Surveiller et punir : Un dispositif scientifique de liquidation de la pensée déviante (Réponse à l’appel d’offre « Veille de l’opinion »)
Ecrit par Igor Babou, 24 Fév 2009, 2 commentaires
Voici ma réponse à l’appel d’offre « Veille de l’opinion » du Ministère de l’Amour du Savoir et de la Libre Pensée
Proposé par :
Laboratoire d’Ergonomie de la Connaissance Pure (Université Autonome de l’Élysée, janvier 1984)
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Table des matières
- Objectifs
- 1. Diagnostic scientifique de la situation politique et morale française
- 2. Problématique : liquider la pensée déviante
- 3. Approche : rationnelle et participative
- Matériels et méthodes
- 1. Identifier la liste des thèmes stratégiques à liquider
- 2. Identifier et analyser les sources stratégiques ou structurant l’opinion
- 3. Repérer les leaders d’opinion, les lanceurs d’alerte et liquider leur potentiel d’influence et leur capacité à se constituer en réseau : proposition de création d’une Agence Nationale de la Raison
- 4. Éliminer les sources des débats et surveiller leurs modes de propagation : du dispositif Darkoz Plus au concept de « Sur-propagation de l’approbation »
- 5. Repérer les informations signifiantes (en particulier les signaux faibles)
- Conclusion
Objectifs
1. Diagnostic scientifique de la situation politique et morale française
La situation morale et politique française est préoccupante. Les éléments anarcho-autonomes se multiplient dans nos universités tandis que les étrangers n’attendent qu’un signe de faiblesse de notre part pour s’installer dans nos entreprises livrées depuis trop longtemps à des syndicats manipulés par l’Anti-France.
Dans les campagnes, d’odieux quarterons écologistes détruisent le produit des patients efforts de la recherche fondamentale soutenue par la industrie génétique française. Au cœur de nos villes, les foyers d’agitation sont nombreux : des étudiants manipulés par des groupuscules d’extrême gauche, aidés par des enseignants abusant du droit de grève et ayant perdu le sens des valeurs morale de la France qui aime le Travail, respecte la Famille et défend la Patrie, s’arment et menacent la bonne santé économique et le moral des ménages. Les peuples du sud, issus d’aires géographiques surpeuplées et soumises à un climat caniculaire peu propice à l’émergence de la Raison Universelle, n’ayant jamais réussi à entrer dans l’Histoire de la Civilisation que l’Occident a écrite pour eux avec tant de générosité depuis dix siècles, menacent d’attenter à nos intérêts économiques en envoyant en masse leurs ressortissants en direction de nos frontières. De dangereux malfaiteurs se cachent dans des hôpitaux psychiatriques avec la complicité de médecins droits-de‑l’hommistes.
L’heure est donc grave, et l’État, prenant la pleine mesure de ses responsabilités, souhaite agir efficacement pour le confort et la sécurité de tous. C’est pourquoi nous nous réjouissons que le Ministère de l’Amour du Savoir et de la Libre Pensée, dans sa grande bienveillance et manifestant ainsi la suprématie de la Raison, nous donne l’opportunité de contribuer à l’effort de redressement des valeurs morales du pays, Conscients du devoir qui est le notre de servir la Patrie et l’Ordre Moral qui la fonde, nous entendons nous soumettre avec abnégation à cet appel.
2. Problématique : liquider la pensée déviante
Si le pays est en danger, c’est aussi parce qu’au sein de son système d’enseignement supérieur et de recherche se sont développés les germes de la décadence qui ont conduit au désordre actuel. Il est donc urgent d’établir un diagnostic clair de la situation afin d’agir avec force pour restaurer l’autorité de l’État en butte aux attaques incessantes de groupuscules d’intellectuels dont l’objectif n’est que trop évident. Tel le soleil s’élevant au dessus de l’horizon par un matin calme avant la bataille, notre Chef Suprême, vaillamment aidé de ses glorieux Ministres, nous montre le chemin d’une Révolution Nationale que nous soutiendrons avec enthousiasme en nous appuyant sur les données de la science. Armés des faits incontestables que nous fournissent l’analyse statistique de corpus de données et grâce au travail des chercheurs d’excellence regroupés dans les laboratoires disciplinés par l’Agence Nationale de la Recherche, nous avons élaboré une problématique claire : surveiller et punir afin de liquider la pensée déviante qui gangrène l’université et la recherche. Il est temps en effet de faire le ménage, et d’en finir avec un intellectualisme vain et négatif. La seule pensée qui compte est celle de notre Chef bien aimé. Ainsi nous ferons advenir une Science Pure et un Enseignement Supérieur Régénéré qui durera mille ans.
