Suppression des qualifications CNU pour les recrutements et promotions des enseignants-chercheurs
Ecrit par Igor Babou, 22 Juin 2013, 19 commentaires
Histoire de gâcher un peu plus notre week-end, voici une info sidérante en provenance du Sénat, envoyée par Jérôme Valluy (Université Paris 1), et qui démontre le mépris dans lequel la classe politique tient l’université et la recherche. Si ce texte est adopté définitivement, il ne restera plus qu’à recruter les collègues sur la base d’appartenances politiques locales, des amitiés avec tel ou tel président ou directeur d’établissement, ou bien carrément en mettant en place des tombolas. Après tout, au point où on en est de la perte de sens et de l’absurdité de nos métiers…
Mais Dieu merci, la Sainte inquisition de l’AERES est sauvegardée dans ses fonctions : on voit à quel point il était important d’avoir mis en place des assises de l’enseignement supérieur, participatives et tout et tout (on y croit…), pour restaurer la démocratie, l’écoute et le partage entre les acteurs de terrain et le ministère.
Celles et ceux qui ont soutenu ces politiques de destruction de l’enseignement supérieur et de la recherche, ou celles et ceux qui ont laissé faire sans protester, arrivent-ils/elles encore à se regarder dans une glace le matin ?
Un amendement sidérant, improvisé par les Verts, a été adopté et introduit hier soir au Sénat dans le projet de loi sur l’Enseignement Supérieur et la Recherche : la suppression pure et simple de la procédure de qualification nationale par le CNU pour les recrutements et promotions des enseignants-chercheurs : http://www.senat.fr/amendements/2012–2013/660/Amdt_6.html
L’amendement n°6 supprime le premier alinéa de l’actuel article L. 952–6 du code de l’éducation prévoyant “Sauf dispositions contraires des statuts particuliers, la qualification des enseignants-chercheurs est reconnue par une instance nationale.” Ci-dessous le premier extrait des débats, vers 21h30, où l’on voit la complaisante ambiguïté de la rapporteure et surtout de la ministre préférant laissant passer, tout en en ayant pas l’air, mais sans s’exprimer clairement contre, sans doute pour s’assurer du vote global des Verts sur le projet (adopté hier vers 1h du matin) quitte à leur laisser faire n’importe quoi plutôt que de défendre la procédure de qualification.
Le caractère improvisé de l’opération apparaît dans le rejet d’un autre amendement n°7 (cf. ci-dessous deuxième extrait) de mise en cohérence du code de l’éducation. Mais ce rejet concernant des statuts dérogatoires ne réduit pas la portée de la suppression opérée par le précédent amendement.
La commission mixte paritaire est prévue pour mercredi 26 juin 2013 avec 7 députés (4 gauche, 3 opposition) + 7 sénateurs (3 socialistes, 1 Vert, 2 UMP, 1 UDI). Le texte, pour être adopté, devra recueillir 8 voix pour. Les sénateurs écolo et UDI vont être en position de négocier la 8ème voix. En cas d’échec, la loi reprendra le chemin des deux hémicycles pour deuxième lecture à l’AN, où le dépôt d’amendements serait ainsi ré-ouvert (séance éventuelle le 9 juillet) et au Sénat (15 juillet). Si les texte adoptés dans les deux chambres ne sont pas identiques, la loi retournera à l’AN pour décision finale.
En revanche, l’AERES est maintenue (amendement n°24 de suppression rejeté) !!!
Si il reste en l’état, le texte de loi portera un coup fatal à l’évaluation par le CNU des compétences dans chaque discipline scientifique : les petites disciplines en particulier, faibles dans les commissions locales, risquent de voir se multiplier des recrutements locaux décalés par rapport à leurs domaines et de se trouver ainsi laminées par des disciplines voisines plus puissantes dans les jeux de pouvoirs internes aux universités. Cet amendement porte un nouveau coup au caractère national des statuts d’enseignants-chercheurs au profit d’une gestion locale allant dans le sens de la régionalisation en cours du système universitaire français. La qualification par le CNU tant des docteurs, candidats aux postes d’enseignants-chercheurs, que des enseignants-chercheurs, candidats à une promotion, est une procédure d’évaluation indispensable à la qualité du travail dans cette profession : sa suppression risque de servir de prétexte à la réintroduction d’une autre forme d’évaluation, technocratique et non scientifique, aux fins de réductions budgétaires par modulation des services d’enseignement. En l’absence de cette évaluation des recherches et des dossiers de candidatures par le CNU, la propension aux recrutements localistes de candidats plus séduisants par leurs proximités ou dépendances relationnelles que par les mérites de leurs productions et expériences s’aggravera inéluctablement au détriment de la qualité du service public d’enseignement supérieur et de recherche.
Jérôme Valluy — 22 juin 2013, 13h
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Extraits du compte-rendu de séance du 21 juin : http://www.senat.fr/cra/s20130621/s20130621_4.html#par_747——————————————————————
“Mme la présidente. — Amendement n°6, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.Après l’article 43 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 952–6 du code de l’éducation est supprimé.
Mme Corinne Bouchoux. — Les modalités de la qualification sont une originalité française. La procédure est très chronophage, coûteuse et détourne les enseignants-chercheurs de leurs missions premières, la recherche et la formation. Je reprends ici la proposition 126 du rapport Berger. Faisons confiance aux jurys de thèse et supprimons cette procédure.
Mme Dominique Gillot, rapporteure. — La proposition de M. Berger est intéressante mais prématurée ; la concertation n’a pas encore abouti. Retrait ?
