujourd’­hui à défendre le sta­tut natio­nal d’en­sei­gnant-cher­cheur mais nous sommes loin de par­ve­nir à défendre un ser­vice public natio­nal gra­tuit, laïque et indé­pen­dant d’en­sei­gne­ment supé­rieur et de recherche… tou­jours en cours de déman­tè­le­ment sous les poids conju­gués des idéo­lo­gies néo-libé­rales inter­na­tio­nales et des replis égo­cen­triques ou clien­té­listes régionalistes.

Un véri­table chan­ge­ment pro­gres­siste de poli­tique publique néces­site  l’élaboration d’un sché­ma natio­nal d’enseignement supé­rieur et de recherche pour assu­rer une offre de for­ma­tion  diver­si­fiée, hors de toute spé­cia­li­sa­tion des ter­ri­toires, afin de favo­ri­ser l’égal accès de tous à l’enseignement supé­rieur, lut­ter contre la déser­ti­fi­ca­tion des ter­ri­toires et l’accroissement des inéga­li­tés sociales. La ré-éta­ti­sa­tion de la masse sala­riale et la ges­tion natio­nale des per­son­nels s’im­posent pour main­te­nir au plus haut niveau la qua­li­té du ser­vice public d’ESR ouvert à tous les citoyens, dans toutes les régions. L’indépendance des uni­ver­si­tés vis à vis des acteurs poli­tiques et éco­no­miques est vitale : la péda­go­gie et la science doivent être libres et la loi doit ren­for­cer ces liber­tés aca­dé­miques essen­tielles. Pour tout cela… tout reste à faire et il faut se battre.

Bien cor­dia­le­ment, Jérôme Val­luy — 26 juin 2013

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