3. Approche : rationnelle et participative
L’approche mise en œuvre combinera l’efficacité des technologies de la Raison (bases de données informatisées, indicateurs, grilles, etc.) et l’ouverture citoyenne aux démarches participatives : chacun sera appelé à contribuer en s’appropriant les moyens mis à sa disposition par les meilleurs spécialistes pour participer aux veilles d’opinion, dans une démarche non plus descendante mais « bottom up », des citoyens ordinaires vers les laboratoires et les centres d’information. Cette démarche permettra d’éviter que n’importe quel intellectuel ou pseudo savant s’arroge le droit d’occuper des places publiques pour émettre des avis qui ne concernent que lui.
Matériels et méthodes
1. Identifier la liste des thèmes stratégiques à liquider
Les thèmes stratégiques qu’il est urgent de surveiller et de dénoncer aux services chargés de leur liquidation sont faciles à identifier. Nous avons établi des listes. En effet, nul n’ignore que la liste est un outil essentiel à la bonne gestion d’un État rationnel et bien organisé planifiant la restauration de l’Ordre Intérieur.
Voici donc une première liste, établie par les chercheurs de nos laboratoires. Nous y adjoignons une définition ainsi qu’un indicateur de niveau de dangerosité pour la Nation. D’autres listes suivront : nos agents aiment les listes autant qu’ils aiment leur Chef.
Nom |
Définition |
Niveau de dangerosité |
Marxisme |
Secte russe |
Extrême : à liquider d’urgence. |
Philosophie |
Secte grecque |
Extrême : à liquider d’urgence. |
Sociologie |
Groupuscule anarchosyndicaliste |
Extrême : à liquider d’urgence |
Histoire |
Syndicat du passé |
Important : légiférer sur. La seule histoire acceptable est celle écrite par notre Chef. |
Éducation |
Fantasme archaïque |
Important : à traiter avant l’entrée à la maternelle. |
Communication |
Dispositif technique |
Important : à surveiller. La seule communication acceptable est la communication politique de notre Chef. |
Économie |
Doctrine marxiste |
Extrême : à démarxiser. |
Bien commun |
Idéologie surannée |
Important : à liquider. |
Service public |
Lieu d’aisance |
A traiter au Kärsher. |
Étudiant |
Espèce en voie de disparition |
A liquider s’il n’adhère pas aux idées de notre Chef. |
Professeur |
Fonctionnaire soumis |
A évaluer périodiquement. En cas de non adhésion aux idées de notre Chef, à liquider. |
Pensée |
Lubie monomaniaque |
A interdire. |
Critique |
Cancer du cerveau |
Extrême : à liquider d’urgence. |
Liberté |
Concept relatif |
Important : à remplacer par « libre échange » |
Question |
Phrase inutile |
Extrême : à interdire. |
Internet |
Câble électrique |
Extrême : à couper en cas d’urgence. Remplacer par la télévision. |
Université |
Bâtiment encombrant |
Extrême : à détruire et à remplacer par des agences d’innovation sous contrat avec les entreprises. |
Recherche |
Moteur de l’économie |
Extrême : y interdire tout questionnement. La seule recherche acceptable est celle dictée aux entreprises par notre Chef. |
Doctorat |
Tas de papier sans intérêt |
A brûler. |
Diplôme |
Tas de papier sans intérêt |
A brûler sauf les diplômes de l’École Supérieure de Commerce et de l’École Nationale d’Administration. |
Livre |
Sert à caler les pieds du lit de notre Chef bien aimé |
A brûler. Ne garder que les livres de notre Chef préfacés par Gianfranco Finni. |
2. Identifier et analyser les sources stratégiques ou structurant l’opinion
Une seule source d’information a la légitimité de structurer une opinion positive et éclairée. Cette source bien aimée, nous la connaissons par cœur, car c’est la Parole Sacrée de notre Chef, transmise quotidiennement par la Télévision. Toutes les autres sources sont corrompues, il est de notre devoir de les éliminer.