Mme Geneviève Fioraso, ministre. — On peine à obtenir le consensus de la communauté scientifique. Le temps n’est pas venu d’installer ce dispositif. Laissons le temps au temps. L’objectif de la loi est avant tout d’apaiser, de rassembler, de remobiliser.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. — Le temps n’est pas venu d’installer ce dispositif ? Il ne s’agit pas d’installer mais de supprimer un dispositif qui pénalise tous les doctorants de France…
L’amendement n°6 est adopté.”
http://www.senat.fr/amendements/2012–2013/660/Amdt_6.html
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ARTICLE 44
Mme la présidente. — Amendement n°7, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Les mots : « dont la qualification est reconnue par l’instance nationale prévue à l’article L. 952–6 » sont supprimés ;
Mme Corinne Bouchoux. — Amendement de cohérence.
Mme Dominique Gillot, rapporteure. — Je maintiens l’avis défavorable de la commission. La concertation n’est pas mûre pour supprimer la qualification.
Mme Geneviève Fioraso, ministre. — Même avis.
L’amendement n°7 n’est pas adopté.
http://www.senat.fr/amendements/2012–2013/660/Amdt_7.html
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Bonjour,
Il y a un contre-sens au sujet de l’AERES dans le texte que vous recopiez : l’amendement n°24 de suppression qui a été rejeté visait à supprimer l’article qui supprime l’AERES. Donc l’AERES disparaît bien, jusqu’à nouveau rebondissement.
On verra bien : l’ambiance n’est pas, en ce moment, à la suppression de la Sainte inquisition de l’AERES.
En attendant, il y a eu une avalanche de réactions concernant la procédure de qualification, donc celle de la CP-CNU :
http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article6163
Oui, il y a un contresens dans la référence entre parenthèse : dans l’urgence de l’alerte, j’ai rédigé trop vite… et substitué ultérieurement dans l’envoi du message, la phrase suivante :
En revanche, l’AERES ré-intitulée HCERES (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) est maintenue avec pour mission “De s’assurer de la prise en compte, dans les évaluations des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche, de l’ensemble des missions qui leur sont assignées par la loi” (art.49–4).
Ce que je voulais dire c’est que la suppression des qualifications au CNU comme mode d’évaluation intelligente dans nos carrières conduirait donc inéluctablement à l’apparition, sous l’égide de l’AERES réformée, d’un autre mode d’évaluation probablement aussi délétère que ceux que nous avons combattus en 2009.
Bien cordialement,
J.Valluy
Mais ça sert à quoi la qualification CNU, pour aboutir à cette situation ?
http://www.voxforte.com/les-sujets.aspx?r=798
Pouvez vous me le dire?
Mohamed
HDR
RSA
Je ne comprends pas bien votre question. La qualification, c’est simplement une évaluation supplémentaire après la thèse (ou après l’HDR), qui garantit, quand elle fonctionne bien (ce qui n’est pas toujours forcément le cas) qu’un dossier a été évalué par un collège disciplinaire externe à l’établissement où a été soutenue la thèse. Ou bien, il peut s’agir d’évaluer, là aussi sous forme collégiale, les progressions de carrières des enseignants-chercheurs (passage en hors classe, etc.). Mais ça n’a rien à voir avec l’embauche des candidats après la thèse, ce que laisse supposer votre lien où vous indiquez être au RSA. Là, la question est à la fois politique et budgétaire, et ne peut pas être réglée par le CNU, mais au niveau du ministère. On constate que les gouvernements qui se sont succédé, depuis trop longtemps, n’ont rien fait pour réduire la précarité à l’université, et que c’est anormal. Disons que la droite comme la “gauche” partagent visiblement les mêmes idéologies néolibérales et sont déterminées à laisser l’université à la dérive jusqu’à ce que la seule solution semble être sa privatisation. Mais je ne vois aucun rapport entre cet état de fait déplorable et le CNU, qui n’est qu’une instance collégiale d’évaluation, qui plus est bénévole. Ensuite, vous vous faites des illusions sur la possibilité, pour les enseignants-chercheurs français, d’avoir “de belles voitures ou de belles villas” : les grilles de salaires sont publiques, et si vous y jetez un œil, vous verrez qu’en métropole on ne vit pas bien en étant, par exemple, maître de conférences à Paris. On se contente de survivre, avec un salaire très “classe moyenne”, très moyenne la classe… Rien à voir en toit cas avec le salaire de certains cadres en entreprises ou de certaines professions libérales.
Toutes les organisations ou instances représentatives des scientifiques avaient demandé, pour le moins « une remise à plat du Grand emprunt. Quels que furent les problèmes des Assises, il reste que le rapport final reprend cette idée en demandant que les Idex, Labex et autres Ex n’aient plus de « personnalité morale » et s’intègrent au structures normales. En réponse, Gallois reprend mot pour mot ce qu’aurait pu dire Pécresse (2) : « Les 8 IDEX retenues à ce jour, y compris deux projets encore en cours de création (…) , bénéficient d’une dotation en capital dont ils pourront consommer les intérêts. Si au bout de quatre années probatoires, ils sont restés fidèles au projet, cette dotation leur sera acquise. Quant aux LABEX et aux EQUIPEX, les laboratoires d’excellence et les équipements d’excellence, ils ont permis de mettre en place un financement de long terme pour des projets de recherche de niveau mondial ou pour des équipements de pointe qui peinaient à trouver des financements ». Pas un mot de changé ! A l’évidence, au lieu de simplifier le système d’ES‑R, Gallois a décidé qu’on gardait toutes les scories du sarkozisme. Et au-delà de l’ES‑R, il reprend l’idée de la TVA sociale pour financer les 20 milliards du Crédit d’impôt pour la compétitivité.
Sur cette page, il serait utile de signaler que l’amendement a êté refusé en seconde lecture à l’Assemblée Nationale et donc qu’il a disparu de la nouvelle loi.
Et ainsi de mettre fin à des commentaires déplacés sur une pseudo volonté du gouvernement de nuire aux enseignants chercheurs.
Ceci dit le localisme a encore de beaux jours devant lui et le copinage aussi.
signé : un mcf en retraite
Les universitaires ont toujours de très bonnes raisons de défendre leurs institutions. On aimerait qu’ils déploient la même énergie et la même éloquence à protester contre la précarité de tous ces docteurs à qui on a délivré un diplôme tout juste bon à être encadré et accroché sur le mur de leur salon.
