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Indiscipline répond à Bruno Latour le trop discipliné
26 février 2009 Critiques
Je suis professeur des universités en Sciences de l'information et de la communication.

Je travaille sur les relations entre nature, savoirs et sociétés, sur la patrimonialisation de l'environnement, sur les discours à propos de sciences, ainsi que sur la communication dans les institutions du savoir et de la culture. Au plan théorique, je me situe à l'articulation du champ de l'ethnologie et de la sémiotique des discours.

Sinon, dans la "vraie vie", je fais aussi plein d'autres choses tout à fait contre productives et pas scientifiques du tout... mais ça, c'est pour la vraie vie !
Igor Babou
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Par Igor Babou et Joëlle Le Marec.

Bru­no Latour, socio­logue des sciences, vient de publier un article d’opinion dans Le Monde sous le titre : « Auto­no­mie, que de crimes on com­met en ton nom ! » (Le Monde, 25.02.09. Lire l’article en ligne).

Enfon­çant les pon­cifs jour­na­lis­tiques, l’article de Bru­no Latour com­mence par une phrase choc accu­sant les intel­lec­tuels (tous les intel­lec­tuels) de gauche (selon le pon­cif, un intel­lec­tuel est for­cé­ment de gauche) d’immobilisme : tel des « chauf­feurs de taxi », les uni­ver­si­taires seraient ins­tal­lés « dans la défense obs­ti­née du sta­tu quo ». Mer­ci de la com­pa­rai­son avec les chauf­feurs de taxi : on ne sait pas trop, cepen­dant, qui cette plate ana­lo­gie est char­gée d’insulter, et pour le moment, le syn­di­cat des chauf­feurs de taxi n’a pas réagi. Dans la fou­lée du dis­cours mépri­sant de Nico­las Sar­ko­zy le 22 jan­vier 2009, Bru­no Latour natu­ra­lise sans honte, outre le registre de l’insulte et de la stig­ma­ti­sa­tion qui fait le lit de l’anti-intellectualisme ambiant, ce qu’il ne peut pas ne pas savoir être un men­songe : contrai­re­ment aux accu­sa­tions d’immobilisme, il y a un rythme inten­sif des chan­ge­ments dans l’enseignement supé­rieur et la recherche. Ces chan­ge­ments ont pu être liés aux ini­tia­tives du milieu uni­ver­si­taire lui-même. Mais cette dyna­mique des chan­ge­ments internes est désor­mais para­ly­sée par le rythme fré­né­tique des muta­tions impo­sées pat l’État, et elles seront évi­dem­ment entra­vées par la logique tatillonne, ges­tion­naire, mana­gé­riale de la loi sur l’Autonomie des Universités.

Réaf­fir­mons-le avec force : l’université n’a en aucun cas été un lieu d’immobilisme durant les der­nières décen­nies. Elle a for­mé des cen­taines de mil­liers d’étudiants, a déve­lop­pé d’innombrables filières, a créé feu les IUP (Ins­ti­tuts Uni­ver­si­taires Pro­fes­sion­na­li­sés), qui ont été des suc­cès remar­quables avant de se voir sup­pri­més par des réformes impo­sées sans aucune connais­sance de ce qui se fai­sait loca­le­ment à l’initiative des dyna­miques propres de chaque université.

Ce sont éga­le­ment des éta­blis­se­ments d’en­sei­gne­ment supé­rieur et de recherche qui ont eu l’i­ni­tia­tive des double cur­sus « Sciences et sciences poli­tiques » dans les­quels Bru­no Latour enseigne aujourd’­hui. Il est sur­pre­nant qu’il ne compte pour rien ce dont il a pu béné­fi­cier et faire béné­fi­cier à d’autres, col­lègues et étu­diants, dans la vision cari­ca­tu­rale de cette uni­ver­si­té immo­bi­liste qu’il évoque.