C’est pourquoi nous préconisons une solution simple et radicale : interdire tout autre média que la Télévision. Mieux, nous suggérons de regrouper les forces médiatiques télévisuelles existantes dans un seul et unique organisme afin de lui donner une plus grande lisibilité tant au plan intérieur qu’à l’international. Une réforme structurelle de l’audiovisuel s’impose donc : il s’agira de couper les branches pourries, et de réunir les acteurs zélés de la transmission correcte de la parole d’airain de notre Chef en un seul lieu, qui sera mis à disposition des journalistes par le service de communication de l’armée. Ce lieu, placé sous la bienveillante surveillance d’un Comité de Salut National Militaire aura à cœur de donner l’image positive que nos concitoyens sont en droit d’exiger aujourd’hui de leurs ministères, en particulier du Glorieux Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Nationale.
3. Repérer les leaders d’opinion, les lanceurs d’alerte et liquider leur potentiel d’influence et leur capacité à se constituer en réseau : proposition de création d’une Agence Nationale de la Raison
Un leader fort, un peuple uni, une dynamique participative : tel est l’objectif pour lequel il nous faut une feuille de route claire. C’est pourquoi, plus qu’une activité de suivi des discours à propos du Ministère, nous proposons une Brigade d’Intervention Rapide chargée d’une part de la collecte participative des informations et des opinions des citoyens et d’autre part de l’élimination des lanceurs d’alerte, ces prétentieux qui s’arrogent le droit de dicter aux autres ce qu’il faut penser. Si nous devons agir dans un monde incertain, faisons-le armés de certitudes : nous avons la Raison de notre côté ! Nous suggérons donc humblement à notre Ministère et à son Chef de baptiser cette brigade d’intervention de la manière suivante : Agence Nationale de la Raison.
Sous commandement militaire, l’Agence Nationale de la Raison aura pour charge de repérer, grâce à un système d’appels d’offres judicieusement adapté, les thèmes dégénérés qui subsisteraient encore au sein de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Nationale. Le principe stratégique de cette démarche est simple : utilisons la liste des thèmes dégénérés présentée plus haut et déduisons-en une série d’appels d’offre dégénérés. En parallèle, l’Agence Nationale de la Raison, sous contrôle du Gouvernement Militaire de la Région de Vichy, rédigera la série des thèmes fondateurs de la Science Pure et Efficace. Grâce à cet ingénieux stratagème, l’Agence Nationale de la Raison aménagera un dispositif de tri sélectif : d’un côté, les déchets de la pensée qui opèreraient encore dans nos institutions, de l’autre les combattants de l’Union pour un Monde Pluraliste.
4. Éliminer les sources des débats et surveiller leurs modes de propagation : du dispositif Darkoz Plus au concept de « Sur-propagation de l’approbation »
Un seul débat doit subsister dans l’université et la recherche : approuvons-nous vigoureusement ou approuvons-nous avec vigueur les positions défendues par notre Chef et relayés par ses Ministres ? En conséquence, le Ministère encourage le débat participatif concernant cette problématique morphosyntaxique, qui donnera en outre lieu à de passionnantes conférences de linguistes et dictionnaristes autour de l’étymologie du concept d’« approbation ». La réunion du peuple et des savants se fera sur des enjeux de précisions et d’intensité cognitive, et non sur les brumeux développements qui ont envahi les bibliothèques.