La qualification est une aberration endémique à la France. De deux choses l’une : soit le doctorat est une véritable garantie de compétences en matière de recherche (l’article L 612–7 du Code de l’Éducation précise qu’il constitue même une expérience professionnelle dans le domaine de la recherche, qui peut être reconnue par les conventions collectives) et n’importe quel docteur peut légitimement soumettre sa candidature à un poste correspondant à son profil, soit ce doctorat ne vaut rien du tout, auquel cas il faut avoir l’honnêteté et le courage de le reconnaître, et de reconnaître aussi qu’en encourageant à poursuivre sur la voie du doctorat des étudiants qui n’ont rien à y faire, on les trompe effrontément.
S’il y a trop de candidatures, la solution est de revoir à la hausse les compétences scientifiques requises de la part d’un doctorant pour l’obtention de son doctorat. Dans certaines sections, ce ne serait vraiment pas un luxe. Seulement, cela en dissuaderait certains, et cela ferait moins de primes à toucher pour les directeurs de thèse.
Où est la légitimité des jurys de thèse lorsque leurs rapports sont contredits par ceux des membres du CNU ? Où est la légitimité du docteur lorsque son travail est qualifié, de manière lapidaire, de “peu convaincant” ?
Vous invoquez le “copinage” en matière de recrutement, que l’évaluation par une instance nationale permettrait d’éviter. Bien entendu, il est impossible que de telles dérives puissent exister au sein du CNU…
Les universitaires ceci… les universitaires cela… j’en ai assez de tous ces gens qui tirent sur les ambulances sans rien connaître de notre métier : est-ce que je me mêle de votre travail en le critiquant ou en dénonçant vos incompétences ou la gestion de vos carrières ? Peut-on savoir, au moins, d’où vous parlez ? J’imagine que votre profession doit être exempte de tout problème et se révéler comme le Paradis sur Terre pour que votre avis soit si tranché. Voici quelques éléments de réponse factuelle à vos affirmations lapidaires :
- le doctorat n’est pas une garantie de compétence professionnelle, c’est juste un diplôme correspondant à l’acquisition d’un savoir d’érudition et de méthodologie dans un domaine très ciblé. Le système français est ainsi fait, et il n’est ni pire ni meilleurs qu’un autre. Il a simplement les caractéristiques de notre culture, c’est à dire qu’il organise une vérification en plusieurs étapes sur la base d’une conception méritocratique de l’accession à un poste à haute responsabilité. On se targue de respecter les savoirs “indigènes”, ceux des cultures “Autres”, hé bien si on respecte les savoirs des Indiens Chuar ou des Bantous en tant qu’expression d’une culture, alors respectons aussi les spécificités culturelles françaises qui en valent bien d’autres.
- la précarité : merci là encore de ne pas dire n’importe quoi sur ce site. Vous êtes justement sur un site géré par des universitaires qui ont largement donné leur place à la critique de la précarité, et qui ont mouillé leur chemise pour que les choses changent. Et nous ne sommes pas les seuls. Alors basta avec les généralisations sur “les universitaires” qui seraient insensibles de la précarité, j’en ai assez de ces mensonges et de ces caricatures qui masquent mal leur totale méconnaissance des luttes sociales internes à l’université.
- “tous ces docteurs à qui on a délivré un diplôme tout juste bon à être encadré et accroché sur le mur de leur salon.” dites-vous : là encore, pouvez vous étayer ce type d’affirmation par autre chose que par du sens commun de hall de gare ? Que savez vous du devenir de l’ensemble des docteurs de France (et d’autres pays aussi) sur le long terme ? Dans mon ancien labo, ils ont tous trouvé un travail digne de leur compétence. Dans d’autres, certains sont au chômage. Les situations sont très variables selon les secteurs disciplinaires, et de toute manière l’objectif de l’université ne peut pas se confondre avec celui de l’ANPE : ne mélangeons pas la formation des esprits et des citoyens avec les enjeux économiques et politiques que l’université n’a pas à assumer. Demandons-nous plutôt pourquoi en France les entreprises sont incapables de faire ce que dans d’autres pays elles font, à savoir reconnaitre le potentiel que représente un docteur pour elles. Parlons de la frilosité des entreprises et de l’idéologie ultra-libérale qui conduit certains secteurs d’emplois à mépriser le savoir, en France, avant d’accuser l’université de n’importe quoi.
- on ne trompe pas les doctorants à l’université quand on les encourage à s’inscrire en thèse : ce sont des adultes, ils sont assez grands pour savoir que le chemin sera long et difficile. Et s’ils n’ont pas compris qu’il n’y a pas un poste au bout de chaque thèse, c’est qu’ils n’ont pas l’intelligence ni le recul critique requis. En tout cas, ils sont largement informés de ce qui les attend dans les labos dignes de ce nom. Qu’il y ait des labos négligents en la matière ne justifie pas d’accuser l’université dans son ensemble (étonnamment, vous ne dites rien du CNRS ni des autres organismes de recherches…).