En outre, ceux qui s’opposent actuel­le­ment à la réforme ne sont évi­dem­ment pas tous des « gau­chistes » : l’Académie des sciences, l’Institut Uni­ver­si­taire de France, le Conseil Natio­nal des Uni­ver­si­tés, les Pré­si­dents d’université, les socié­tés savantes, un grand nombre de labo­ra­toires ont rejoint le mou­ve­ment. Bru­no Latour est bien seul à pen­ser que tous ces col­lègues en colère ne seraient « que » des gau­chistes (de toute manière, cet usage inju­rieux du terme « gau­chiste » n’est pas digne de quelqu’un qui pré­tend par ailleurs refon­der le poli­tique sur des bases écologiques).

La mau­vaise foi n’est pas sur­pre­nante de la part de Bru­no Latour. Sa ten­dance à cari­ca­tu­rer des posi­tions fic­tives au lieu d’affronter les argu­ments réels était mani­feste lors de la dis­cus­sion de ques­tions comme la rela­tion des socié­tés à la nature, à la moder­ni­té ou aux sciences ((Voir à ce pro­pos l’excellent – et vif – échange entre Alain Caillé et Bru­no Latour dans la revue du MAUSS : Revue du MAUSS n° 17 — « Chas­sez le natu­rel… éco­lo­gisme, natu­ra­lisme et construc­ti­visme », 1er semestre 2001.)).

Dans le second para­graphe de l’article du Monde, cette mau­vaise foi prend une dimen­sion déme­su­rée : au nom de ses tra­vaux, ayant mon­tré l’étroite imbri­ca­tion entre les savoirs et les pra­tiques sociales – tra­vaux aux­quels nous adhé­rons -, Bru­no Latour pré­tend que la remise en cause de la loi sur l’autonomie des uni­ver­si­tés serait contra­dic­toire : la science n’ayant jamais été « auto­nome » (au sens de sépa­rée des pra­tiques et des enjeux sociaux), ce serait un non sens que de lut­ter contre une réforme lui appor­tant une auto­no­mie qu’elle n’aurait jamais eue. Pas­sons sur le carac­tère équi­voque du rai­son­ne­ment, mais on ne peut que s’étonner de l’analogie entre l’usage du mot « auto­no­mie » quand il est mobi­li­sé pour ana­ly­ser le grand par­tage entre Science et Socié­té (en effet, on peut accep­ter l’idée qu’il n’y ait pas « auto­no­mie » des sciences) et l’usage du terme « auto­no­mie » dans les dis­cours minis­té­riels et gou­ver­ne­men­taux sur l’université : il s’agit dans ce cas d’un mode d’organisation délé­gant un cer­tain nombre de pou­voirs autre­fois assu­més col­lé­gia­le­ment au pré­sident de l’université, trans­for­mé en mana­ger diri­geant son éta­blis­se­ment comme un patron. Bru­no Latour ne peut pas ne pas être au cou­rant de cette dis­tinc­tion, et c’est donc en connais­sance de cause qu’il confond un niveau des­crip­tif et concep­tuel de rai­son­ne­ment avec celui, pra­tique et nor­ma­tif, de la déma­go­gie gou­ver­ne­men­tale. Mais, fait signi­fi­ca­tif, c’est dans la presse « de qua­li­té » du Monde qu’il s’exprime, cer­tain qu’il est de ne pas être repris par des relec­teurs qui lui auraient deman­dé de revoir sa copie au nom d’un refus d’analogies infon­dées s’il s’était expri­mé dans une revue scientifique.

