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De la destruction de l’enseignement supérieur à la militarisation de la recherche : les avancées de l’humanisme “socialiste” (à lire sur SLU)
12 février 2014 Réflexions et actions
Je suis professeur des universités en Sciences de l'information et de la communication.

Je travaille sur les relations entre nature, savoirs et sociétés, sur la patrimonialisation de l'environnement, sur les discours à propos de sciences, ainsi que sur la communication dans les institutions du savoir et de la culture. Au plan théorique, je me situe à l'articulation du champ de l'ethnologie et de la sémiotique des discours.

Sinon, dans la "vraie vie", je fais aussi plein d'autres choses tout à fait contre productives et pas scientifiques du tout... mais ça, c'est pour la vraie vie !
Igor Babou
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A lire sur Sau­vons L’U­ni­ver­si­té, cet article qui fait froid dans le dos quant à la concep­tion du savoir qui pré­side en ce moment aux des­ti­nées de l’en­sei­gne­ment supé­rieur et de la recherche fran­çaise (ou de ce qu’il en reste après les assauts concer­tés des capo­raux Pécresse et Fio­ra­so, agents infil­trés de l’Or­ga­ni­sa­tion Fran­çaise de Des­truc­tion Mas­sive du Savoir) :

http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article6590

Mais qui donc cherche à détruire la recherche fran­çaise ? Lieu­te­nant Colo­nel Marie-Georges Picquart

Some guard these trai­tors to the block of death, Treason’s true bed and yiel­der up of breath.” (Hen­ry IV, part II, IV, ii)

La recherche fran­çaise n’était pas encore assez mal­me­née par les réformes à jet conti­nu, ni l’activité des cher­cheurs assez entra­vée par la mul­ti­pli­ca­tion des tâches bureau­cra­tiques. Voi­ci que, s’emparant d’une pos­si­bi­li­té encore inex­ploi­tée du code pénal, et sous cou­leur de pro­té­ger le « poten­tiel scien­ti­fique et tech­nique » de la nation, des mili­taires du secré­ta­riat géné­ral de la défense et de la sécu­ri­té natio­nale ont entre­pris de pla­cer sous leur sur­veillance directe l’ensemble de la recherche scien­ti­fique publique (hors lit­té­ra­ture, sciences humaines et sociales… pour l’instant*).

L’un après l’autre, les labo­ra­toires sont clas­sés en zones à régime res­tric­tif (ZRR) : contrôle phy­sique des accès aux locaux, horaires régle­men­tés, publi­ca­tions et sujets de sémi­naires sou­mis à accord préa­lable, contrats blo­qués, recru­te­ments refu­sés, obs­tacles à l’accueil des col­lègues étran­gers et des étu­diants etc.

En bonne logique mili­taire ce sont les direc­teurs de labo­ra­toires qui, deve­nus chefs d’escadron, sont char­gés de la mise en œuvre du zonage dans leur « uni­té ». Hélas ! Ils ne se doutent pas encore des sanc­tions pénales aux­quelles ils s’exposeront lorsque— ce qui arri­ve­ra néces­sai­re­ment s’ils veulent pré­ser­ver un mini­mum d’activité scien­ti­fique dans leur labo — ils appli­que­ront de façon jugée trop laxiste les règles absurdes dic­tées par la para­noïa de fonc­tion­naires sécu­ri­té défense dépour­vus de toute culture scien­ti­fique. Gageons que quelques-uns auront bien­tôt la sur­prise de se voir condam­nés sans même savoir pour­quoi (secret défense oblige), ne serait-ce que pour ser­vir d’exemple aux autres et ache­ver de ver­rouiller le dispositif.

Cui Pro­dest ?

À l’exception des cabi­nets minis­té­riels et de quelques mili­taires, admi­ra­teurs attar­dés du ser­gent Magi­not, tout le monde sait bien qu’on ne peut pas faire pros­pé­rer la recherche en atmo­sphère confi­née dans un réseau de case­mates, où elle s’étiolera et mour­ra très rapi­de­ment. Alors, bêtise ou haute tra­hi­son ? Cer­tai­ne­ment une enquête s’impose pour déter­mi­ner si cette idée insen­sée a ger­mé toute seule dans le cer­veau des déci­deurs… ou si elle y a été implan­tée par des agents de l’étranger dans le but de rui­ner notre recherche scientifique.

Article 410–1 du code pénal Les inté­rêts fon­da­men­taux de la nation s’entendent au sens du pré­sent titre de son indé­pen­dance, de l’intégrité de son ter­ri­toire, de sa sécu­ri­té, de la forme répu­bli­caine de ses ins­ti­tu­tions, des moyens de sa défense et de sa diplo­ma­tie, de la sau­ve­garde de sa popu­la­tion en France et à l’étranger, de l’équilibre de son milieu natu­rel et de son envi­ron­ne­ment et des élé­ments essen­tiels de son poten­tiel scien­ti­fique et éco­no­mique et de son patri­moine culturel.

Article 411–6 du code pénal : Le fait de livrer ou de rendre acces­sibles à une puis­sance étran­gère, à une entre­prise ou orga­ni­sa­tion étran­gère ou sous contrôle étran­ger ou à leurs agents des ren­sei­gne­ments, pro­cé­dés, objets, docu­ments, don­nées infor­ma­ti­sées ou fichiers dont l’exploitation, la divul­ga­tion ou la réunion est de nature à por­ter atteinte aux inté­rêts fon­da­men­taux de la nation est puni de quinze ans de déten­tion cri­mi­nelle et de 225 000 euros d’amende.


* Puisque le « patri­moine cultu­rel » figure au nombre des « inté­rêts fon­da­men­taux de la nation », au même titre que son poten­tiel scien­ti­fique et tech­nique (article 410–1 du code pénal), il n’est pas dif­fi­cile de devi­ner où se por­te­ra bien­tôt la bien­veillante pro­tec­tion des fonc­tion­naires sécu­ri­té défense.

Nous ne sommes pas dans un roman d’Or­well, ni dans une dic­ta­ture fas­ciste, mais bien dans la France de 2014… Pen­dant ce temps, les racistes, sexistes et réac­tion­naires de tout poil battent le pavé, com­plai­sam­ment relayés par des médias ser­viles. Tout va donc pour le mieux dans le meilleurs des mondes. Et les intel­lec­tuels, muse­lés par la bureau­cra­tie, n’ont rien de plus urgent que de gérer de manière bou­ti­quière leur petit pré-car­ré ins­ti­tu­tion­nel : cha­cun vaque donc à ses minables occu­pa­tions, comme sau­ve­gar­der son petit dépar­te­ment de for­ma­tion, rem­plir ses cases chif­frées dans les tableaux de l’AERES, comp­ter ses publi­ca­tions, etc. La démo­cra­tie est en dan­ger ? L’u­ni­ver­si­té est asser­vie aux exi­gences de poli­ti­ciens et de bas­sins d’emplois locaux ? Elle n’a plus aucune marge de liber­té aca­dé­mique ? On s’en fiche, l’ur­gence est de per­ce­voir la taxe d’ap­pren­tis­sage et de com­prendre l’ar­rê­té ESRS1402516A fixant la nomen­cla­ture des men­tions du diplôme natio­nal de mas­ter, sinon nos maîtres éva­lua­teurs ne vont pas être contents ! Morale d’esclaves !

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