- on ne va pas “revoir à la hausse” des compétences scientifiques pour coller à un hypothétique marché de l’emploi : c’est absurde. Comme je l’indiquais plus haut, ce serait plutôt aux entreprises (et au public, dont vous faites partie) à se mobiliser et à changer leur regard sur le doctorat, en particulier en essayant de tenir un discours plus informé et moins idéologique sur tout cela. Le café du commerce n’est pas la meilleure garantie de compréhension d’un domaine aussi complexe que celui de la recherche…
- la légitimité des jurys de thèse est complétée par celle du CNU, et c’est très bien ainsi. On sait tous qu’il y a des dérives et des lacunes dans certains jurys de thèse (comme il y en a toujours dans toute organisation, qu’elle soit publique ou privée, universitaire ou de production commerciale, peu importe). Le CNU est la garantie d’un second contrôle, par des extérieurs. Ensuite, il y a la procédure de recrutement, dont vous ne parlez pas, et qui rajoute une nouvelle couche de contrôle des compétences et des connaissances : il n’y a aucun métier au monde aussi contrôlé que celui de chercheur, à part peut-être celui de médecin. Ce n’est pas comme dans certaines entreprises où l’on recrute sur la base de la graphologie ou de foutaises du même type : félicitons-nous de cette rigueur et de ces exigences qui sont à l’honneur de notre système universitaire. On recrute de futurs chercheurs et de futurs enseignants qui auront en charge des cohortes entières d’étudiants durant des dizaines d’années, qui auront à gérer de l’argent public pour produire de la connaissance : on ne recrute pas des vendeurs de voiture ni des magasiniers chez Amazon ! Ce n’est pas manquer de respect aux travailleurs manuels que de déclarer que les exigences en matière de recrutement doivent être plus hautes dans les métiers à très forte responsabilité sociale comme celui d’enseignant-chercheur. A ces fortes responsabilités correspondent un mode de recrutement collégial et public : on ne peut pas en dire autant de ce qui se passe dans le secteur privé. Préservons ce fonctionnement collectif et public plutôt que de l’accuser de tout et de n’importe quoi. Et s’il faut en débattre, débattons-en. Mais pas sur la base de caricatures simplistes.
- il existe des dérives au CNU comme ailleurs, comme dans toute organisation sociale quelle qu’elle soit : et alors ? C’est justement en multipliant les niveaux de filtrage collectifs et publics qu’on arrive, bon an mal an, à lutter contre ces dérives et à faire le tri nécessaire entre les bonnes thèses et les autres. Sans oublier que les différentes sections du CNU, quand il certaines sont défaillantes, sont aussi capables de réagir et la communauté dénonce alors ces dérives. Encore faut-il s’intéresser au domaine pour le savoir et être au courant des débats et des polémiques.
Mon conseil : informez vous et consultez des gens du domaine avant de vous lâcher avec un discours de sens commun sur un site comme Indiscipline. Parce que nous sommes nombreux à être excédés des caricatures de sens commun en tous genres qui n’ont d’autre résultat que de contribuer à détruire, in fine, le service public au nom d’une idéologie ultra libérale. Le tout sans proposer autre chose, en guise d’alternative, que de l’aigreur et du cynisme, bien évidemment…
Bonjour, Monsieur.
Je n’ai jamais visité ce site avant d’y découvrir l’article qui fait l’objet de mon commentaire. Je n’en connais pas les responsables et j’ignore quel est leur engagement contre la précarité. Si ce que vous dites est vrai, je ne peux que m’en réjouir mais je persiste à penser que ces personnes-là ne sont pas majoritaires.
Pour ce qui est de vous révéler d’où je parle, je peux le faire sans problème : je ne suis pas un néolibéral, bien au contraire ; je ne travaille pas dans ce démoniaque secteur privé sur lequel vous jetez l’anathème ; je ne puise pas mes réflexions sur l’Université et les universitaires au café du commerce, ni dans les halls de gare, même si ce qu’on y entend n’est pas toujours plus bête qu’ailleurs, contrairement à ce que votre mépris du bon sens populaire vous pousse à croire. Je suis l’un de ces docteurs précaires dont je parlais dans mon message, et je suis prêt à reconnaître mon incompétence et la mauvaise gestion de ma carrière si les autres acceptent d’assumer leur part de responsabilité. Curieusement, vous ne parlez pas dans votre diatribe du fameux article L 612–7 du Code de l’Éducation, ni des obligations des écoles doctorales en matière d’aide à l’insertion professionnelle. Pendant toute la durée de mes études doctorales, je me suis imposé la discipline d’assister à tous les séminaires organisés par mon école doctorale : j’ai écouté des gens divaguer à propos du numéro de téléphone de Freud ou de la relation entre la quête du Graal et la physique quantique. J’ai appris l’existence du CNU au bout d’au moins trois ans, non par la bouche d’un maître de conférences ni d’un professeur, mais par celle de la technicienne en audiovisuel de mon université. Il a fallu attendre cinq ans et la fin de ma thèse pour qu’une réunion d’information soit organisée sur le sujet. On sentait que c’était fait parce qu’il fallait le faire, parce que c’était marqué dans les textes. À croire même qu’ils avaient honte de nous en parler, de ce CNU !
Je sais qu’il existe de très grandes disparités entre les disciplines et les laboratoires et que la situation n’est pas la même partout, mais je ne parle que de ce que je connais, et je pense que dans certaines disciplines où la recherche et l’enseignement supérieur constituent quasiment les seuls débouchés après un doctorat (à moins, évidemment, de faire autre chose qui n’a rien à voir avec le doctorat), il vaudrait mieux savoir certaines choses au début qu’à la fin. Je vous le dis honnêtement, si j’avais su ce qu’il adviendrait de moi après la thèse, je n’aurais jamais commencé, j’aurais fait autre chose, j’aurais travaillé en usine.
J’ignore si vous savez ce que peut ressentir quelqu’un qui a fait dix ans d’études supérieures, dont cinq passées sur une thèse de doctorat, à qui on a répété pendant ces dix années que tout ce qu’il faisait était génial, qu’il était promis à un bel avenir et qui, passant du statut d’étudiant à celui de candidat virtuel à un poste, se voit répondre, par les mêmes personnes siégeant au CNU (je vous assure que c’est arrivé pour l’une d’entre elles), que son travail, pour le dire vulgairement, c’est de la merde. J’ai l’impression, à vous lire, que vous avez eu la chance de ne jamais connaître cela. Ce n’est pas la même chose que de rater un concours ou d’essuyer un refus de candidature à un poste : dans ces deux cas, on se fait une raison, on se dit que les élus étaient meilleurs que nous, mais on n’a pas à subir des commentaires du genre : “Vous n’avez rien fait pendant cinq ans, votre thèse frise le néant et vous-même, vous existez à peine”.
