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Lemmy is dead: le rock’n’roll en deuil
29 décembre 2015 Varia
Je suis professeur des universités en Sciences de l'information et de la communication.

Je travaille sur les relations entre nature, savoirs et sociétés, sur la patrimonialisation de l'environnement, sur les discours à propos de sciences, ainsi que sur la communication dans les institutions du savoir et de la culture. Au plan théorique, je me situe à l'articulation du champ de l'ethnologie et de la sémiotique des discours.

Sinon, dans la "vraie vie", je fais aussi plein d'autres choses tout à fait contre productives et pas scientifiques du tout... mais ça, c'est pour la vraie vie !
Igor Babou
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J’ap­prends une nou­velle qui rentre sans doute assez peu dans les thèmes d’In­dis­ci­pline, mais dont je me per­mets de par­ler ici, car je crois que la musique a sa place dans nos réflexions : la mort, à 70 balais, du bas­siste et chan­teur Lem­my Kil­mis­ter. Bon, j’en vois qui ouvrent des yeux ronds en se deman­dant de qui il s’a­git… Lem­my, c’é­tait sans doute le der­nier rocker encore en vie, avec Iggy Pop. Il avait fon­dé Mötö­rhead, un com­bo metal qui écu­mait les scènes du monde entier depuis la fin des années 70, et avant il avait joué dans Hawk­wind, un groupe de rock psy­ché­dé­lique tota­le­ment bar­ré. Et avant tout ça, il avait même été roa­dy de Jimi Hen­drix : le “roa­dy”, c’est l’un des types, en géné­ral assez cos­taud, qui montent maté­riel­le­ment les scènes. Sans eux, aucun concert n’est pos­sible : il faut bien une logis­tique à la musique, même si on l’ou­blie trop sou­vent. C’est dire si Lem­my était un vieux de la vieille. Et à une époque où l’in­dus­trie musi­cale et l’appât du gain amènent beau­coup de rock stars à se “cal­mer” pour pro­duire des tubes siru­peux, mar­que­tés pour entrer dans les for­mats insi­pides des radios et de la télé­vi­sion, lui il conti­nuait à faire un bou­can du diable, à se frin­guer comme un pirate psy­ché­dé­lique, et à boire sa bou­teille de whis­ky par jour. Un rocker, donc, sale et débraillé. Dégueu­lasse comme je les adore : pas ran­gé des voi­tures, speed et défon­cé, mépri­sant le bour­geois. Il avait joué dans un film potache inti­tu­lé “Eat the rich”, qui fai­sait l’a­po­lo­gie de la cui­sine des riches… disons plu­tôt de la meilleure manière de cui­si­ner les riches 😉 Tout un tas de légendes lui col­laient aux basques, for­cé­ment, à 70 ans, il avait der­rière lui plus de 50 ans de frasques rock’n’­rol­liennes ! On disait par exemple que son groupe jouait si fort qu’une fois, il avait fait s’ef­fon­drer le pla­fond d’une salle de concert. Sa bou­li­mie d’a­cide ou de speed fai­sait sans doute aus­si par­tie de sa légende.

Je n’a­vais jamais eu l’oc­ca­sion de le voir sur scène, mais dans ma culture punk, hos­tile par nature aux hip­pies, il fai­sait par­tie des anciens hip­pies qu’on res­pec­tait : car en dépit de ses che­veux longs, il était res­té rock’n’­roll, fai­sait une musique bru­tale, et fré­quen­tait les boites punks. La légende disait même que c’é­tait lui qui avait appris les trois seuls accords que Sid Vicious, le bas­siste des Sex Pis­tols, était capable de jouer. Ça, ça suf­fi­sait à me le rendre sym­pa­thique : ne connaître que trois accords (les punks haïs­saient la tech­nique et l’é­ru­di­tion musi­cale, seule l’éner­gie comp­tait), et les avoir appris à Sid, mazette !

Le para­doxe, c’est que la mort de Lem­my ait été annon­cée sur toutes les radios et dans la presse, alors que Mötö­rhead n’y était jamais pro­gram­mé, ou alors pas aux heures de grande écoute. La machine à récu­pé­rer du capi­ta­lisme, et celle à pis­ser de la copie du jour­na­lisme, sont en marche : Libé­Na­tion et le Quo­ti­dien Ves­pé­ral des Mar­chés (Le Monde) en parlent, c’est dire… comme s’il y avait encore un esprit rock dans Libé ou dans Le Monde…

Aujourd’­hui, le rock, le vrai, pas celui des radios ni des hit parades à la noix des télé­vi­sions et du mar­ché de la musique, est en deuil. Mais comme on ne va pas faire dans le sen­ti­men­ta­lisme, je vous laisse en musique avec quelques extraits musi­caux. Lem­my, vous le recon­naî­trez faci­le­ment : c’est le grand esco­griffe mous­ta­chu, à la voix éraillée et qui joue sur une Ricken­ba­cker, la basse rock par excellence !

De temps en temps, il fau­dra que je fasse des chro­niques musi­cales ici, tiens, his­toire qu’on ait aus­si un œil sur les musiques crades qui sentent la sueur et l’in­dis­ci­pline : ne jamais se ran­ger des voi­tures, ça conserve… Et ne jamais ran­ger le rock’n’­roll (ni ses ava­tars contem­po­rains, du rap aux musiques élec­tro­niques) dans les boites à conserves du minis­tère de la culture : musiques dites “actuelles” et autres fari­boles séman­tiques tout juste bonnes à mettre les indis­ci­pli­nés sur la voie de la chasse aux sub­ven­tions et du mar­ché de la musique.

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"5" Comments
  1. Les bour­geois cupides déca­naillent tout. Même le rock

  2. Ne jamais se ran­ger des voitures…Je garde le mot d’ordre. Oui fais nous des chro­niques musi­cales! On pour­rait apprendre encore bien plus de choses que trois accords grâce ton énorme culture, pra­tique et talent musicaux.

  3. Bon­jour,

    Je découvre le site, Igor Babou, parce qu’en fait, dans d’autres contrées, une abon­née, voya­geuse aus­si,  se trouve sup­pri­mée de mes contacts là-bas …alors j’ai un peu cher­ché … Je retrouve ici d’autres per­sonnes. Tiens! tiens !

    En musique, certes, mes choix ne sont pas sou­vent rock ! mais si mes pré­fé­rences n’in­dis­posent pas trop … et modé­ré­ment (oui, je le pro­mets !), je pro­pose de publier par­mi vous … Musique et pas que …

    Ami­tié.

    • N’hé­si­tez pas à nous rame­ner de la musique de vos voyages en tout cas ! Si j’ai par­lé de rock avec Mötö­rhead pour ce pre­mier post musi­cal, c’é­tait en rai­son de l’ac­tua­li­té, mais toutes les orien­ta­tions seront appré­ciées j’en suis sur.

      Et bien­ve­nue par­mi nous !

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