Les règles du débat public universitaire étant ainsi fixées, il ne reste plus qu’à surveiller leurs modes de propagation. Mais la surveillance, en dépit de ses succès historiques attestés, constitue une réponse trop timide face aux défis auxquels notre Chef nous invite à faire face. C’est pourquoi, conscients des responsabilités qui sont les nôtres, et anticipant avec humilité une pensée que notre Ministère a déjà formulée en son for intérieur mais qu’il lui plaît de nous voir deviner afin de mettre à l’épreuve notre perspicacité et notre capacité à la démarche participative, nous nous permettons de suggérer ceci : puisque d’une part nous aurons, grâce à l’Agence Nationale de la Raison, trié le bon grain universitaire de l’ivraie critique, et puisque d’autre part nous avons défini que seul le débat sur les modalités énonciatives de l’approbation vigoureuse de la parole de notre Chef devait subsister, pourquoi ne pas fusionner le concept de « surveillance » avec celui de « propagation » ? En effet, rien ne serait plus simple que d’installer dans chaque amphithéâtre universitaire, dans chaque salle de cours, dans chaque lieu de séminaire ou de colloque, bref dans chaque lieu où risquerait de s’instaurer un débat critique et une réflexion dégénérée, un téléviseur diffusant en continu la Parole Sacrée de la Vérité Vraie proférée par notre Chef ? De plus, il est aujourd’hui techniquement fort simple de doter ces téléviseurs de caméras digitales reliées à un dispositif de suivi de regard et d’enregistrement du mouvement des lèvres et des regards. Grâce à ce dispositif, nous serons en mesure tout à la fois d’informer régulièrement les universitaires et chercheurs des réformes en cours et de la mise à jour régulière des thèmes de discussion autorisés par l’Agence Nationale de la Raison, et d’évaluer en temps réel la réception de cette information. En effet, grâce à la Grammatologie Approbatrice Consensuelle du Regard mise au point par le Professeur Von Bouygues du Laboratoire d’Approbation Constructiviste de Paris, il est possible de vérifier le degré d’attention visuelle avec lequel un individu regarde un téléviseur [1] . En fonction de ce degré d’attention, diverses réponses peuvent être déclenchées. Par exemple, le Laboratoire d’Universalisation de l’Approbation et des Nanotechnologies au Service de la Captation de l’Attention du Public de L’Université Autonome Privée de l’Élysée II, vient de mettre au point une puce RFID qui, une fois greffée dans le cerveau de chaque universitaire ou de chaque chercheur, est capable de produire une décharge électrique ciblée sur les neurones responsables dans le cerveau humain, de l’approbation due au discours d’autorité [2] . En parallèle, le professeur Darkoz a théorisé un système de suivi du mouvement des lèvres qui permet de reconstituer avec une probabilité de 95,7 % le contenu d’un discours énoncé à voix basse et ne pouvant pas être capté par des moyens conventionnels de renseignement [3] . Grâce à ce dispositif, déjà commercialisé en Chine, en Syrie et en Iran et appelé « Darkoz Plus », nous sommes certains de pouvoir réagir en temps réel dans tous les cas où un individu soumettrait, par exemple à son voisin, une critique ou un doute quant à la Véracité et au Bien Fondé de la Parole Sacrée de nos Chefs et de leurs Glorieux Ministères.
C’est pourquoi, armés de ces faits positifs et de ces modèles comportementaux, nous avons élaboré le concept de « sur-propagation de l’approbation » en combinant les apports de la surveillance et de la propagation et en les mettant au service de l’approbation. Le schéma suivant modélise, en le simplifiant, les différentes phases de ce concept :
Figure 1 : les phases du concept de « sur-propagation de l’approbation »
La figure A indique la zone du sujet à conquérir : son cerveau, et sa volonté. En B, nous montrons clairement que le sujet a maintenant un objectif cognitif défini : fermer les yeux et obéir aveuglément à la Parole Vraie de notre Chef et de son Ministère. En C, nous montrons comment l’apparent paradoxe d’une soumission aveugle à la Parole Sacrée peut se réaliser dans un contexte d’attention soutenue à l’image télévisuelle : grâce à l’implant RFID des professeurs Brünni et Darkoz. En D, nous voyons l’objectif que nous nous sommes fixés : un sourire joyeux orne maintenant le visage réjoui du sujet, transporté d’admiration devant l’expression de la Raison Gouvernementale. En E, F et G, nous indiquons quelques une des attitudes typiquement dégénérées que le dispositif Darkoz Plus permet de repérer.