Je me suis consacré à ma thèse avec passion. Je ne l’ai pas fait en ayant en tête un plan de carrière. Seulement, il faut bien vivre. Je n’aurais pas demandé mieux que de vivre de ma passion. Seulement, ce n’est pas possible pour le moment parce que le CNU m’a refusé la qualification à quatre reprises, et plus le temps va passer, plus je serai “hors du coup”. Voyez-vous, je ne suis pas ce cadre du privé à la profession “exempte de tout problème” que vous imaginez. Je suis maître-auxiliaire en collège dans une discipline qui n’est même pas la mienne, et je puis vous assurer qu’avoir fait dix ans d’études pour se faire chahuter, voire insulter, par des gosses de dix ans, bizarrement cela fait cruellement regretter de ne pas faire partie de la caste de ces pauvres professeurs d’Université persécutés par un État néolibéral qui veut tuer leur précieux savoir si utile à l’émancipation de la société et à l’éveil du peuple (par exemple, le numéro de téléphone de Freud, ou la relation entre la quête du Graal et la physique quantique).
Je suis d’accord avec vous sur le fait que l’Université n’est pas, loin s’en faut, la principale responsable de la précarité et que la mentalité des employeurs, idéalement, devrait changer (Mais peut-on demander à une engeance néolibérale de raisonner comme un humaniste universitaire ? Après tout, chacun est dans son rôle et lui n’agit que conformément à sa logique de “l’intérêt bien compris”, comme vous obéissez à la vôtre. Je sais aussi qu’il existe des gens bien à l’Université (j’en connais, ils ont beaucoup d’amis, et aussi beaucoup d’ennemis). Cela ne m’empêchera pas de continuer à penser que le CNU, cette si belle illustration de notre fantasme français de l’éradication de la fraude et du triomphe de l’équité par la multiplication des instances de contrôle et de la paperasse qui va avec (après tout, pourquoi s’arrêter à la troisième couche et ne pas contrôler les contrôleurs de ceux qui contrôlent ?) n’empêchera jamais le jeu des réseaux de battre son plein. Il ne fera tout au plus que barrer la route à des personnes qui auraient peut-être eu leur chance au concours, ou au contraire, donner leur qualification à d’autres personnes qui vont rester chargées de cours pendant quatre ans et perdre leur qualification au terme de cette période.
La solution au problème, c’est l’éthique professionnelle. Normalement, l’universitaire est la première personne chez qui l’on s’attend à la trouver, mais dans le cas contraire, ni le CNU, ni aucune autre instance ne fera jamais que ceux qui n’ont pas d’éthique en aient du jour au lendemain.
Cela dit, si je tenais à répondre à votre message afin de ne pas vous laisser dans l’erreur à mon sujet, et de ne pas non plus vous laisser croire que vous m’aviez cloué le bec, je n’ai pas l’ambition de vous convaincre. L’agressivité de votre réponse, le procès que vous me faites alors que vous ne me connaissez pas, me persuade qu’en osant critiquer un certain corporatisme, j’ai commis un crime de lèse-majesté.
Rebonjour,
Ce site existe depuis 2004, et a été créé par des gens, dont moi, qui se sont mobilisés pour la défense du service public dès cette époque, et qui, si vous parcourez le site (ce qu’il convient de faire, quand on intervient sur un forum), a donné la parole au collectif Papera dès le début. Autrement dit : si vous avez des griefs envers l’université et les mécanismes qui entretiennent la précarité, adressez vous aux bons interlocuteurs, mais ne lancez pas d’anathèmes englobants ici : on est nombreux à être conscients du problème de la précarité, à savoir que l’éducation nationale est le premier pourvoyeur d’emplois précaires de France, et à trouver ça déplorable et à le dénoncer.
Si je suis énervé, et je le suis après les arguments que j’ai lus sous votre plume, c’est parce que j’en ai assez des caricatures tracées de tous bords par des gens qui ne se présentent même pas, et dont les propos (et sans doute les actions) visent à disqualifier l’université en général sans faire la moindre nuance, ni se baser sur aucune observation, au lieu de l’améliorer, y compris en contribuant à des luttes sociales nécessaires.
Si je suis énervé, et je le suis même au retour de mes vacances, c’est parce qu’à cause de ce type d’attitude qui est la votre, celle du “tous pourris, donc dénonçons tout en vrac sans nuance et prônons la destruction de ce qui ne fonctionne pas pour moi (me, myself & I…)”, l’université va devenir encore plus qu’elle ne l’a jamais été le lieu de la précarité, de la médiocrité et de la magouille : faute d’avoir trouvé en face d’elle des gens qui parlaient de ce qu’ils connaissaient sans en rester à leur exemple personnel, aussi douloureux puisse-t-il être.
Je suis désolé de lire qu’après votre thèse, vous n’avez pas été qualifié par le CNU, mais ça arrive, et parfois ça arrive à juste titre : toutes les thèses ne se valent pas, et ne connaissant ni votre travail ni votre discipline, je ne peux pas porter de jugement. Mais quand on tire de telles généralités d’un cas singulier (ici le votre), admettez qu’on ne met pas de son côté toutes les chances d’être recruté pour être chercheur ou enseignant-chercheur.
Quand au “numéro de téléphone de Freud” ou à “la relation entre la quête du Graal et la physique quantique”, je ne sais pas à quoi vous faites allusion, mais dans les disciplines et les écoles doctorales que je fréquente depuis des années, on ne s’amuse pas à de telles inepties : si vous n’avez tiré que cela de vos années de thèse, libre à vous, mais ça n’est pas crédible et je ne vous suivrai pas sur ce chemin caricatural à l’excès qu’il convient de dénoncer avec vigueur pour ce qu’il est : de l’affabulation. Merci à l’avenir de respecter les lecteurs de ce site, qui ne sont pas des idiots, et de faire un effort d’argumentation, car dans le cas contraire je ne publierai plus vos commentaires.
