Grève de la faim de deux universitaires turcs pour la Paix : appel à soutien pour Nuriye Gülmen et Semih Özakça
Ecrit par Igor Babou, 10 Mai 2017, 0 commentaire
Je relaie ici un texte concernant une grève de la faim de deux collègues turcs, qui en sont à leur 63ème jour sans alimentation : ils ont été limogés comme tant d’autres pour avoir signé la pétition pour la paix, et ont choisi une modalité de lutte assez radicale. De manière assez prévisible, il n’y a eu aucune reprise de cette info dans les médias français, ni aucune prise de position de nos services consulaires et autres ministères. Je ne sais pas si la mise en circulation d’un texte peut aider ces deux collègues turcs (leur survie est en jeu, en ce moment-même), mais peut-être avez vous dans vos connaissances un ou des députés européens, ou des (ex…) membres d’un ministère ou d’une institution influente, sait-on jamais ? Le Président de l’université Paris-Est Marne-la-Vallée a, par exemple, promis de présenter ce problème à la CPU (Conférences des Présidents d’Université) et d’y défendre une action de soutien.
Merci à vous de faire circuler ce texte, et la pétition dont le lien suit peut évidemment être signée. Il y a également un lien plus bas vers le site de Kedistan, qui est l’un des rares médias français à s’intéresser sérieusement à la répression en Turquie.
Nuriye et Semih ont besoin de votre soutien !
Les enseignants limogés Nuriye Gülmen et Semih Özakça sont entrés dans une phase critique de leur grève de la faim. Nos ami-es sont en grève de la faim depuis plus de 60 jours en protestation à leur licenciement et aux vagues de purges en Turquie, et dénoncent l’autoritarisme du gouvernement d’Erdoğan. Les autorités turques ont limogé plus de 4 464 enseignant-es dans le cadre des purges lancées depuis la tentative de coup d’Etat en juillet dernier, et la publication d’un décret-loi le permettant, et ces purges sont devenues un mode d’exercice du pouvoir autoritaire d’Erdoğan menaçant les opposants et les Kurdes du pays.
De plus, depuis 2015, le gouvernement turc perpétue un massacre au Kurdistan de Turquie et a déclaré la guerre aux kurdes. Des crimes contre l’humanité se produisent désormais quotidiennement au Kurdistan dans un silence assourdissant.
Les Universitaires pour la paix souhaitent attirer l’attention sur le massacre et l’exercice de la violence étatique en Turquie et spécialement dans la région kurde.
Nous exigeons que cessent les massacres et l’exil forcé qui frappent les Kurdes et les peuples de ces régions, la levée des couvre-feux, que soient identifiés et sanctionnés ceux qui se sont rendus coupables de violations des droits de l’homme, et la réparation des pertes matérielles et morales subies par les citoyens dans les régions sous couvre-feu.
Nous demandons au gouvernement turc d’arrêter le massacre, la domination totalitaire et retourner au processus de paix.
Pour cela, nous avons a déclaré : « Bu Suça Ortak Olmayacağız ! » — Nous, enseignants-chercheurs de Turquie, nous ne serons pas complices de ce crime ! perpétré au Kurdistan.
Depuis notre pétition, puis les purges, le gouvernement a commencé à cibler les universitaires comme d’ailleurs tous les autres citoyens.
Les universitaires et les enseignants ont subi un limogeage massif. Depuis le coup d’État manqué, plus de 41 000 personnes ont été arrêtées en Turquie et plus de 100 000 limogées ou suspendues, notamment des professeurs, des enseignants et des magistrats. Des dizaines de médias et d’associations ont par ailleurs été fermés et de nombreux journalistes licenciés, emprisonnés. Depuis 2015, le gouvernement AKP s’érige en régime totalitaire, aboutissant à ce que des citoyens limogés, ciblés, menacés, emprisonnés sur le sol de la Turquie, en viennent à «une mort lente », en utilisant la grève de la faim.
Nuriye et Semih sont en grève de la faim depuis le 11 mars à Ankara. Ils-elles sont entré-es en résistance au mois de novembre 2016, après leur licenciement en novembre 2016.
Comme des milliers de fonctionnaires, enseignant-es du primaire à l’université, ou appartenant à d’autres services publics, syndiqué-es ou non, Nuriye et Semih ont été licencié-es dans le cadre des purges politiques menées par Erdoğan. Nombre d’entre eux et elles ont subi l’exil politique et ont refusé de se taire et de se soumettre. Ils-elles se sont révolté-es contre les licenciements massifs, contre l’État d’urgence et plus largement contre la répression. Tabassé-es, arrêté-es, placé-es en garde-à-vue, de multiples fois, ils-elles n’ont pas renoncé. L’histoire de résistance de Nuriye Gülmen commence par un sit-in le 9 novembre 2016, à Ankara, sur le boulevard Yüksel.
Pour une vingtaine de soutiens et une seule manifestante, plus d’une centaine de policiers anti-émeute ont été déployés, à peine avait-elle commencé à prononcer la première phrase de son communiqué “Je suis une universitaire licenciée”. Nos ami-es Nuriye Gülmen et Semih Özakça comme nous et les autres collègues, se sont retrouvés au chômage subitement, comme des centaines de milliers de fonctionnaires licenciés par décret, et projetés dans la précarité, et ont donc décidé de faire une grève de la faim contre le licenciement et l’inégalité gouvernementale depuis plus de 60 jours maintenant. Ces enseignant-es, sont entré-es en résistance, et après avoir manifesté d’abord seul-es, ont ensuite réuni leurs forces. Ils-elles ont été molesté-es, frappé-es, traîné-es au sol, de nombreuses fois arrêté-es et mis-es en garde-à-vue, mais dès qu’ils-elles retrouvent la liberté, se rendent au lieu de rendez-vous, à Ankara, et recommencent avec détermination leur grève de la faim.
Cette décision de nos collègues ami-es questionne nécessairement la pratique du pouvoir de l’État turc et son langage extravagant et typique qui assume la domination raciale, le crime de guerre, l’enfermement, la violence paramilitaire et la torture face à ses citoyens.
Leur résistance est emblématique de la situation des opposant-es de Turquie.
Des milliers de personnes, syndicalistes, féministes, kurdes ou simplement révolté-es, sont enfermées dans les geôles turques.
La réalité de la répression pourrait encore s’aggraver maintenant après le référendum qui donne les pleins pouvoirs à Erdoğan et qui lui permettra de gouverner par décret, le parlement n’étant alors plus qu’une simple chambre d’enregistrement.
Nos collègues annoncent qu’ils n’abandonneront pas les exigences de la grève de la faim sans engagements concrets de la part du gouvernement.
Chaque jour de plus que nos ami-es sont contraints de passer en risquant la mort pour leurs droits les rapproche un peu plus d’une issue fatale, et nous pensons que nous perdons là notre humanité.
C’est une lutte pour la vie, et non pour la mort. Nous invitons tout le monde à réagir.
Ils nous appellent : “Si vous voulez faire quelque chose pour nous, élevez notre voix !”
Faites cesser les licenciements illégaux et arbitraires.
Nuriye et Semih ont besoin de votre soutien !
Signez la pétition : https://www.change.org/p/government-of-turkey-reinstate-nuriye-and-semih-to-their-jobs
En savoir plus : http://www.kedistan.net/2017/05/09/nuriye-et-semih-greve-faim-2-mois/
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