Depuis quelques mois, le gouvernement français traite la situation économique et sociale par divers « chocs ». L’un d’entre eux est le « choc de simplification », syntagme figé qui ne parvint pas à devenir un slogan populaire… mais prit néanmoins une bonne place dans le magasin à artifices discursifs, entre « l’inversion des courbes » et la répétition prophétique : « Moi, Président »
A l’Université, on a l’habitude des agressions du ministère contre les dispositifs de formation menées au nom de la « simplification » et de la « lisibilité », intervenant généralement 4 ans après l’injonction à faire du « pointu » et du « sur-mesure » … Le balancier bureaucratique oscillant de « contrats en bilan » du « prêt à former » identique sur tout le territoire à la « haute couture » faisant rivaliser les universitaires assignés à « l’ingéniérie pédagogique »…
Récemment, le ministère décida de « simplifier » les études de psychologie et les débarrassant de ce qui pouvait traîner ici ou là de « psychanalyse »…
Il n’y a pas très longtemps (au début des années 90), les équipes universitaires constatèrent avec stupeur que le ministère ne fixait plus des nombres d’heures minimaux pour la préparation d’un diplôme … mais des nombres d’heures maximaux. Surtout que le titulaire d’une maitrise n’aille pas bénéficier de … trop d’enseignements… A la même époque on inventa la « semestrialisation », semblant rendre les qualifications plus accessibles, et dans le même mouvement on inventa le semestre de 12 semaines… Les ministres socio-libéraux (genre Allègre) suivaient sur ce chemin sans s’en distinguer les ministres les plus droitiers, managériaux et autoritaires…(genre Pécresse …)
Il est un autre domaine où frappe aujourd’hui une entreprise de « simplification ». A savoir le « code du travail ».
On y met les grands moyens. On a fait sortir pour l’occasion l’un des plus légitimes patriarches du mitterrandisme, Robert Badinter, pour qui le monde du travail est un problème d’expertise juridique auquel il n’a jamais eu accès que dans des bibliothèques. Mais qui osera prêter de l’incompétence à celui qui fut à l’abolition de la peine de mort ce que Simone Veil fut aux droits vitaux des femmes ? Qu’importe si l’on assiste là au naufrage dans l’expertise instrumentalisée d’un ex-grand juriste … à la maniérée dont Michel Rocard inventa la taxe carbone pour réchauffer la tambouille écologiste de … la droite.
On mobilise aussi Terra Nova, le think Tank qui n’en finit pas d’enterrer politiquement la classe ouvrière et les salariés, pour leur substituer une classe moyenne porteuse d’avenir et de modernité…
Les médias officieux et officiels n’en finissent pas d’exemplifier cette nécessaire simplification, dont la seule dangerosité semble évidemment démontrée par le nombre de pages du Code du Travail.
On n’est pourtant pas là dans l’insignifiant.
Dans ce domaine, en effet, le Président Hollande et sa « famille de pensée » sont tout à fait conséquents et mènent depuis les années 80 un combat obstiné pour transférer vers la négociation locale, le « dialogue social », les « contrats » ce qu’il serait « lourd » de traiter au niveau de la loi.
Nous avons connu les « 30 glorieuses » et « l’ascenseur social »… L’un des ressorts essentiels qui donna leur dynamisme à ces années et à ce véhicule de progrès, fut le principe du « meilleur accord » … par lequel un acquis salarial, de statut ou de condition de travail acquis à tel ou tel endroit devient la règle partout pour la même situation.
De même, la loi fixait un salaire minimum ou des règles minimum applicables pour les congés et les vacances… Il était ensuite possible, par la négociation d’obtenir mieux là où le rapport de force le permettait.
Ainsi l’état, les pouvoirs publics étaient garants d’un minimum social et il était possible pour les partenaires d’apporter des améliorations.
Ce système tirait tout le monde vers le haut.