En revanche, le rai­son­ne­ment latou­rien s’inverse lors de l’évocation du métier d’enseignant-chercheur. Bru­no Latour y voit lui-même un de ces Grands Par­tages qu’il dénonce pour­tant si sou­vent : le métier d’enseignant et le métier de cher­cheurs seraient dis­tincts. Cet énon­cé est sidé­rant sous la plume d’un pro­fes­seur des uni­ver­si­tés. Notre actuel sta­tut d’enseignants-chercheurs, celui-là même qui figure sur la fiche de paye de Bru­no Latour en tant que pro­fes­seur des uni­ver­si­tés, comme la pra­tique des cher­cheurs à plein temps du CNRS qui sont très nom­breux à ensei­gner, indiquent suf­fi­sam­ment que les deux métiers ne sont pas dis­so­ciés. L’idée que l’enseignement serait une sorte de puni­tion pour ceux qui ne sont pas des cher­cheurs assez per­for­mants est un impli­cite de sens com­mun, une naï­ve­té éton­nante des membres du cabi­net Pécresse, tout à fait révé­la­teur de leur mécon­nais­sance du milieu, et qui a cho­qué pro­fon­dé­ment la com­mu­nau­té uni­ver­si­taire. Bru­no Latour ne peut pas l’ignorer. A moins qu’il ne nous révèle là sa vision toute per­son­nelle des liens entre l’enseignement et la recherche…

Pré­tendre que cette sépa­ra­tion des fonc­tions pour­rait favo­ri­ser le lien entre les ensei­gnants et leur public d’étudiants, relève là aus­si de la pure mau­vaise foi.

Mais le moment le plus déso­lant arrive à la phrase sui­vante, d’une vio­lence et d’un mépris confon­dants : « Les uni­ver­si­taires ont tel­le­ment per­du le goût de la liber­té qu’ils se sont mis à confondre la dépen­dance à l’É­tat avec la garan­tie de l’ex­cel­lence ». Bru­no Latour sait qu’en réa­li­té c’est au nom des liber­tés aca­dé­miques mena­cées par une réforme visant à concen­trer les pou­voirs entre les mains des pré­si­dents d’universités et des direc­teurs de grandes écoles au détri­ment des ins­tances col­lé­giales, que l’actuel mou­ve­ment de remise en cause des réformes est né. Il ne peut pas igno­rer non plus que la lutte contre les réformes vise à des­ser­rer les liens struc­tu­rels entre les champs poli­tique et éco­no­mique d’une part et le champ de la pro­duc­tion des connais­sances d’autre part, et qu’elle est donc une lutte pour une auto­no­mie intel­lec­tuelle face à une bureau­cra­tie et un pou­voir auto­ri­taire chaque jour plus étouf­fants. Com­ment confondre aus­si gros­siè­re­ment la dépen­dance à l’État qui va se ren­for­cer avec les réformes, et le fonc­tion­ne­ment col­lé­gial des sciences tel qu’il a été his­to­ri­que­ment ins­ti­tué ? Cette col­lé­gia­li­té mena­cée par les réformes est une garan­tie d’autonomie intel­lec­tuelle vis-à-vis des pou­voirs même si elle est fra­gile et si cha­cun d’entre nous en connaît bien les limites : auto­no­mie non pas de la science vis-à-vis de la socié­té — mer­ci de ne pas nous faire l’injure de pen­ser que nous ne vous avons pas bien lu ou que nous n’avons pas nous-mêmes mené assez de tra­vaux de recherche sur les sciences pour ne pas en être déjà ample­ment convain­cus — mais auto­no­mie à l’égard de tutelles poli­tiques et du modèle idéo­lo­gique de la concurrence.

Le simple constat de la bru­ta­li­té et de la vul­ga­ri­té de l’expression pré­si­den­tielle à l’égard des uni­ver­si­taires et de la recherche, ou encore la lec­ture atten­tive des nom­breux textes issus des coor­di­na­tions ou des divers col­lec­tifs infor­mels consti­tués depuis l’entrée en vigueur des accords de Bologne et de l’application de l’AGCS (accord géné­ral sur le com­merce et les ser­vices) au sec­teur de l’enseignement supé­rieur, auraient du suf­fire à évi­ter à Bru­no Latour d’écrire autant de bêtises !