Enfin, dernier détail, vous concluez par l’antienne du corporatisme : hé bien, si la corporation universitaire vous déplaît tant, si tout n’y est que pourriture, magouilles et inepties, pourquoi voulez-vous donc être qualifié et recruté en son sein ? Ce ne sont pas les métiers mieux payés et faciles d’accès qui manquent…
Cordialement
De manière à rendre plus compréhensible les enjeux de cette discussion, pour les gens qui arriveraient ici sans être très au fait des mécanismes de recrutement à l’université, voici un petit point factuel :
Le recrutement d’un maître de conférence (le premier « grade » universitaire) repose sur trois étapes de sélections successives, toutes collégiales :
- d’abord le doctorat, qui est un diplôme. Il est évalué par un jury, généralement disciplinaire, de 4 à 6, voire 7 personnes. Un travail écrit, donc, suivi d’une soutenance publique. Ce diplôme sanctionne une savoir de spécialité ainsi qu’une compétence méthodologique dans un domaine ciblé. Il assure aussi que le docteur dispose d’une érudition théorique dans son domaine disciplinaire (ou interdisciplinaire). Enfin, il suppose des compétences argumentatives importantes et une aisance à l’oral ainsi qu’à l’écrit.
- ensuite la « qualification ». C’est le CNU (Comité National des Universités), c’est à dire un ensemble de « sections » disciplinaires composées d’universitaires élus (par leurs pairs) et d’universitaires nommés (par le ministère), qui autorise ou non un docteur à être « qualifié » durant une période de 4 ans. Cette qualification repose sur l’examen du dossier du candidat, c’est à dire sa thèse, plus ses publications (dans des revues scientifiques) plus ses activités d’enseignement et de recherche, et parfois d’administration ou de gestion collective (de la recherche et/ou des enseignements). Le CNU se réunit collégialement chaque année (les élus comme les nommés sont des bénévoles) pour examiner des dossiers de demande de qualification au sein de chacune des disciplines de l’université. Le CNU ne refait pas le travail du jury de thèse, qui est souverain : il se contente de dire si, oui ou non, l’ensemble du dossier professionnel du candidat est cohérent au plan disciplinaire, et s’il répond formellement aux compétences qu’on attend d’un futur universitaire. Autrement dit, le CNU ne ré-évalue pas la thèse du candidat (il n’en aurait de toute manière pas le temps), mais il statue sur un ensemble de pratiques professionnelles (disons : pré-professionnelles dans le cas des docteurs). Cela signifie que la thèse ne suffit pas pour être recruté à l’université. Même une très bonne thèse n’est pas suffisante : il faut avoir publié et enseigné aussi, parfois avoir communiqué dans des colloques, avoir participé autant que possible à des activités collectives au sein d’un ou de plusieurs établissements (en général, au sein de son université et/ou de son laboratoire), etc. Selon les disciplines, les exigences en matière de nombre de publication, et de types de revues scientifiques où il faut avoir publié, sont variables. Les résultats des délibérations des sections CNU sont publiées, ainsi que, parfois, des statistiques générales de leur activité (nombre de qualifiés par an, provenance disciplinaire des qualifiés, etc.)
- enfin, le recrutement dans une université : là encore, il est l’objet d’un travail collégial. Le dossier (généralement proche du dossier de qualification) est examiné par un comité disciplinaire ou interdisciplinaire d’élus et de nommés au sein d’un établissement, avec un pourcentage d’internes et d’externes, et les dossiers reçus (parfois une centaine pour un seul poste) sont alors classés par ordre de priorité (en fonction de critères d’adéquation au profil du poste). Cela se fait après une discussion collective. Ensuite, les candidats classés sont reçus devant le comité et doivent subir une sorte d’oral : un exposé de leur travail et de la manière dont ils pensent s’intégrer à l’établissement, suivi de questions de la part du comité.
A tous les niveaux de ce processus, comme dans tout fonctionnement humain organisé, il peut y avoir des contournement des règles éthiques de base : c’est totalement trivial que de le constater, et on n’avancera pas d’un iota dans la discussion si l’on se contente de dénoncer, en vrac et globalement, le CNU. Ce n’est pas le CNU en soi qui pose problème (pas plus que l’université en soi, ou le CNRS en soi poseraient problème), c’est tel ou tel dysfonctionnement dont on peut discuter, pour autant qu’on ne caricature pas ces fonctionnements et dysfonctionnements dont – j’insiste ! – l’existence est avérée dans toute structure organisationnelle, qu’il s’agisse de l’université, des entreprises ou de la politique. C’est cette permanence du contournement des normes au profit d’intérêts singuliers dans la vie sociale qui rend absurde les critiques du CNU en général ou de l’université en général, quand elles ne se basent que sur tel ou tel exemple individuel vécu (ou fantasmé…) par tel ou tel recalé.