Aujourd’hui … le gouvernement, sous la dictée des idéologues du PS, du think tank Terra Nova et du MEDEF, veut que la loi, le Parlement et les règlements qui les appliquent se contentent de fixer de « grandes lignes », sorte de « maximum souhaitable », auxquelles les « partenaires sociaux » peuvent aussi déroger…
Ainsi les « 35 heures » deviennent « la durée légale du travail » … à laquelle les entreprises peuvent déroger en « négociant » … le seuil limite de déclenchement des heures supplémentaires…
De même, jusqu’ici un plan de licenciement (« plan social » dans le jargon néo-libéral) ne pouvait être mis en œuvre qu’après avis du Comité d’ Etablissement (et ce même si l’avis était défavorable…). Un Comité d’Etablissement avait donc le pouvoir de bloquer un plan de licenciement jusqu’à ce qu’il se considère comme « suffisamment informé » : il lui suffisait de ne pas remettre son avis tant qu’il n’avait pas reçu d’informations satisfaisantes. Le patronat était donc contraint de négocier vraiment, et de donner suffisamment satisfaction au CE pour que celui-ci rende son avis.Aujourd’hui, passé un délai de quelques mois, l’avis défavorable est réputé « connu » … et le plan de licenciement est mis en œuvre… Le patronat n’est nullement contraint de négocier…
Ou encore, jusqu’ici des « baisses de salaire » ne pouvaient être obtenues qu’avec l’accord des syndicats représentatifs… Les patrons étaient donc contraints d’informer pleinement des interlocuteurs compétents, en position de donner un avis informé et rationnel.
Aujourd’hui la procédure préférée des socialo-libéraux, des patrons de choc et des médias est le « référendum d’entreprise » : on matraque les salariés de menaces sur l’emploi, sans aucune argumentation économique valide, en gardant secrète la comptabilité réelle de l’entreprise et notamment les transferts de bénéfices entre filiales d’implantations nationales différentes, et dans ce contexte de chantage on leur fait voter : « oui à plus de travail pour gagner moins »… La démocratie est ainsi boutée hors du monde du travail, l’expression des salariés est dévoyée et … l’ascenseur social prend la direction des catacombes. TF1 ne manque de faire campagne pour le « oui » par des vagues d’interviews de salariés plébiscitant la baisse de leur pouvoir d’achat et/ou la détérioration de leurs conditions de vie pour un bénéfice supposé de l’entreprise…
Ainsi le « dialogue social » est devenu systématiquement une procédure pour tirer la réalité du travail de l’emploi et des salaires vers le plus défavorable, par dérogation à une loi qui ne définit plus des tremplins mais des plafonds…
Cette façon de faire définit l’ascenseur social de l’époque du hollandisme, c’est à dire un « descendeur » , et la forme spécifique du déplacement socialo-libéral : une marche à reculons vers les rapports de force capital/travail de la deuxième moitié du 19° siècle. Cette régression, ils l’appellent « modernité », et chaque fois qu’ils se débarrassent d’un peu de contre-pouvoir ouvrier, salarial, syndical, associatif, démocratique ils gagnent en « liberté ».
La curiosité française restera que cette manière de faire et d’agir est reconnue dans le monde entier comme la contre-réforme néo-conservatrice … alors qu’en France le parti qui conduit ce désastre s’appelle, ironiquement, « socialiste ».
Je livre ici quelques notes après une réunion de présentation de l’ouvrage édité par la Fondation Copernic: “Le code du travail en sursis” (Josepha Dirringer, maître de conférences en droit à l’Université Rennes 1 Emmanuel Dockès, professeur de droit à l’Université Paris-Ouest Nanterre Guillaume Etiévant, expert auprès des comités d’entreprise Patrick Le Moal, ancien inspecteur du travail Marc Mangenot, économiste — sociologue) Ouvrage à retrouver ici:
// On mobilise aussi Terra Nova, le think Tank qui n’en finit pas d’enterrer politiquement la classe ouvrière et les salariés, pour leur substituer une classe moyenne porteuse d’avenir et de modernité…//
Ma classe moyenne à moi ne remercie pas Terra Brûla : en quatre ans, 8% de revenus en plus, 60% d’impôts en plus.