Mais il a pré­fé­ré, comme sou­vent, jouer sur les mots et mettre en scène une fausse rup­ture avec des posi­tions qu’il invente. Pierre Bour­dieu, ana­ly­sant ses tra­vaux, avait déjà ana­ly­sé ces glis­se­ments de sens et ces ana­lo­gies outrancières :

[…] on peut, en jouant sur les mots ou en lais­sant jouer les mots, pas­ser à des pro­po­si­tions d’allure radi­cales (propres à faire de grands effets, sur­tout sur des cam­pus d’Outre-Atlantique domi­nés par la vision logi­ciste-posi­ti­viste). En disant que les faits sont arti­fi­ciels au sens de fabri­qués, Latour et Wool­gar laissent entendre qu’ils sont fic­tifs, pas objec­tifs, pas authen­tiques. Le suc­cès de leurs pro­pos résulte de « l’effet de radi­ca­li­té », comme le dit Yves Gin­gras (2000), qui naît de ce glis­se­ment sug­gé­ré et encou­ra­gé par un habile usage de concepts amphi­bo­lo­giques. La stra­té­gie de pas­sage à la limite est un des res­sorts pri­vi­lé­giés de la recherche de cet effet (je pense à l’usage qui, dans les années 1970, a été fait de la thèse illit­chienne de l’abolition de l’école pour com­battre la des­crip­tion de l’effet repro­duc­teur de l’école) ; mais elle peut conduire à des posi­tions inte­nables, insou­te­nables, parce que tout sim­ple­ment absurdes. ((Bour­dieu, Pierre. Science de la science et réflexi­vi­té. Paris : Rai­sons d’Agir, 2001, p. 56.))

Ce qui est ici insou­te­nable, outre l’usage d’analogies et le jeu sur le sens du mot « auto­no­mie », c’est de voir un cher­cheur de renom­mée inter­na­tio­nale s’appuyer sur son accès direct à une presse qui n’a eu de cesse de cen­su­rer la parole et les argu­ments des uni­ver­si­taires en lutte, pour s’exprimer, au nom d’une légi­ti­mi­té aca­dé­mique, contre un fonc­tion­ne­ment aca­dé­mique qu’il cari­ca­ture au lieu de le décrire hon­nê­te­ment, tout en ne tenant aucun compte des vrais argu­ments des oppo­sants à la réforme qui, eux n’ont que peu de chance d’accéder aux pages du Monde : ou com­ment faus­ser le débat public en ne tenant aucun compte de sa propre posi­tion dans le champ média­tique et dans le mar­ché aux idées de sens commun.

Mais tout cela ne serait pas grand chose, fina­le­ment, en regard de l’avant der­nier para­graphe de l’article : « Les mau­vaises uni­ver­si­tés dis­pa­raî­tront enfin, libé­rant des res­sources pour les autres : ce n’est pas à la gauche de défendre les pri­vi­lèges de la noblesse d’É­tat. ». Alors que Bru­no Latour a pas­sé des années à nous assu­rer du carac­tère com­plexe, « touf­fu », « éche­ve­lé » des média­tions construi­sant la rela­tion « non moderne » entre les sciences et la socié­té, alors qu’il a pas­sé des années à nous mettre en garde contre les dicho­to­mies et les grands par­tages abu­sifs consti­tu­tifs de la « moder­ni­té », voi­là qu’il en revient à une concep­tion essen­tia­liste des ins­ti­tu­tions comme s’opposant, sui gene­ri, sur l’axe du bon et du mau­vais ! Il y aurait fina­le­ment des « bonnes » uni­ver­si­tés (sans doute les grandes écoles ou les uni­ver­si­tés bien dotées du centre de Paris) et les « mau­vaises » : on ima­gine sans peine que les exclues du tableau d’honneur latou­rien seront les petites uni­ver­si­tés de pro­vince, ou celles n’ayant pas de double cur­sus avec Science Po Paris…