Je précise que ces dernières années, c’est le ministère lui même (Pécresse et Fiorasso étant, de ce point de vue comme en général, sur la même ligne) qui a réduit la collégialité et affaibli la qualité du fonctionnement des anciennes « commissions de spécialistes » en les remplaçant par des « comités de sélection » qui recrutent maintenant sur des bases beaucoup plus localistes (et donc sujettes au copinage et aux magouilles) qu’avant : non pas à cause d’une perversité intrinsèque aux universitaires, mais en raison des idéologies libérales et managériales qui règnent depuis des dizaines d’années dans les différents gouvernements qui se sont succédé, et qui voient dans les règles collégiales un problème au lieu d’y voir des ressources et des garde-fous. L’attaque récente contre la qualification par le CNU relève des mêmes idéologies néfastes qui tendent à faire croire que tout ne serait que bureauxcratie inutile dans les fonctionnements collégiaux de l’université : on aimerait bien que le ministère lui-même réduise avant tout l’inutile bureaucratie de ses managers libéraux avant de critiquer celle, légitime, sur laquelle reposent nos mécanismes d’évaluation et de recrutement. en tout cas, ce n’est pas sur la base de diagnostic non partagés avec le ministère que l’on progressera dans le débat autour de l’université. Et on est actuellement, tout autant que durant la présidence Sarkozy, bien loin d’un partage du diagnostic permettant un dialogue rationnel avec le ministère…
Docteur de la Sorbonne en sciences humaines, parcours sans fautes. Lors de mon passage aux CNU 23 et 24 (deux années consécutives, 2007 et 2008), je suis refoulé malgré mes publications, mon expérience.Je suis né en France, y est grandi, mais lorsque l’on à un nom à consonnance “étrangère”, cela complique encore davantage la tâche.J’ai fais appel et lors de mon audition à la commission d’appel : il y avait dans la salle que les vieux “sages” des différentes sections des sciences humaines mais je n’étais nullement impressionné. Leur conclusion (preuves à l’appui) : Le candidat n’a pas montré assez de motivation pour devenir maître de conférence !!!!!!Tous les lèches bottes que je connaissais à Paris 4 ont eu le petit poste et c’est ainsi que ça fonctionne.IL FAUT DISSOUDRE CETTE “INSTITUTION”, CETTE SUPERCHERIE, QUI N EXISTE NUL PART AILLEURS, QUI SERT A FILTRER ET A NE LAISSER PASSER QUE LES COPAINS ET COPINES.LA GRANDE VERITE (ET TRISTE) EST QUE LE SYSTEME UNIVERSITAIRE FRANCAIS AINSI QUE LA RECHERCHE (CNRS ET COMPAGNIE) INSTITUENT LE CLIENTELISME (C EST UN PEU COMME EN POLITIQUE…). ET CELA DURE DEPUIS TROP LONGTEMPS. IL N Y A PAS DE POSTE POUR TOUT LE MONDE. ON VOUS LAISSE FAIRE UNE THESE MAIS ON NE VOUS DIT PAS QU IL NE FAUDRA PAS ESPERER PAR LA SUITE UN POSTE PUISQU ILS SONT DISTRIBUES AU COMPTE GOUTTE ET PAS A N IMPORTE QUI.MAIS BON J AI ESPOIR CAR TOUT LE SYSTEME EST AUJOURD’HUI A BOUT DE SOUFFLE. UN DE MES ANCIENS PROFS M AVOUAIT QUE LES ETUDIANTS NE LISAIENT MEME PLUS….
OUI POUR LA SUPPRESSION DE CETTE INSTANCE DE COPINAGE, C EST UNE URGENCE !
Je ne connais pas ce qui vous oppose au CNU, d’autant que nous je sommes pas dans la même discipline, mais je vous réponds en tant qu’universitaire, sur un plan plus général, même si évidemment quand on est confronté à une situation personnelle, celle-ci ne peut se résumer à des considérations générales. Mais nous sommes ici sur un blog de réflexion, et non sur un site personnel dédié au traitement de questions personnelles.
Je ne peux que répéter ce que j’ai écrit par ailleurs, chaque fois que j’ai vu des gens qui, partant de leur cas personnel, en tiraient des généralités et demandaient la suppression de la qualification, ou du CNU : il y a, dans toute organisation sociale, qu’elle soit publique ou privée, qu’il s’agisse d’une entreprise ou de l’université, des erreurs, des contournements des règles, des passes-droits et du clientélisme. C’est une évidence.
Certaines sections CNU sont des lieux de grenouillage. Certes. La meilleure chose à faire, dans ces contextes, n’est pas, à mon sens, de souhaiter supprimer les derniers gardes-fous et dispositifs collégiaux qui existent dans le système universitaire, dont le CNU et la qualification, au motif de ces erreurs, mais de contribuer à les rendre plus efficaces et à réduire ces marges d’erreurs et le clientélisme.
Dans un autre post, que je ne préfère pas laisser passer vous faites références au cas d’Anatoly Livry, qui se répand sur le web en propos nauséeux et caricaturaux, en accusations invérifiables et délirantes, quand il ne prône pas le national-socialisme sur des blogs fascistes. Le CNU n’est pas, comme Livry l’écrit, un repaire de “staliniens”, ni un lieu où la corruption et le copinage seraient légalisés et conduiraient à des gouffres financiers. Il s’agit avant tout d’une instance de gestion des carrières gérée par des bénévoles qui réalisent un gros travail d’analyse des dossiers, collectivement, sans en tirer aucun bénéfice : ces cas de travail bénévole pour la communauté sont majoritaires, et l’existence de problèmes ne doit pas les occulter.
Tirer une généralité aussi excessive et aboutissant à la critique radicale et généralisée à partir d’un cas isolé n’est pas, je trouve, la preuve d’un esprit très scientifique. Même si, évidemment, ne connaissant pas votre dossier, je ne remets pas en cause les problèmes dont vous faites état. Je voudrais toutefois vous signaler qu’il y a des gens aux noms à consonance étrangère qui sont, chaque année, qualifiés par le CNU sans problème, et également recrutés sur des postes. Mon nom, lui-même, n’est pas particulièrement “français de souche”…
La thèse n’est pas et n’a jamais été un diplôme débouchant avec certitude sur un poste, c’est un fait. En principe, les directeurs de thèses doivent clarifier cela avec leurs doctorants. Le problème n’est pas seulement celui du copinage et du clientélisme, mais il est celui de toute sélection, et il se renforce depuis une dizaine d’années suite au désengagement de l’État dans le financement de l’université et la recherche : de moins en moins de postes sont disponibles.
J’espère que votre situation trouvera un débouché positif pour vous, mais je vous engage à analyser ce qui vous arrive sans en tirer de conclusions hâtives et sans généraliser votre cas à l’ensemble d’une profession qui est déjà bien assez attaquée comme cela, et qui n’en peut plus du mépris qui lui est renvoyé à tous les niveau de la société, et des insultes publiques (cf. les diatribes poujadistes de N. Sarkozy lors de son mandat, ou encore le mépris de l’actuel gouvernement, qui ne vaut guère mieux…) alors que la plupart des gens ne font que leur travail, dans un contexte de plus en plus difficile.