La figure suivante permet de constater que notre dispositif fonctionne même lorsque le sujet récalcitrant cligne de l’œil, attitude manifestement régressive et dégénérée, expression d’un humour douteux qu’un État civilisé ne saurait admettre de la part de ses fonctionnaires :
Figure 2 : Grâce à Darkoz Plus et au concept de « sur-propagation de l’approbation », les sujets récalcitrants cessent de récalcitrer
En effet, en situation expérimentale, grâce à Darkoz Plus et au concept de « sur-propagation de l’approbation », le sujet dégénéré tentant de résister à la Parole Vraie de notre Chef (figuré à l’extrême droite du schéma, car là est sa place) en fermant son œil gauche, finit par reconnaître la suprématie de la Raison Gouvernementale. On le voit en effet lever le doigt droit, montrant ainsi qu’il va suivre la bonne direction indiquée par notre Chef, direction qui consiste à penser droit et à suivre les ordres au doigt et à l’œil.
5. Repérer les informations signifiantes (en particulier les signaux faibles)
Les signaux faiblement signifiants constituent un défi scientifique d’importance majeure pour tout dispositif de surveillance généralisé de la pensée. D’où l’enjeu déjà pointé plus haut d’établir comme seul thème de débat acceptable la dispute entre « approuver vigoureusement » et « approuver avec vigueur » les directives de notre Chef bien aimé. Ce dispositif de régulation du débat public universitaire, s’il est implémenté avec force, permettra alors de discriminer avec finesse le niveau d’insignifiance de l’expression des universitaires et des chercheurs, attendu qu’un État planifiant correctement des réformes d’envergures ne saurait attendre d’autres niveaux d’expression de la part de ses fonctionnaires qu’un niveau très élevé d’insignifiance de leur part. Autrement dit, plus les chercheurs et les universitaires français prendront la parole avec insignifiance, moins ils transmettront d’informations susceptibles d’égarer sur le chemin d’une pensée critique les chères têtes blondes dont notre Nation a besoin. L’objectif à atteindre est donc celui d’une Tolérance Zéro à la signifiance : les universitaires et les chercheurs doivent produire des signaux parfaitement désambigüisés, c’est çà dire totalement insignifiants. Ce n’est qu’à ce prix que nous conquerrons la première place au Classement de Shanghai qui récompense les formations les plus insignifiantes de la Planète.
Le laboratoire de Neurologie Cognitive Positive de l’Université Autonome de l’Élysée I a élaboré ces dernières années une grammatologie des attitudes attendues des fonctionnaires insignifiants. Un léger transfert conceptuel au champ de l’enseignement supérieur sera nécessaire pour que chaque universitaire et chaque chercheur devienne, à terme, aussi insignifiant que possible. Mieux, nous ne cacherons pas notre ambition, notre rêve, et nos espoirs : un universitaire totalement insignifiant !
La figure suivant montre un niveau d’expression de l’insignifiance chez un fonctionnaire sorti de l’École Nationale d’Administration :
Figure 3 : fonctionnaire servile
Notez, dans la figure 3, comment le fonctionnaire exprime son insignifiance à l’aide d’une sémantique simple : dos légèrement incliné vers son Chef en signe de soumission, et mains à l’horizontale dans un léger signe d’apaisement. C’est ainsi que nous souhaitons voir se comporter les chercheur et les universitaires dorénavant.
La figure suivante montre à quel degré d’insignifiance on peut arriver par des méthodes de suggestion appuyées sur les récentes avancées de l’innovation en matière de nanotechnologies. La figure 4 montre en effet l’activité d’un chercheur en sciences humaines et sociales dans son laboratoire après la greffe dans son cerveau de la puce nano-optique « Bellocks VI ». Son pied gauche décrit une courbe d’environ 3 centimètres vers l’intérieur du corps, de manière à bien indiquer à son supérieur hiérarchique qu’il n’a pas l’intention de fuir aux États-Unis ni de suivre la piste d’une pensée critique dégénérée : s’il s’avançait sur ce chemin dangereux, il ne pourrait que tomber. Ensuite, comme on le voit bien sur la figure, il frotte ses ongles contre sa chemise de haut en bas en décrivant un léger arc de cercle d’une circonférence de 5 centimètres. Il exprime ainsi l’insignifiance à la fois de son travail, de sa production, et de ses attentes en matière salariale, répondant parfaitement au programme implémenté dans la puce Bellocks VI à la demande de l’Agence Nationale de la Raison.