Nul doute que ce retour à une socio­lo­gie de comp­toir appuyée sur des caté­go­ries dicho­to­miques de sens com­mun (bon vs mau­vais), insen­sible à la dyna­mique des ins­ti­tu­tions, à l’évolution com­plexe des recru­te­ments, des tra­vaux empi­riques, de la pro­gram­ma­tion de la recherche, des sou­tiens finan­ciers, de l’impact des réformes, de la gou­ver­nance des éta­blis­se­ments, ou encore aux enjeux démo­cra­tiques du savoir, sera propre à appa­raître comme une posi­tion radi­cale et anti­con­for­miste à Science po ou à l’ENA où la rhé­to­rique jour­na­lis­tique et les rac­cour­cis de sens com­mun font figure d’argumentation : en l’absence de tra­vail sur les faits et sur les dis­cours, le fai­ti­chisme des opi­nions et du jeu sur le sens des mots peut se déployer et prendre l’allure d’une lutte har­die contre les cor­po­ra­tismes, d’une sainte colère contre l’immobilisme académique.

Une der­nière chose, mais non des moindres : lors de la remise des pre­miers diplômes des double cur­sus « sciences et sciences poli­tiques », et l’inauguration des nou­veaux doubles cur­sus « sciences et his­toire », dans l’amphithéâtre de la Sor­bonne, les pré­si­dents des uni­ver­si­tés de Paris IV, Paris VI, et le direc­teur de l’IEP de Paris fai­saient face à des cen­taines d’étudiants lau­réats ou nou­vel­le­ment ins­crits dans ces nou­velles filières issues non des réformes, mais de l’initiative des uni­ver­si­taires eux-mêmes. C’était un moment impor­tant, et Georges Moli­nié, pré­sident de l’Université Paris IV, a su s’adresser aux étu­diants pour évo­quer ce que signi­fiait dans le contexte actuel l’apparition de for­ma­tions com­bi­nant les sciences de la nature et les sciences humaines et sociales. Il a su évo­quer l’unité du pro­jet aca­dé­mique, de son uto­pie jamais atteinte, mais tou­jours ins­pi­ra­trice. C’est l’explorateur Jean-Louis Etienne qui, éton­nam­ment, a ten­té assez mal­adroi­te­ment, mais avec beau­coup de cha­leur, de tenir un dis­cours sur les enjeux de ces for­ma­tions pion­nières, très exi­geantes. Et Bru­no Latour ? Assis sur le pre­mier rang des gra­dins, il était plon­gé dans la lec­ture de son cour­rier, déli­bé­ré­ment absent et indif­fé­rent, ne se réveillant que pour remettre les nou­veaux diplômes et ser­rer des mains. Pas un mot de celui qui a tant écrit sur la poli­tique de la nature, ou sur ce que la socio­lo­gie fait aux sciences.

A côté de l’un d’entre nous, sur les gra­dins, deux étu­diants venus à la ren­contre du monde uni­ver­si­taire tentent comme ils peuvent de recons­ti­tuer l’évènement qui n’aura pas lieu en surin­ves­tis­sant les quelques paroles de Georges Moli­nié, les seules qui aient été à la hau­teur de leur attente. Et Bru­no Latour ? Il n’a rien à leur dire. Il se réserve pour d’autres tri­bunes, plus ren­tables édi­to­ria­le­ment. Un cénacle d’intellectuels pon­ti­fiant à Venise ((Latour, Bru­no. Les atmo­sphères de la poli­tique : Dia­logue pour un monde com­mun. Paris : Empê­cheurs de Pen­ser en Rond, 2006.)), un article dans le jour­nal « Le Monde ».

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"7" Comments
  1. Juste une petite cor­rec­tion: vous appe­lez Moli­nié Pierre dans la pre­mière occurrence.
    C’est triste ce que vous poin­tez là chez BL. Une vieille nos­tal­gie pro-sys­tème amé­ri­cain ? Je suis assez d’ac­cord pour dire que l’u­ni­ver­si­té a bien du mal à fonc­tion­ner en tant que telle, et il faut la réfor­mer, et non la défendre comme elle est, mais là, ce qu’on nous pro­pose, c’est aber­rant, et qu’un cher­cheur comme BL nie les évo­lu­tions et les efforts est peu soli­daire voire méprisant.