Je précise que, dorénavant, je modérerai tout commentaire basé sur le schéma argumentatif suivant : “mon cas personnel est X, donc l’institution Y doit disparaître”, ainsi que tout commentaire faisant référence de manière non critique à des auteurs aux doctrines fascisantes.
Vous dites : “La thèse n’est pas et n’a jamais été un diplôme débouchant avec certitude sur un poste, c’est un fait” : EN FRANCE SEULEMENT !!!
Soyons sérieux : si dans tous les pays où des universités existent, chaque docteur avait obligatoirement accès à un poste dans le supérieur ou dans la recherche, ça se saurait et il y aurait autant de postes que de docteurs. Ça n’est le cas nulle part, et la France ne fait pas exception. Par ailleurs, il est normal et sain qu’une sélection existe : toutes les thèses ne se valent pas, il y en a des bonnes, des moyennes, et des mauvaises, et certaines ne méritent pas d’être qualifiées. Poster des contre-vérités en lettres majuscules ne dénote pas un esprit scientifique de votre part. Que l’on puisse critiquer certains aspects du fonctionnement de l’université française, je le comprends, mais pas en disant n’importe quoi, ni en diffusant des erreurs sur son fonctionnement au motif que votre thèse n’aurait pas été reconnue à sa juste valeur par le CNU, ce que personne ici ne peut vérifier dans la mesure où vous écrivez anonymement sans donner à vos lecteurs le moyen de vérifier vos affirmations. Votre dernière remarque sur l’accès soi-disant garanti à un poste universitaire ailleurs qu’en France montre que vous connaissez très mal les universités, leur fonctionnement, et les systèmes de recrutement français et des autres pays, qui sont assez semblables dans la mesure où ils sont basés sur une sélection.
Désolé de venir remettre mon grain de sel sur ce sujet que je redécouvre par hasard. Il ne peut évidemment pas y avoir de postes pour tout le monde, mais n’importe quel docteur ne devrait-il pas pouvoir au moins présenter sa candidature à un poste correspondant à son profil scientifique, sans qu’il y ait besoin de multiplier les instances de filtrage ? Vous me direz, cela ferait beaucoup de candidats, mais à ce moment-là, ne faut-il pas prendre le problème à la base et, peut-être, réfléchir à l’instauration de règles beaucoup plus précises en matière de constitution des jurys de thèse et d’évaluation scientifique de ces thèses, quitte à revoir les exigences à la hausse, donc éventuellement à délivrer ce diplôme avec plus de parcimonie, plutôt que de courir le risque de voir le CNU émettre un avis contraire à celui de ces jurys, ce qui, vous en conviendrez, ne contribue pas à les crédibiliser ?
Si après tout ce que vous avez lu plus haut vous n’êtes toujours pas convaincu, ma seule réponse sera : non, mon expérience concrète des métiers de la recherche et des recrutement m’a amplement démontré la nécessité de ces filtres et l’importance du CNU. Quant aux règles en matière de délivrance des thèses, elles existent et il n’y a aucun besoin de les reformuler. Simplement, de les appliquer… ce que s’empressent de nous empêcher de faire correctement nos tutelles, qui vont dans le sens de toujours moins d’exigence et de règles.
Mais ceux qui prônent l’abandon de la qualif et qui tirent à boulets rouge sur l’ambulance du CNU seront sans doute bientôt exaucés : le localisme et les recrutement sur la base du clientélisme se substitueront rapidement, par la force des doctrines néo-libérales appliquées à l’université, aux dernières règles reposant sur la collégialité. On verra alors si cela construit une université plus juste et plus démocratique… je suis absolument persuadé du contraire.
Je n’attends aucune reconnaissance de cette instance et il n’y a aucunes contre-vérités dans mes propos, mais vous êtes libre de penser ce que vous voulez, et moi de même. Mais trouvez-vous normal qu’à 2 reprises (deux années consécutives, mon dossier a reçu l’avis favorable des deux professeurs d’université, et les avis défavorables à deux reprises des maîtres de conférence, en principe moins expérimentés ? Puis, à la commission d’appel (car j’ai fait appel), le refus a été justifié par le fait que je n’apparaissais pas suffisamment motivé! (j’ai gardé les rapports de soutenance et de la commission d’appel). Pour information, mes ouvrages (j’en ai déjà publié trois à compte d’éditeur) ont été acquis par les bibliothèques des plus grandes universités américaines et étrangères, et même en France d’ailleurs(Harvard, Stanford,New York, bibliothèque du Congrès, Londres,BNF…), notamment le premier, qui est basé en partie sur mes travaux de thèse. (Parallèlement, j’ai publié plusieurs articles dans des revues internationales à comités de lecture reconnues).
Il y a filtrage évidemment dans tous les pays, mais cela, on le sait déjà, et c’est normal, mais en France, j’ai bien l’impression qu’il est à géométrie variable.
Je nuance mes propos pour finir : Dans les CNU, il y a sans aucun doute des membres dignes de juger de la qualité des dossiers, et d’autres qui, à mon humble avis, n’ont malheureusement rien à faire dans ces instances, et cela contribue à les décrédibiliser ainsi que ce système de filtrage.
Pour revenir à ce qui est essentiel, au-delà de mon expérience personnelle, qui n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, je vous rejoins sur le fait que les évolutions actuelles nous font craindre le pire pour l’avenir du système universitaire en France. L’université, le monde de la recherche, sont de plus en plus prisonniers d’une logique de gouvernance mondiale orientée par les impératifs du tout économique, du profit. Le réel danger est, comme vous le dites, l’imposition de la doctrine néolibérale à l’université. Cette réalité dépasse la sphère universitaire, car c’est tout le “système monde” que cette logique menace de conduire au gouffre.