Figure 4 : expression de l’insignifiance soumise de la part d’un chercheur
Nous signalons au lecteur que ce chercheur, depuis sa greffe, a vu l’insignifiance de sa production scientifique saluée par l’augmentation de son Facteur H d’un ½ point. De même, son master « Gestion innovante des connaissances au profit des entreprises » a été indexé par l’Université de Shanghai et a été saluée comme « suffisamment insignifiant pour être oublié » par le Recteur de l’Académie de l’Élysée, Madame Walkyrie Détresse.
Conclusion
L’analyse attendue des principaux arguments, des critiques et des tendances, à partir du corpus défini, tous les canaux étant pris en compte, donnera lieu à des notes de synthèse (rapport quotidien, note de synthèse hebdomadaire, cartographie commentée des acteurs et débats en présence).
Plus particulièrement en matière de veille Internet, l’analyse permettra un suivi précis de l’évolution de l’opinion internaute et des arguments émergents relayés et commentés sur ce canal.
Clé de voûte du dispositif de veille, le passage en « mode alerte » visera à transmettre systématiquement les informations stratégiques ou les signaux faibles susceptibles de monter de manière inhabituellement accélérée. Les notes de veille pourront porter ou sur l’ensemble des canaux (média traditionnels et Internet formel et informel) ou être limitées à l’internet.
Les vidéos, pétitions en ligne, appels à démission, seront suivis avec une attention particulière et signalées en temps réel.
L’université va bien, tout va bien. La lutte est terminée. L’université a remporté la victoire sur elle-même. Elle aime son ministère.
[1] Von Bouygues, H. Principes et méthodes pour mesurer l’attention télévisuelle d’un sujet moyen au discours de vérité de notre Chef. Paris : Presse Universitaires de l’Élysée, 2008.
[2] Brünni, Karl. Usages sécuritaires des nanotechnologies dans le cadre de l’obtention de l’adhésion sans réserve au discours d’autorité par électrostimulation du cerveau : puces RFID et politique. Revue Élyséenne de sciences politiques et nanotechnologiques, Volume 152 n° 13, Juin 2008.
[3] Darkoz, X. Suivi et enregistrement numérique de la parole silencieuse : une modélisation par des réseaux de neurones et la logique floue de l’obéissance requise de la part des fonctionnaires de l’État. Revue Française de Sciences de Gestion Autoritaire volume 7 n° 237, décembre 2008.
- Université : Opération « Écrans noirs » du vendredi 13 au mardi 17 — 13 novembre 2020
- Tribune dans Le Monde : « Les libertés sont précisément foulées aux pieds lorsqu’on en appelle à la dénonciation d’études et de pensée » — 4 novembre 2020
- Pandémie et solidarités: associations et collectifs citoyens à bout de souffle sonnent l’alarme — 13 mai 2020
Je crains que votre caricature ne manque son effet pour deux raisons :
1. D’abord parce que nous sommes trop avancés dans un système monarchique pour que l’écart entre votre texte et la réalité puisse susciter le rire.
2. Votre caricature se réfère à un totalitarisme de type régime soviétique du siècle dernier. Or aujourd’hui nous sommes dans une société de contrôle qui laisse en apparence plus de liberté aux citoyens. Exemple : il n’est nul besoin que par un acte souverain le roi de notre République bananière supprime les chaînes de tv. La servilité des courtisans suffit à lui donner un contrôle sur l’ensemble des chaînes nationales.
Ce qui nous fait rire peut ne pas vous amuser : c’est votre (notre) droit. Évidemment, il y a le Pouvoir (avec un grand “P”) et les pouvoirs naturalisés dans la servilité des courtisans, ou, pire — version foucaldienne — dans les pratiques, les dispositifs, le langage, etc. Quoi qu’il en soit, il y a bien un commanditaire de cet appel d’offre, qui offre de l’argent pour surveiller et punir : nous ne somme pas dans un panoptique, mais bien face à un Pouvoir à grand “P” majuscule. Ne pas caricaturer ces Pouvoirs serait laisser l’espace libre pour que s’installent les micro-pouvoirs et les linéaments de la servilité qui, déjà, nous enserrent.