  2. Sans entrer dans les détails de l’oeuvre de B. Latour, pré­sen­tée ici de façon un peu cari­ca­tu­rale à mon sens, on peut tou­te­fois faire une remarque de bon sens à la tri­bune de Latour publiée dans le monde : elle mani­feste un cruel manque de connais­sances de la réa­li­té dont il parle. N’ayant jamais fait de recherche sur l’u­ni­ver­si­té fran­çaise actuelle, notre brillant auteur s’est limi­té au registre des cli­chés écu­lés, repre­nant (sans s’en rendre compte ?) les rhé­to­riques creuses de Pécresse & cie qui ne connaissent pas davan­tage le fonc­tion­ne­ment de l’U­ni­ver­si­té et se réels pro­blèmes, maté­riels, orga­ni­sa­tion­nels, qui ne se résolvent pas avec un “yaka” et “faites-nous confiance, on veut votre bien, mais vous ne vous vous en ren­dez pas compte, car vous êtes mal éclai­rés”, aus­si indignes de la part d’une ministre que d’un savant qui se réclame de Dewey. L’ex­pli­ca­tion, hélas, est simple. Comme Pécresse, pro­duit d’HEC et de l’E­NA, Latour n’a jamais tra­vaillé dans l’u­ni­ver­si­té fran­çaise. Ensei­gnant en Cali­for­nie, puis à l’e­cole des Mines, puis à la Lon­don school of eco­no­mics, puis à L’IEP de Paris, notre spé­cia­liste n’a jamais été membre d’une uni­ver­si­té fran­çaise. Bien sûr, cela n’a rien d’in­fa­mant, mais c’est un peu gênant quand on pré­tend appor­ter la bonne nou­velle éclai­rée aux par­ties pre­nantes de la crise actuelle, notam­ment aux uni­ver­si­taires enté­né­brés dans leur cor­po­ra­tisme. Que Latour étu­die la ques­tion avec la patience du cher­cheur et qu’il revienne avec la modes­tie poli­tique néces­saire. Plus lar­ge­ment, on peut ajou­ter un mot à ce débat.
    Com­ment, dans ce domaine, le gou­ver­ne­ment envi­sage-t-il de “réfor­mer” l’u­ni­ver­si­té sans écou­ter l’ex­per­tise des pre­miers infor­més, et même en les pre­nant osten­si­ble­ment pour des billes ? Peut-on ces­ser de consi­dé­rer que leur recom­man­da­tions sont mues avant tout par un égoïsme mal­sain, alors que les ministres de la science infuse seraient, par le Saint-esprit reçu de la Grande Ecole, capables d’ap­por­ter la Solu­tion Ultime, en un tournemain ?

    • Nous n’a­vons pas cher­ché à pré­sen­ter l’oeuvre de Bru­no Latour, mais sim­ple­ment à réagir à son texte. Son oeuvre nous paraît suf­fi­sam­ment connue pour ne pas avoir à la com­men­ter dans les limites de notre com­men­taire. Je pense que le pro­blème réel dont l’ar­ticle témoigne n’est pas une mécon­nais­sance de l’U­ni­ver­si­té. Il serait plu­tôt, et c’est plus inquié­tant, dans le fait que ce soit Bru­no Latour qui se cari­ca­ture lui-même avec son oppo­si­tion entre hété­ro­no­mie et “auto­no­mie” (celle de la loi).

  3. Content de vous retrou­ver en ligne, tou­jours aus­si justes et com­ba­tifs, plu­sieurs années après vous avoir ren­con­tré dans un des sémi­naires CRICS/C2SO à Lyon ! Au plai­sir de vous lire.

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