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La Francesina qui rêvait de danser


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Il y a quelques mois, j’avais par­lé du spec­tacle de Vene­ra BATTIATO, qui nous fai­sait par­ta­ger le mélange des cultures d’une famille sici­lienne venue s’installer à Joeuf en Lor­raine à l’époque où les hauts-four­neaux fumaient jour et nuit et avaient besoin de main d’œuvre ( https://blogs.mediapart.fr/jean-paul-bourges/blog/110415/dehors-c-etait-la-france-dedans-c-etait-la-sicile ). Ita­lienne en France, on l’ap­pe­lait “La Fran­ce­si­na” en Sicile … la petite Française.

Hier nous avons été voir son nou­veau spec­tacle qui nous parle du rêve, né dans sa petite-enfance et qui per­sis­ta jusqu’à l’âge adulte : deve­nir danseuse.

« La bal­le­ri­na » nous conte donc un par­cours mar­qué par la volon­té de toute une famille, les parents et les trois filles dont Vene­ra est la ben­ja­mine, de trans­for­mer l’abandon du soleil des pentes de l’Etna en une réus­site sociale conquise par le dévoue­ment inces­sant des parents et par le tra­vail sco­laire sérieux d’enfants douées.

Seule en scène, ryth­mant ces étapes d’une vie de lutte par des disques vinyles, qu’un élec­tro­phone Tep­paz nous fai­sait revivre, Vene­ra vire­volte en mêlant l’Italien et le Fran­çais et nous la voyons ain­si gran­dir depuis la petite fille tour­nant par­mi les adultes dans une salle muni­ci­pale, à l’école pri­maire dans la cour de récréa­tion, puis à l’adolescence avec les pre­mières danses avec les gar­çons, jusqu’à l’audition pour l’admission au conser­va­toire natio­nal des Arts du Cirque du Mime et de la Danse à Paris … où elle eut l’éblouissement de lire son nom sur la liste des admises.

L’ensemble est abor­dé avec légè­re­té, sans pathos arti­fi­ciel, comme il sied tout autant à ces insu­laires Sici­liennes qui cachent leur carac­tère pas­sion­né sous un fichu dis­cret comme elles, qu’à ces Lor­raines, rudes au tra­vail, déter­mi­nées et réser­vées (Je sais de quoi je parle, maman était comme cela).

Elle nous conte l’escapade qui lui fai­sant, avec des copines, sécher le col­lège néces­si­ta un chan­ge­ment d’établissement et l’amena dans une école pri­vée où un pro­fes­seur remar­quable sut iden­ti­fier son talent … qui lui valut un 20 à une dis­ser­ta­tion sur l’amour à par­tir d’une phrase de Bérénice.

Alors que les ten­sions montent en France contre l’immigration et en nous rap­pe­lant les accès de vio­lence contre « les Ritals » lors des pre­mières vagues d’immigration qui venaient d’Italie, écou­tons ain­si racon­ter autant com­ment la France s’est faite que, com­ment une fillette accé­da à un rêve de deve­nir dan­seuse … et pro­fes­seure de lettres.

Vene­ra le rap­pelle très sim­ple­ment : les parents souffrent et s’exposent aux dan­gers, au mépris, aux bri­mades … dans l’espoir que leurs enfants vivront mieux qu’eux. Ce fut le cas pour elle et ses sœurs. Ce sera le cas de ces enfants qui arrivent du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Asie … il y a plein de futures Vene­ra par­mi eux.
Si vous le pou­vez allez donc la voir ( http://www.venera.fr ).

Jean-Paul BOURGЀS 24 jan­vier 2015

La pho­to est de Mar­tine PLANET

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4 réponses “La Francesina qui rêvait de danser”

  1. 24 janvier 2016 à 23 h 07 min

    Mal pla­cé pour le dire, mais l’a­ve­nir d’un pays tient aux apports des humbles de l’ailleurs. Les poé­tesses et les poètes font par­tie de l’ailleurs.

  2. 25 janvier 2016 à 0 h 30 min

    Mer­ci pour cet article !!Soi­rée pleine d’é­mo­tions en effet; Véné­ra a reçu de ses parents la force ;la digni­té , et  la fier­té…  que nous donnent à voir tous ces emi­grés fuyant la  pau­vre­té, la dic­ta­ture, la guerre…Mais qui se heurtent aux fron­tières d’un monde de plus en plus fer­mé et frileux…

    • 25 janvier 2016 à 1 h 08 min

      Je n’ai eu le temps d’é­crire cet article que tard en soi­rée (Je devais d’a­bord finir un dos­sier de demande de sub­ven­tion pour mon asso­cia­tion … mais nous sommes déjà lun­di et j’ai fait tout ce que je vou­lais faire ! ! !).

      Je ne connais VENERA que depuis quelques mois, mais j’a­dore ce qu’elle fait et la nature des mes­sages qu’elle sait pas­ser, autant par ses paroles que par son sou­rire et l’en­semble de sa gestuelle).

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